La chevauchée sauvage
Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « La chevauchée sauvage » de Richard Brooks.
« Un gamin qui veut se faire une réputation est bien plus dangereux que le diable ! »
« The Western Press » organise une course d’endurance de 700 milles dotée d’un prix de 2000 dollars. Le riche propriétaire J.B. Parker charge le cowboy Sam Clayton de conduire son cheval Tripoli jusqu’au départ. La course va notamment réunir Luke Matthews, un vieil aventurier, « Mister », un vieux cowboy, Carbo, jeune et impétueux, un Mexicain et Miss Jones, une ancienne prostituée. Sam sauve Miss Jones attaquée par deux bandits et oblige Carbo à enterrer le cheval dont il a causé la mort par épuisement…
« La victoire ne vous intéresse pas ? C’est une attitude qui n’est pas très américaine ! »
La vie de Richard Brooks demeure intimement liée à l’écriture. Une passion qui l’a conduit très jeune au journalisme, débutant comme chroniqueur sportif pour la presse écrite dès le début des années 30 avant de devenir éditorialiste pour la radio à la fin de la décennie. Après une courte expérience comme auteur pour le théâtre, il quitte le journalisme et la côte est à la fin des années 30 pour tenter sa chance à Hollywood où il s’impose rapidement comme scénariste. Il signe ainsi les scénario du « Signe du cobra » (Siodmak, 1944), « Les démons de la liberté » (Dassin, 1947) ou encore « Key largo » (Huston, 1948) avant de finalement accéder à la réalisation en 1950 avec « Cas de conscience ». Débute alors une prolifique carrière partagée entre des films humanistes plutôt engagés (« Bas les masques », « Graine de violence », « Elmer Gantry le charlatan ») et des adaptations littéraires (« La dernière fois que j’ai vu Paris », « Les frères Karamazov », « La chatte sur un toit brûlant », « Lord Jim »). Réalisé en 1975, « La chevauchée sauvage » est l’un des tous derniers films de sa carrière. Il s’agit également de son troisième et dernier western (après les excellents « La dernière chasse » et « Les professionnels »).
« Courir pour le fric n’est pas un sport : c’est la guerre. »
Avec la « Chevauchée sauvage », Richard Brooks renoue avec le western, genre pourtant plus que jamais sur le déclin en ce milieu des années 70. Il imagine ainsi une folle et lucrative course à travers l’ouest dans laquelle les cavaliers devront affronter la fatigue, la nature et les éléments pour espérer triompher. Mais celle-ci sera ponctuée de nombreux incidents imprévus, forçant une partie des concurrents à abandonner un à un. A l’évidence, si la course en elle-même assure un spectacle formidable, Brooks se sert d’elle pour porter un regard nostalgique et désenchanté sur l’ouest sauvage, qui n’appartient désormais plus aux vrais aventuriers mais aux promoteurs et autres businessmen. Et de s’interroger plus généralement sur le mythe américain. En la matière, le cinéaste porte un regard très critique sur l’évolution de son pays et déplore que celui-ci soit désormais en proie au fric, à l’individualisme et à l’appât du gain. D’une manière plus générale, il dénonce également les dérives du sensationnalisme, cette apparence de show permanent par laquelle les médias construisent (et déconstruisent) des héros de circonstance au gré des besoins. D’ailleurs, est-il seulement possible d’être - ou de prétendre être - américain sans avoir la volonté d’être le meilleur ? Une chose est sûre en tous cas : la course aura une dimension initiatique qui permettra à chacun des concurrents de se transcender et de grandir en apprenant aussi bien des autres que de soi. Pour sa part, le cinéaste choisit de valoriser un héros résolument à contre-courant, à la fois altruiste (il demeure le seul à aider ses concurrents lorsque ceux-ci sont en souffrance et ce au détriment de sa propre course), respectueux et compassionnel (toujours prompt à défendre les plus faibles ou les animaux maltraités). En cela, le final aussi généreux qu’inattendu, apparait comme une célébration des valeurs d’amitié et d’humilité, qui semblent se faire rares dans l’Amérique contemporaine. A l’arrivée, Brooks signe l’une des plus belles fables humanistes du cinéma américain, portée qui plus est par trois acteurs (Hackman, Coburn, Bergen) magnifiques.
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Le DVD : Le film est proposé en master restauré en haute définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation de Bertrand Tavernier et d’une présentation de Patrick Brion.
Edité par Sidonis Calysta, « La chevauchée sauvage » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 23 mars 2017.
Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.
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