Fuocoammare, par-delà Lampedusa
Un grand merci à Blaq Out ainsi qu’à Cinetrafic pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Fuocoammare, par-delà Lampedusa » de Gianfranco Rosi.
« Toujours entre ciel et mer. Toujours à bord »
Samuele a 12 ans et vit sur une île au milieu de la mer. Il va à l'école, adore tirer et chasser avec sa fronde. Il aime les jeux terrestres, même si tout autour de lui parle de la mer et des hommes, des femmes, des enfants qui tentent de la traverser pour rejoindre son île. Car il n'est pas sur une île comme les autres. Cette île s'appelle Lampedusa et c'est une frontière hautement symbolique de l'Europe, traversée ces 20 dernières années par des milliers de migrants en quête de liberté.
« C’était un voyage vers la vie »
Né en Erythrée de parents italiens, Gianfranco Rosi passe son enfance en Afrique avant d’être rapatrié en urgence en Italie à l’âge de douze ans lorsque éclate la guerre d’indépendance érythréenne. De cet évènement tragique et profondément marquant, il gardera toujours cette soif d’aventures et de découvrir le monde. Ce désir d’aller à la rencontre de l’autre, sans préjugé, et de témoigner de la souffrance du monde. Après avoir bourlingué un temps entre Rome et Istanbul, il part étudier le cinéma à New-York, grâce auquel il mènera ensuite une vie de globe-trotter, allant de pays en pays au gré de ses films. Il se fait ainsi remarquer dès son premier documentaire, « Boatman » (1993) qui se passe en Inde. On le retrouve par la suite parmi les marginaux dans le désert californien (« Below sea level », 2008) ou encore sur les traces des cartels mexicains (« El sicario, room 164 », 2010). Il prend ensuite la route à travers l’Italie, ce qui donne lieu à « Sacro GRA » (2013), qui lui vaut d’être le premier documentaire à être récompensé du Lion d’or à la Mostra de Venise. Une performance qu’il réédite trois ans plus tard avec « Fuocoammare, par-delà Lampedusa », qui devient le premier documentaire à décrocher l’Ours d’or à la Berlinale. Le film est également nommé à l’Oscar du Meilleur documentaire.
« L’Homme a le devoir, s’il est un être humain, de secourir ses semblables »
Avec ses 20km2, Lampedusa est une minuscule île, résolument tournée vers la mer. Une île de pêcheurs, où l’on est marins de père en fils. Une île sans histoires, tout petit bout de rocher perdu au cœur de l’immensité méditerranéenne. Pourtant, depuis quelques années, cette île perdue au milieu de nulle part se retrouve d’une certaine manière au centre du monde (ou du moins de l’actualité), représentant pour les migrants venus d’Afrique une porte d’entrée vers l’Europe. Le réalisateur s’attache ici à filmer au plus près la vie quotidienne de l’île : l’insouciance des jeux des enfants, les récits de la dure vie des marins qui rentrent au port, les femmes qui assurent le réconfort et la chaleur des foyers. Mais la vie de l’île est aussi rythmée par l’arrivée en vagues successives des migrants qui tentent la traversée de la Mer au péril de leur vie, entassés sur des embarcations de fortune qui menacent de couler d’une minute à l’autre. Constamment en état d’alerte, les gardes-côtes mènent ainsi quotidiennement un travail de fourmi pour retrouver ces navires fantômes avant que la mer n’aient eu raison d’eux. Deux réalités qui coexistent donc sans jamais se croiser. Avec « Fuocoammare, par-delà Lampedusa », le cinéaste signe un film aride, de part son difficile sujet d’une part, et de par sa forme, sans commentaire ni voix off, d’autre part. Formellement dépouillé, le film est ainsi assez difficile d’accès, d’autant que les parallèles établis (la vie sur l’île, la mort sur les bateaux) semblent parfois des plus hasardeux. Mais derrière certains passages un peu fastidieux, Rosi réussi le plus important : mettre subtilement des mots et des images sur l’indicible. Sur la condition de ces « migrants » et sur les terribles épreuves qu’ils doivent affronter pour atteindre leur El Dorado. Difficile de ne pas être touché par le terrible témoignage du médecin de l’île qui officie également pour les gardes-côtes, ou par le récit de cette traversée livré par ces jeunes nigérians. Mais plus encore, c’est en filmant l’envers du décor, l’évacuation d’un de ces navires et des nombreux cadavres qui jonchent sa cale, que l’on comprend l’ampleur et l’horreur du drame qui se joue sur nos côtes, à seulement quelques kilomètres de chez nous.
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Le blu-ray : Le film est proposé en version originale italienne (5.1 et 2.0). Des sous-titres italiens sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné d’une série d’entretiens par Philippe Piazzo avec Gianfranco Rosi, réalisateur (6 min.), Pietro Bartolo, médecin et directeur de l’hôpital de Lampedusa (28 min.), Olivier Favier, traducteur de l’italien et reporter (13 min.) et avec Eric Valmir, ancien correspondant Radio France en Italie de 2006 à 2012 (13min.).
Edité par Blaq Out, « Fuocoammare, par-delà Lampedusa » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 20 février 2017.
Le site Internet de Blaq Out est ici. Sa page Facebook est ici.
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