14 Sep

Judith Therpauve

Publié par Platinoch - Catégories : #Drames

Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Judith Therpauve » de Patrice Chéreau.

« Les ventes, ce n’est pas une question de chiffre mais une question de marge »

Veuve d’un grand résistant, Judith Therpauve accepte de prendre la direction d’un grand quotidien fondé au lendemain de la Libération dont elle est également actionnaire et dont la santé financière est au plus bas. Mais très vite, elle se heurte aux manœuvres des uns et aux revendications des autres.

« L’ennemi de notre journal, c’est la routine »

Passionné de lettres classiques et surtout de théâtre, Patrice Chéreau connait une éclosion précoce en devenant directeur à seulement vingt-deux ans du théâtre de Sartrouville. Surfant sur la vague de Mai 68, il se retrouve propulsé sur le devant de la scène grâce à ses créations engagées et avant-gardistes, qui finissent de l’imposer dès le début des années 70 comme l’une des figures les plus influentes du théâtre français. C’est donc fort logiquement que le cinéma lui tend les bras au milieu de la décennie. Mais s’il finira par connaitre la consécration tardivement grâce à « La reine Margot » en 1994 puis « Ceux qui m’aiment prendront le train » en 1998, il peinera longtemps à s’imposer au cinéma, ses premiers films se révélant être des échecs commerciaux, principalement du fait de leur austérité formelle. Gaumont nous permet ainsi de redécouvrir son deuxième film, « Judith Therpauve » (1978), tourné quatre ans après « La chair de l’orchidée », son premier essai sur grand écran.

« J’espérais oublier qu’on finit toujours par perdre »

Quarante ans avant que Spielberg ne réalise son « Pentagon Papers », qui retraçait le parcours atypique de Katharine Graham, héritière du célèbre Washington Post propulsée patronne de presse malgré les préjugés d’un milieu très phallocratique, Patrice Chéreau imaginait déjà dès 1978 le portrait d’une femme héritant malgré elle de la direction d’un quotidien régional au bord de la faillite dans « Judith Therpauve ». Avec les mêmes difficultés pour s’imposer (et imposer de nouvelles idées) dans un milieu tout à la fois très corporatiste et terriblement machiste. Avec de surcroit la mission éminemment délicate de sauver son journal, en perte de vitesse, de la banqueroute. Si l’ensemble revêt une dimension étonnement documentaire, notamment dans la description qu’il fait de la vie de ce journal de province (de sa conception à son impression), il est surtout passionnant pour le portrait qu’il esquisse de cette France de la fin des Trente Glorieuses, dirigée jusque dans les baronnies de province par d’anciens résistants vieillissants, un peu dépassés et méprisants, qui se partagent les pouvoirs depuis quarante ans. Un modèle patriarcal sur le déclin, qui tire sa légitimité d’un passé glorieux, mais qui n’est désormais plus en phase avec les aspirations d’une société plus jeune. Surtout, le cinéaste s’intéresse ici aux mutations profondes qui traversent le monde de la presse, avec de grands groupes qui montent des trusts basés sur de nouveaux modèles économiques, qui s’intéressent davantage au nombre de tirages qu’à la qualité de l’information dispensée, et qui menacent d’une certaine manière la déontologie et la liberté des journalistes. Mais de cette opposition des anciens et des modernes, il ressort surtout un individualisme forcené et une concurrence acerbe et déloyale à laquelle l’héroïne, malgré sa stature et sa dignité, aura du mal à faire face. Porté par l’interprétation remarquable de Simone Signoret, bien entourée de seconds rôles solides (Philippe Léotard, Robert Manuel, Laszlo Szabo), « Judith Therpauve » est un film fort et passionnant, en dépit de la grande austérité de sa mise en scène.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une Interview de Laurent Ferrier, assistant réalisateur sur le film.

Édité par Gaumont, « Judith Therpauve » est disponible en blu-ray depuis le 13 avril 2022.

Le site Internet de Gaumont est ici. Sa page Facebook est ici.