A scene at the sea
Un grand merci à La Rabbia pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « A scene at the sea » de Takeshi Kitano.
« Il doit se geler. Il est courageux ! »
Après avoir découvert par hasard une planche de surf abimée le long d’une plage, un jeune éboueur sourd-muet se prend d'une passion obsessionnelle pour le surf. Soutenu par le regard protecteur de sa fiancée, sourde-muette comme lui, le jeune homme progresse. L’appel silencieux des vagues aidant, il s’imagine en tête du championnat du surf et se lance à corps perdu dans l’océan.
« Peu importe qu’il soit fou de surf. Il doit venir travailler. Son attitude est inadmissible ! »
Takeshi Kitano ou l’homme aux milles vies. Connu d’abord au Japon pour ses talents d’humoriste et sa verve irrévérencieuse, il sera pendant plus d’une décennie l’un des trublions les plus populaires de la télévision japonaise sous le pseudonyme de « Beat » Takeshi. Si le cinéma s’intéresse à lui dès le début des années 80, il se voit cependant cantonné aux seconds rôles. Le plus notable étant sans doute celui de « Furyo » (1983) de Nagisha Oshima dans lequel il côtoie notamment David Bowie. Mais il faut attendre la fin des années 80 pour que sa carrière prenne un véritable tournant : engagé pour jouer dans le film « Violent cop » (1989), il profite de la démission du réalisateur pour le remplacer au pied levé, à la condition de pouvoir réécrire le scénario à sa sauce. Si le film cartonne au box-office nippon, Kitano, lui, se découvre une véritable passion pour la réalisation. Il triomphera d’ailleurs, quelques années plus tard grâce à ses films de yakuzas loufoques et plein d’humanité (« Kids return », « Sonatine », « Hana-Bi », « L’été de Kikujiro »).
« N’oublie pas de nous inscrire la prochaine fois ! »
Mais juste avant d’enchainer ces films, il signe en 1991 « A scene at the sea ». Un film à part dans la filmographie du cinéaste en ce qu’il n’est pas question ici de yakuzas, de guerre des clans, de règlement de compte ou de fuite en avant à la recherche d’une forme de rédemption. En effet, ici, le cinéaste signe une étonnante balade initiatique, à la fois hédoniste et élégiaque, filmée à hauteur d’hommes. On y suit un personnage d’éboueur sourd et muet, que l’on devine un peu à la marge de par son statut social (les jeunes lui lancent des pierres et il semble avoir peu d’interactions avec les autres), qui se découvre une improbable passion pour le surf après avoir trouvé une vieille planche abandonnée. Une passion qui deviendra dévorante, et qui pour le héros sera à la fois une ouverture sur le monde et les autres autant qu’un sens donné à sa vie. A l’évidence, le malicieux Kitano signe là une ode délicate à la curiosité et à la liberté : oser s’affranchir des contraintes de la société pour mieux vivre ses rêves. Et ce quel qu’en soit le prix à payer. Mais il serait réducteur de limiter « A scene at the sea » à sa seule morale un peu simpliste. Toute la force du film réside dans la façon dont le cinéaste parvient à capter les émotions de ses personnages, tous deux sourds et muets. Avec des dialogues réduits au strict minimum, celles-ci passeront par de subtils jeux de regards, de sourires, de gestes. Mais aussi par la musique. Un véritable tour de force qui confère à ce film une incroyable grâce et une belle poésie. Rarement un film de Kitano n’a été aussi lumineux.
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Le DVD : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale japonaise (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Stéphane du Mesnildot (5 min.).
Edité par La Rabbia, « A scene at the sea » est disponible en combo blu-ray + DVD dans un médiabook comprenant un livret de 40 pages ainsi que le CD de la bande-originale de Joe Hisaishi depuis le 18 juin 2020.
Le site Internet de La Rabbia est ici. Sa page Facebook est ici.
Le médiabook est en vente ici.
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