Allez coucher ailleurs
Un grand merci à ESC Conseils pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Allez coucher ailleurs ! » de Howard Hawks.
« Nous avons pris la décision de nous marier cet après-midi dans une meule de foin »
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le lieutenant américain Catherine Gates et le capitaine français Henri Rochard sont chargés d’une mission en Allemagne.
Après bien des péripéties, l’amour s’en mêle, et les voici bientôt mariés. Mais impossible de partir ensemble aux Etats-Unis : les formalités administratives sont telles que Henri va devoir se déguiser en femme et se faire passer pour une veuve de guerre…
« Je vais rester là à me demander à quel sexe j’appartiens »
Né au sein d’une riche famille d’industriels, le jeune Howard Hawks mène d’abord une vie d’aventures, étant tour à tour pilote de course puis aviateur durant la première guerre mondiale. De retour en Amérique, il fait la rencontre fortuite le temps d’une course automobile de Victor Fleming avec qui il se lie d’amitié. Ce dernier lui permettra de faire son entrée dans la toute jeune industrie cinématographique hollywoodienne. Exerçant successivement les métiers d’accessoiriste, de mécanicien ou de décorateur, il finit par réaliser ses premiers films en 1926. Mais c’est véritablement avec les années 30 et l’avènement du cinéma parlant que la carrière de Hawks décolle et qu’il s’impose comme l’un des figures majeures d’Hollywood. Il enchaine alors les succès dans des genres aussi divers que le film de gangsters (« Scarface »), le film de guerre (« Sergent York ») ou encore le drame (« Après nous le déluge »). Mais c’est surtout grâce au genre de la screwball comedy qu’il obtient ses meilleurs succès (« L’impossible Monsieur bébé », « La dame du vendredi »). Après une décennie davantage tournée vers le western (« La rivière rouge ») et le film noir (« Le port de l’angoisse », « Le grand sommeil »), il revient en 1949 à son genre de prédilection avec « Allez coucher ailleurs », adaptation du roman largement autobiographique du belge Henri Cochard, qui racontait ses mésaventures pour rejoindre les Etats-Unis après avoir épousé une militaire américaine à la libération. L’occasion pour Hawks de retrouver Cary Grant, l’un de ses acteurs fétiches. Face à lui, le réalisateur imposera la comédienne Ann Sheridan, jugée plus « punshy » que la star Ava Gardner qui était le premier choix de la production.
« Si l’armée américaine dit que je suis une femme, de quel droit devrais-je la contester ? »
Après une décennie de guerre, de sang et de larmes, l’heure semble être au retour à un peu de légèreté. Fini donc les films de propagande et d’exaltation. Place à la comédie ! Une comédie toutefois encore largement marquée par le contexte de la guerre et de la reconstruction. A l’image des premières scènes du film, tournée dans une ville allemande encore largement détruite et occupée par les armes alliées. C’est ce décor qui servira à Hawkes pour construire une comédie essentiellement basée sur l’inversement des archétypes. En effet, dans « Allez coucher ailleurs », c’est le personnage féminin qui se retrouve être le personnage « fort » (qui prend les décisions et les initiatives, qui conduit la moto et qui trouve les solutions aux problèmes) qui domine le personnage masculin, plus « faible » et légèrement infantilisé, qui semble subir son destin et les situations improbable que sa maladresse et son manque d’à-propos semblent causer. Un postulat étonnement féministe pour l’époque (autant qu’une charge contre les aberrations d’une administration bornée et machiste) et qui est à l’origine de nombreuses situations savoureuses (notamment lorsque Cary Grant se retrouve trimbalé avec les épouses des soldats américains et qu’il doit toujours se justifier de sa condition, non-prévue par l’administration). Le film fait également la part belle à un humour burlesque dans lequel Cary Grant excelle à merveille (la nuit dans la chambre d’hôtel fermée de l’intérieur mérite à elle seule le détour) trouvant son apothéose dans un final mythique et très audacieux pour l’époque dans lequel l’acteur se retrouve atrocement travesti en femme (avec une coupe de cheveux en crin de cheval digne d’un épouvantail), condition sine qua non (et ultime castration !) pour pouvoir accompagner sa dulcinée en Amérique. « Allez coucher ailleurs » marque donc le retour triomphant de Hawks à la comédie qui réalise là un film progressiste à la fois très intelligent et totalement hilarant.
***
Le DVD : Le film est présenté dans un nouveau master restauré en haute définition. Il est proposé en version originale américaine ainsi qu’en version française (toutes deux en 2.0). Des sous-titres français sont également proposés. Côté bonus, le film est accompagné de« Allez coucher ailleurs, un remariage à Hollywood » une présentation du film par Jacky Goldberg, critique cinéma pour Les Inrockuptibles (20’).
Edité par ESC Conseils, « Allez coucher ailleurs » est disponible en DVD depuis le 7 septembre 2016.
La nouvelle vague de sorties de la collection « Hollywood legends » par ESC Conseils comprend également les titres « Le carrefour de la mort » et « Back door to hell ».
Le site Internet de ESC Conseils est ici. Sa page Facebook est ici.
Le DVD de « Allez coucher ailleurs » est disponible ici.
Commenter cet article