Un condé
Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Un condé » d’Yves Boisset.
« Le métier de flic ça consister à fouiller dans les poubelles »
Alors qu'il enquête sur une affaire de drogue, l'inspecteur Barnero est abattu par un truand. Son collègue, l'Inspecteur Favenin, est chargé d'élucider ce crime. Il est prêt à tout pour sauver l'honneur de son collègue, y compris à outrepasser la loi.
« En ce moment, tu as un flingue à la main et moi aussi. Sauf que moi, je suis assermenté ! »
Compagnon de route de la jeune cinéphilie française de la fin des années 50 (aux côtés notamment de Bertrand Tavernier), Yves Boisset mène une première carrière de critique de cinéma avant d'apprendre le métier de réalisateur aux côtés de pointures telles que Jean-Pierre Melville, Claude Sautet ou Sergio Leone. Réalisant ses premiers films a la fin des années 60, il deviendra très vite une figure d'un certain cinéma contestataire, à mi-chemin entre Costa Gavras et ses dénonciations des systèmes totalitaires (« Z », « Missing », « L’aveu ») et la veine volontiers anar’ de Jean-Pierre Mocky (« Solo », « Le piège à cons »). Homme ouvertement de gauche, il traitera ainsi frontalement de nombreux sujets sensibles et polémiques, dénonçant la guerre d'Algérie et l’usage de la torture (« RAS »), les assassinats politiques (« L’attentat », libre évocation de l’affaire Ben Barka), la corruption des élites (« Le juge Fayard dit le Shérif ») ou encore le racisme latent qui gangrène la société française (« Dupont Lajoie »). En perte de vitesse à la fin des années 80, il abandonne alors le cinéma pour poursuite sa carrière à la télévision où il réalisera encore de grandes fresques historico-politiques (« L’affaire Dreyfus », « Le pantalon », « L’affaire Salengro »...).
« Je ne suis pas venu pour t’arrêter mais pour te tuer »
Pour son troisième film, il adapte le roman « La mort d’un condé » de Pierre Vial-Lesou, auteur dont les écrits ont déjà inspiré a Jean-Pierre Melville son célèbre « Doulos » (1962). Soit l’histoire d’un policier implacable qui part en croisade contre une organisation mafieuse coupable d’avoir abattu son collègue. Et à l’évidence, « Un condé » est un polar éminemment melvillien. De par son héros, d’abord, stylisé à l’extrême (imperméable et gants de cuir noir), dont le caractère solitaire et mutique n’est pas sans rappeler le Jef Costello du « Samouraï » ou le Gu Manda du « Deuxième souffle ». Mais surtout, il y a cette même fascination pour les univers nocturnes et interlopes, dans lesquels les frontières entre policiers et gangsters, mais aussi entre Bien et Mal, semblent irrémédiablement se brouiller. Au point de que les deux entités semblent faire parties d’un même ensemble, régi par une certaine morale qui place l’amitié virile au rang de valeur suprême. Yves Boisset y ajoute cependant une touche d’irrévérence et de provocation avec ce personnage de policier jusqu’au-boutiste, dont l’enquête se confond avec sa propre quête personnelle de vengeance, et qui a recours aux mêmes méthodes violentes et illégales pour arriver à ses fins que ceux qu’il est censé combattre. Le tout étant couvert et validé tacitement par sa hiérarchie. Une ambigüité morale qui annonce, déjà, sa fibre contestataire à laquelle il laissera libre court par la suite. Utilisé à contre-emploi, Michel Bouquet est terriblement convainquant dans le rôle de cet antihéros peu sympathique (qui pour la petite histoire, fut refusé par Lino Ventura, effrayé par ce personnage) et domine un formidable casting (Bernard Fresson, Henri Garcin, Michel Constantin, Françoise Fabian...). Un polar âpre et puissant.
***
Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master Haute-Définition scanné en 4K et restauré en 2K, en version originale française (2.0). Aucun sous-titrage n’est proposé.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien autour du film avec François Guérif (spécialiste du polar en France), « Un condé au fil de la censure » : entretien avec Yves Boisset, « Censure et politique » : entretien avec Jean-Pierre Jeancolas, critique et Historien du cinéma, « Une expérience musicale » : entretien avec Antoine Duhamel, compositeur.
Édité par ESC Editions, « Un condé » est disponible en blu-ray ainsi qu’en DVD depuis le 4 juin 2019.
Le site Internet d’ESC Editions est ici. Sa page Facebook est ici.
Commenter cet article