La planète sauvage
Un grand merci à Arte Editions ainsi qu’à Cinetrafic pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La planète sauvage » de René Laloux.
« Ce petit animal que vous carressez entre vos mains a de fortes chances de vous surprendre un jour. Les images ramenées de Terre font état de nombreuses traces de vie organisée »
A une époque indéterminée, la planète Ygam est habitée par des géants paisibles et surdoués, les Draags. A la suite d’une expédition, les Draags ramènent sur leur planète des animaux familiers, les Olms. Mais à force d’être dominés, méprisés et malmenés, ceux-ci vont très vite se révolter…
« Je n’étais qu’un jouet vivant qui osait parfois se rebeller »
Peintre de formation , Roland Topor ne put cependant se résoudre à limiter l’expression de sa formidable créativité à une seule forme d’art. De l’illustration à la littérature en passant par le théâtre, il touchera donc un peu à tous les univers , son trait d’humour noir l’imposant comme une figure à part mais incontournable du paysage culturel français des années 60 aux années 90. En ce début des années 60, ce compagnon de route d’Alejandro Jodorowsky a des envies de cinéma et se rapproche à cette fin du dessinateur René Laloux avec qui il signe une poignée de courts-métrages animés. Après « Les temps morts » (1964) et « Les escargots » (1965), le duo adapte en 1973 de façon très libre le roman « Oms en série » de l’auteur de science-fiction Stefan Wul. Crée à partir de dessins de Roland Topor, le film est élaboré sur la base de la technique du papier découpé (la même que celle employé des années plus tard par Michel Ocelot) dans les prestigieux studios tchécoslovaques de Jiri Trnka. Véritable OVNI dans la production cinématographique de l’époque, le film est récompensé d’un Prix spécial du jury au Festival de Cannes.
« Vous avez tort de considérer les hommes comme de simples animaux malfaisants. Et je crains que nous ne commettions là une erreur lourde de conséquences »
De façon réductrice, le cinéma d’animation fut considéré durant des décennies comme un genre mineur, exclusivement dévolu au divertissement des enfants. De Disney à Tex Avery. Il faut attendre les années 60 et la révolution sociale et culturelle pour que ces préjugés soient remis en cause par quelques réalisateurs mus par une volonté de casser et de transcender les codes établis pour emmener le cinéma d’animation vers des thèmes plus complexes et plus adultes. Et parfois même subversifs, à l’image de « Fritz the cat » (Bakshi, 1972) ou « La honte de la jungle » (Picha et Szuzlinger, 1975). Avec « La planète sauvage », Topor et Laloux s’aventurent du côté de la science-fiction, imaginant un monde dans lequel les humains - les « Oms » - seraient un peuple primitif, asservi à une espèce de géants sophistiqués et savants - les « Draags » - qui ne les considèrent qu’avec mépris. Un postulat qui sert de base à un formidable conte philosophique sur la liberté comme valeur fondamentale à la condition humaine. L’émancipation se gagnera de haute lutte, telle une initiation, grâce à l’apprentissage du savoir, de la science et de la fraternité. Construit sur plusieurs niveaux de lecture, avec de nombreuses références à l’appui (l’allégorie de la caverne de Socrate, les géants qui se débarrassent des Oms comme de la vermine en les gazant...), chacun y verra ce qu’il veut bien y voir, du rapport de l’Homme à la religion et au concept de Dieu, ou de la résistance face à la barbarie des totalitarismes. Reste le graphisme - futuriste et inquiétant - qui met pleinement en valeur ce récit intelligent, émouvant et intemporel. Du grand art.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans une version restaurée dans un nouveau Master 2k, en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, cette très riche édition propose « La Planète sauvage, une oeuvre singulière » : interview de Laurent Valière (17 min.), « Laloux sauvage » : documentaire (26 min.), 3 courts-métrages de René Laloux : « Les dents du singe » (1960 - 11 min. - DD2.0mono - 1.33 - 4/3), « Les temps morts » (1964 - 10 min. - DD2.0mono - 1.33 - 4/3) et « Les escargots » (1965 - 10’47” - DD2.0mono - 1.33 - 4/3). Elle compte également une galerie de dessins de Roland Topor (71) et une galerie de peintures de René Laloux (50).
Edité par Arte Editions, « La planète sauvage » est disponible en blu-ray depuis le 7 juin 2017.
Le site Internet de Arte Editions est ici. Sa page Facebook est ici.
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