Le président
Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le président » d’Henri Verneuil.
« Je peux tout et c’est précisément pour ça que je ne peux pas tout me permettre ! »
Émile Beaufort, ancien président du Conseil, a beau s’être retiré de la vie politique, il n’en demeure pas moins une figure influente auprès de toute une génération. C’est notamment le cas de Philippe Chalamont, son ancien directeur de cabinet qui, sur le point d’être nommé à Matignon, a demandé à s’entretenir avec lui. Émile Beaufort se souvient…
« Dire n’importe quoi, c’est l’apanage de l’opposition ! »
1960 est une année un peu charnière dans la carrière du prolifique Henri Verneuil. En effet, si celui-ci est déjà bien présent sur les écrans depuis une dizaine d’années, il est alors principalement célèbre pour ses nombreuses comédies avec Fernandel (« Le boulanger de Valorgues », « L’ennemi public n°1 », « Le mouton à cinq pattes »). Même si, au fil des années, il a pu s’essayer ci et là au mélodrame (« Les amants du Tage », « Des gens sans importance », « Maxime »). Cette nouvelle décennie qui s’annonce sera pour lui celle des changements. Changement d’acteurs d’abord : il met ainsi fin à sa longue collaboration avec Fernandel (après un dernier succès, « La vache et le prisonnier ») à qui il préfèrera désormais Jean Gabin et, surtout, Jean-Paul Belmondo. Changement de registre surtout puisque son cinéma évoluera définitivement vers des sujets volontiers plus virils. Entre ces deux époques distinctes, il signe un film de transition plutôt inclassable au sein de sa filmographie, à savoir « Le président ».
« Il y a quelque chose de plus grave que la trahison. C’est la bêtise. »
Adaptation d’un roman de Georges Simenon – qui inspire alors décidément beaucoup les cinéastes français tels Jean Delannoy (« Maigret tend un piège », « Le baron de l’écluse »), Denys de La Patellière (« Le bateau d’Emile ») ou Jean-Pierre Melville (« L’ainé des Ferchaux ») – « Le président » nous propose une rare incursion du cinéma français dans le registre de la politique fiction. On y suit alors les dernières péripéties d’Émile Beaufort, ancien Président du conseil charismatique et figure vieillissante de la politique français, désormais officiellement retiré des affaires. Ses visites, l’actualité et la rédaction de ses mémoires sont autant d’occasions de flashbacks sur sa carrière, permettant d’évoquer son parcours, de ses années fastes jusqu’à sa chute. Verneuil y esquisse ainsi le portrait d’un politicien à l’ancienne (l’ombre de Clemenceau n’est pas loin, en attendant De Gaulle), l’un des derniers doté d’une vraie vision, d’un sens aigu de la nation et surtout de profondes convictions qui le pousseront toujours à agir dans le sens de l’intérêt général. A la différence des nombreux affairistes (dont son successeur et ancien collaborateur), mus par le cynisme et par leurs intérêts propres. Une fracture qui se matérialisera à l’assemblée, lorsque Beaufort se lancera dans une formidable diatribe à l’encontre de ses collègues qui précipitera sa chute. Mais derrière sa stature imposante et le respect qu’il inspire, Beaufort reste aussi un personnage humain et empathique, qui a su garder les biens solidement ancrés dans la terre. Comme lorsqu’il discute avec les vieux agriculteurs de sa circonscription ou qu’il se rend au chevet de son vieil adversaire politique local. Dans tous les cas, Verneuil signe là une réflexion désabusée sur la chose publique, qui prend la forme d’un beau portrait d’un homme complexe et hors norme, vestige d’un monde où le don de soi et l’intérêt général avaient encore un sens. Porté par l’interprétation absolument magistrale de Gabin, « Le président » est un film qui garde encore aujourd’hui toute son acuité et sa force.
****
Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master Haute-Définition et proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants et anglais sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « La Politique au crépuscule » : Documentaire inédit de Roland-Jean Charna avec les interventions de Claude Gauteur, auteur de Simenon au cinéma et Patrick Glâtre, auteur de Jean Gabin : La Traversée d’un siècle (25 min.) et de « Dans l’ombre de Clémenceau » : Interview de Jérôme Luccini, spécialiste de Georges Clémenceau au cinéma (26 min.). Une bande-annonce vient compléter cette édition.
Édité par Gaumont, « Le président » est disponible en blu-ray ainsi qu’en DVD depuis le 3 juin 2020.
Le site Internet de Gaumont est ici. Sa page Facebook est ici.
Commenter cet article