Le train
Un grand merci à Coin de Mire pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le train » de John Frankenheimer.
« Ces marchandises valent une fortune et s’échangent plus cher que de l’or. Berlin préfèrerait les savoir entre les mains du Reich »
2 août 1944, l’armée hitlérienne affaiblie est encore installée à Paris. Sentant que les alliés sont aux portes de la ville, le colonel Franz Von Waldheim veut faire partir vers l’Allemagne un train chargé d’œuvres d’Art qu’il a prélevées dans les musées de Paris et rassemblées au Jeu de Paume. Les cheminots et la résistance vont alors lancer une extraordinaire équipée pour retarder à tout prix l’avancée du train…
« Au départ, notre réseau comptait vingt-huit membres. Ce matin nous étions encore quatre. Et désormais plus que trois. Comme vos tableaux, chacun de mes hommes aussi est irremplaçable »
Pendant longtemps, les films sur la Seconde Guerre Mondiale ne furent pensé que sous un aspect binaire. Avec des scénarios simples opposant des gentils (américains ou anglais) à des méchants (allemands ou japonais). Prenant pour décor telle ou telle bataille, ces films n’avaient pour autre but que de louer le courage et l’esprit de sacrifice des hommes et, à travers eux, exalter le sentiment patriotique des spectateurs.A l’image des grands classiques du genre comme « Iwo Jima », « Le pont de la Rivière Kwaï » ou encore « Le jour le plus long ». En fait, il faut ainsi attendre la fin des années 50 pour que le cinéma commence à aborder le thème de la guerre sous un regard plus complexe. A l’image du « Pont » de Bernard Wicki, qui dénonçait l’absurdité de la guerre et de l’endoctrinement sacrificiel des jeunes. S’en suivront plus tard des films comme « Requiem pour un massacre » ou « Le tombeau des lucioles » qui aborderont la guerre sous le prisme réaliste et inédit des violences commises à l’encontre des civils. Ou le diptyque humaniste de Clint Eastwood sur Iwo Jima (« Mémoires de nos pères » et « Lettres d’Iwo Jima ») prenant le parti de montrer tour à tour les points de vue des hommes des deux camp en évitant tout manichéisme.
« Et pour m’avoir sauvé la vie, je vous dois combien ? »
Inspiré du livre « Le front de l’art » de Rose Valland, « Le train » a ainsi été pensé pour mettre en lumière deux réalités de la guerre qui avaient été jusqu’alors rarement montrées à l’écran : la politique du pillage systématique menée par les forces occupantes et la guerre secrète menée contre ces derniers par la Résistance. En cela, la stratégie mise en place par la résistance pour empêcher ce train chargé des peintures les plus prestigieuses des collections parisiennes - considérées comme des prises de guerre - de rejoindre l’Allemagne, offre un formidable sujet pour illustrer l’extrême brutalité des allemands que du courage des résistants dans cette lutte inégale. Car au fond, si les mêmes objectifs de victoire animent les deux camps, leur rapport à la mort et au sang versé n’est pas le même : l’occupant prend une quasi jouissance à verser le sang pour imposer sa terreur (à l’image des nombreuses exécutions gratuites qui ponctuent le film jusque dans ses ultimes minutes) tandis que la résistance tente désespérément de ne pas sacrifier inutilement la vie de ses camarades ni celle de ses concitoyens. De détournement en escarmouche et de sacrifice en exécution, cette guerre larvée se résumera dans la dernière partie en un duel quasi westernien entre le résistant Burt Lancaster et l’officier allemand jusqu’au-boutiste interprété par Paul Scofield. John Frankenheimer - qui remplace ici Arthur Penn, renvoyé au tout début du tournage par le producteur Burt Lancaster pour divergence artistique - impose ici une mise en scène au cordeau et froide, renforçant le côté glaçant de la barbarie imposée par l’armée allemande. Un grand classique intemporel du film de guerre.
****
Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée en Haute-Définition à partir du négatif original par MGM avec la participation du CNC, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français et français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, la collection « La séance » propose un formidable concept : celui de reproduire les conditions d’une véritable séance d’époque. En mode « séance complète », le film sera précédé des authentiques actualités Pathé de la semaine de sortie du film ainsi que de publicités et de bandes-annonces d’époque, le tout en HD. En mode « film seul », « Le train » se lancera directement. A noter également la présence d’un Making of présenté par Michel Simon et réalisé par la section cinématographique de la SNCF (1964).
Edité par Coin de Mire, « Le train » est disponible depuis le 22 mai 2019 dans une très belle édition Digibook, limitée à 3000 exemplaires numérotés, comprenant le blu-ray + le DVD du film ainsi qu’un livret reproduisant des documents d’époque (24 pages), 10 reproductions de photos d’exploitation (15,5 x 11,5 cm) et la reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm). Un très bel objet qui ravira tous les cinéphiles.
Le site Internet de Coin de Mire est ici.
Commenter cet article