Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia
Un grand merci à BQHL Éditions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia » de Sam Peckinpah.
« A la santé d’Alfredo ! »
Riche propriétaire mexicain, El Jefe découvre que sa fille est enceinte. Torturée, la jeune femme avoue le nom du père : Alfredo Garcia. El Jefe propose une récompense d’un million de pesos à qui lui apportera la tête de Garcia. Immédiatement, l’odeur de l’argent attire toutes sortes d’aventuriers ou de tueurs. Les cadavres ne vont pas tarder à s’accumuler.
« L’Église a bien coupé des pieds, des doigts… Alfredo, c’est notre saint à nous. Notre Saint-Pognon. Pourvu que ça paye le reste on s’en fout ! »
Après une première carrière de scénariste pour la télévision, Sam Peckinpah débute sa carrière de réalisateur pour le cinéma au début des années 60. Remarqué d’abord pour ses westerns élégiaques qui démythifient et annoncent le déclin de ce genre cinématographique très emblématique, il s’illustre ensuite par son exploration de la violence, sous toutes ses formes, comme exutoire ultime contre la folie du monde : les brutes avinées et amorales (« Chiens de paille »), les gouvernements sanguinaires et corrompus (« La horde sauvage »), la barbarie guerrière (« Croix de fer ») ou plus simplement contre une certaine idée de l’ordre établi (« Pat Garrett et Billy le kid »). Si on ajoute à cela un caractère volcanique renforcé par une consommation excessive d’alcool et de drogues, on comprend pourquoi Sam Peckinpah trainait derrière lui la réputation sulfureuse d’être l’enfant terrible d’Hollywood. Mais si « La horde sauvage » (1969) reste sans aucun doute son plus grand succès, l’apogée de sa carrière se situe pourtant au milieu des années 70 lorsqu’il enchaine coup sur coup ses deux films les plus personnels et les plus subversifs que sont « Pat Garrett et Billy le kid » (1973) et « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia » (1974).
« C’est fou comme tuer ça peut soulager ! »
Parce qu'il a engrossé illégitimement sa fille, un petit caïd voit sa tête mise à prix par le puissant chef d'un cartel mexicain. Un million de dollars. Rien que ça. De quoi mettre tout ce que le Mexique compte de fines gâchettes et tueurs à gages en ébullition. Y compris de mystérieux tueurs américains. Qui, cherchant une piste, finissent par recruter un de leur compatriote, épave humaine échouant dans un rade miteux à touriste où il officie comme minable pianiste. Et qui se prendra au jeu, voyant dans la prime offerte la dernière chance de reprendre sa vie en main. Mais la fuite en avant se révélera être un voyage sans retour, aux confins de l'ignominie morale et humaine. Chaque kilomètre de route le précipitant ainsi dans un inéluctable engrenage de mort et de souffrances, peuplé de salopards en tout genre et de tueurs sans scrupules. A mi-chemin entre le western et le film noir, Peckinpah filme la déchéance d’un homme sous la forme d’un long chemin de croix. En effet, comme Faust ou Judas, sa quête revêt ainsi une dimension méphistophélique : la tête d’Alfredo Garcia étant tout à la fois un fardeau moralement très lourd à porter autant qu’un aimant à mouches et à ennuis. Surtout, la « quête » du personnage n’offre aucune possibilité de salut ni de rédemption. Comme si au fond, la cupidité n’était qu’un révélateur de ce qu’il y a de pire chez l’homme, n’engendrant ainsi que le crime et la mort. Ce que le héros réalisera trop tard : une valise pleine de dollars ne pouvant lui rendre ni l’amour perdu ni son estime de soi. Sans nulle doute, Peckinpah signe là son film le plus sombre, le plus désenchanté et le plus mortifère, sorte de balade poisseuse, élégiaque et nihiliste sur un monde en perte de repères moraux. Porté par un Warren Oates habité, « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia » est ainsi, cinquante ans après sa sortie, un film toujours aussi puissant. Terriblement marquant.
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Le DVD : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, un second DVD propose une présentation du film par le journaliste RafikDjoumi (2022, 34 min.), « Le film préféré de Sam Peckinpah » : documentaire autour du film (2013, 56 min.), un entretien avec Katy Haber (2015, 13 min.) ainsi que les affiches du film (2017, 6 min.). Le livret « Il était une fois au Mexique » rédigé par Marc Toullec (32 pages) vient compléter avantageusement cette riche édition.
Édité par BQHL Éditions, « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia » est disponible en édition double DVD ainsi qu’en combo blu-ray + DVD depuis le 24 novembre 2022.
Le site Internet de BQHL Éditions est ici. Sa page Facebook est ici.
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