Le port de la drogue
Un grand merci à ESC Distribution pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le port de la drogue » de Samuel Fuller.
« Cette fille transportait de la dynamite et ça va t’exploser en pleine gueule »
Dans le métro New Yorkais, Candy, une jeune femme soupçonnée par la police d’être un agent communiste, se fait voler son portefeuille par un pickpocket. Elle ignorait qu’il contenait d’importants microfilms, sur lesquels figurent les plans d’une nouvelle arme destinée à menacer la population américaine. Le voleur, Skip McCoy, est pris en filature par le FBI. De leurs cotés, les espions communistes vont tout mettre en œuvre pour récupérer leurs documents.
« Parfois on cherche du feu et on trouve un volcan »
Né au début des années 10 au sein d’une famille pauvre d’immigrés juifs russes, Samuel Fuller commence à travailler comme petite main dès l’âge de 12 ans dans un journal de New-York. Mais grâce à sa curiosité, à son énergie et à son culot, il monte petit à petit les échelons jusqu’à devenir, à 17 ans, le plus jeune reporter criminel de New-York. Il couvre ainsi de nombreux faits divers sordides, et notamment la mort de l’actrice Jeanne Eagles. Mais l’homme reste avant tout un passionné des lettres et de l’écriture qui consacre son temps libre à écrire de la littérature « pulp ». Délaissant progressivement son travail de reporter criminel, il finit par être embauché à Hollywood en qualité de scénariste au milieu des années 30. Mais la seconde guerre mondiale vient couper cet élan : Fuller est enrôlé dans la Première division d’infanterie (« The big red one » dont il tirera un célèbre film) et sert en Afrique du Nord, en Sicile puis en Normandie jusqu’à la libération du camp de concentration de Flossenbürg. Il ressortira profondément marqué de ses années de guerre et de la violence à laquelle il fut confronté. De retour à Hollywood, il accède à la réalisation dès 1949, se spécialisant dans le film noir (« La maison de bambou », « The Crimson kimono », « Les bas-fonds new-yorkais », « Shock corridor »), le western (« J’ai tué Jesse James », « Le jugement des flèches », « Quarante tueurs ») et dans le film de guerre (« J’ai vécu l’enfer de Corée », « Baïonnette au canon », « Les maraudeurs attaquent », « Au-delà de la gloire »). En 1953, il réalise « Le port de la drogue » (« Pickup on south street ») adaptant ainsi une nouvelle de Dwight Taylor.
« Fais chômer un peu tes doigts et fais travailler ta tête pour une fois »
Drôle d’histoire que celle du film « Le port de la drogue » qui, contrairement à son titre français, ne traitait pas à la base d’un quelconque trafic de narcotiques. Au contraire, il était question d’un complot ourdi par des agents communistes infiltrés au sein de la population américaine. Reste qu’en 1953, en pleine période de trouble social, le puissant Parti Communiste Français pèse alors de tout son poids pour empêcher la sortie en France d’un film qu’il considère comme violemment anticommuniste. Contre toute attente, les distributeurs choisiront donc de dénaturer le film et d’en réécrire le scénario et les dialogues avant de procéder au doublage français. Exit donc les espions communistes (en VO), place au trafic de drogue (en VF). Dans les deux cas, le film nous plonge dans les bas-fonds urbains peuplés de petits voyous et de trafics en tous genres, nous donnant à voir une incroyable misère sociale. Comme si, d’une certaine façon, le recours à la petite criminalité intervenait comme une fatalité pour survivre dans un monde sans issue possible. Se servant de cette faune comme décor, Fuller dessine une intrigue noire comme la nuit centrée sur le vol d’un microfilm qui donnera lieu à une traque sans pitié. Pour le voleur, il y aura ce rêve un peu fou de toucher le jackpot qui lui permettrait d’échapper à sa condition et à son destin. A condition toutefois de ne pas se faire prendre et encore moins tuer. Car à ce jeu, ses poursuivants seront des criminels d’un tout autre acabit. De véritables tueurs sans foi ni loi auxquels Fuller oppose la solidarité et l’humanité des petites gens du peuple, donnant lieu à quelques grands moments d’un lyrisme noir des plus troublants (l’inéluctable exécution de la vieille indic vendeuse de cravates). Finalement, peu importe d’une certaine façon le sujet de son film, Fuller signe là un immense film noir, traversé de fulgurances mélancoliques et doublé d’une formidable fable sociale humaniste, porté qui plus est par un casting quatre étoiles (Richard Widmark, Thelma Ritter, Jean Peters).
***
Le DVD : Le film est présenté dans un nouveau master HD, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde (20 min.).
Edité par ESC Distribution, « Le port de la drogue » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 9 mai 2017.
Le site Internet de ESC Distribution est ici. Sa page Facebook est ici.
Commenter cet article