Goodbye & amen
Un grand merci à Artus Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Goodbye et amen » de Damiano Damiani.
« Quand ce sera fini, tu diras que je suis resté juste pour le service et que j’ai agi par pur patriotisme. Mais au final, c’est toujours moi qui dirige l’orchestre. »
Un agent de la CIA en poste à Rome fomente un complot destiné à renverser un gouvernement africain. Mais ses plans s'effondrent lorsqu'il découvre qu'un de ses hommes l'a trahi. Fou de rage, il prend en otage un couple adultère dans une chambre d'hôtel.
« ça va être une sacrée nuit : la CIA veut qu’on s’occupe de Lambert, le Département d’Etat veut qu’on sauve l’ambassadeur, et le grand public veut qu’on liquide Grayson »
Cinéaste longtemps oublié de la cinéphilie (du moins de ce côté-ci des Alpes), Damiano Damiani est trop souvent – et injustement – réduit à ses deux films les plus célèbres que sont le médiocre western « Un génie, deux associés, une cloche » (1975, projet écrit par Sergio Leone qui en abandonna le tournage au bout de quelques jours) et « Amityville 2 : le possédé » (1982), unique expérience américaine du cinéaste. Deux films qui ne sauraient en aucun cas occulter l’importance de ce réalisateur et de son œuvre profondément libertaire (« El chuncho ») dans le cinéma italien des années de plomb. En effet, s’il se révéla d’abord en qualité de scénariste (il collabore ainsi à l’écriture de « La chronique des pauvres amants » de Lizzani ou encore à celle des « Bateliers de la Volga » de Tourjanski), il fut surtout un réalisateur audacieux qui n’eut de cesse de dénoncer au fil de ses thrillers policiers la corruption généralisée qui gangrène alors l’Italie (« Nous sommes tous en liberté provisoire ») ainsi que la collusion entre la mafia et l’élite économique, politique et judiciaire du pays (« La mafia fait la loi », « Confession d’un commissaire de police au procureur de la république », « Comment tuer un juge »).
« Il est intelligent. Comme tous les fous ! »
En 1980, alors que le genre du poliziottesco – ce néo-polar violent et démagogue qui fait alors les beaux jours du cinéma bis italien – s’essouffle, Damiano Damiani signe l’un de ses derniers brûlots cinématographiques avec « Goodbye & Amen ». Un film au titre aussi étrange qu’intrigant, qui s’ouvre sur une réunion à huis clos au cours de laquelle une poignée d’hommes (blancs) planifient l’organisation d’un coup d’état dans un pays africain. Mais très vite, leur projet sera mis en suspens par un évènement imprévu : un ancien collaborateur de l’ambassade américaine vient de mener une prise d’otage meurtrière dans un palace de la ville. Celle-ci sera l’occasion d’une opération durant laquelle se mêleront subtilement des intrigues policières, d’espionnage et diplomatiques qui feront apparaitre un subtil jeu de luttes de pouvoir entre le représentant local de la CIA, sa hiérarchie en Amérique, l’ambassadeur américain et la police locale. Chacun jouant quelque part sa propre crédibilité. Sur la forme, Damiani tisse un thriller assez roublard et formidablement bien mené avec des personnages bien dessinés (l’inquiétude suscitée par le preneur d’otage n’aura d’égale que la couardise ridicule de son otage, un acteur américain de second plan). Et un soin particulier apporté au suspense, soigneusement maintenu jusqu’à un final particulièrement cynique. Mais c’est sur le fond que le film trouve sans nul doute toute sa puissance. En effet, si Damiani est coutumier de la dénonciation de la corruption généralisée, et plus particulièrement de la mainmise de la mafia sur la société italienne, force est de constater que pour une fois celle-ci est totalement absence du film. De façon plus impertinente et plus inquiétante, elle est remplacée par analogie par la CIA qui, au final, contrôle l’ensemble des opérations en imposant sa loi aussi bien à l’ambassadeur qu’aux autorités italiennes (la police locale fermant ouvertement les yeux sur les circonstances réelles de la mort de l’incident final). Comme si, d’une certaine manière, le pouvoir italien était inféodé au bon vouloir de son très envahissant allié américain. États-Unis d’un côté pour la politique et l’ordre, Vatican de l’autre pour l’ordre moral et les affaires sociétales, « Goodbye & amen » est ainsi un thriller redoutablement efficace doublé d’un brûlot politique éminemment malin et formidablement corrosif. Un pur régal.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 2k et proposé en version originale italienne. Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné des modules « Dieu reconnaitra les siens » : présentation par Curd Ridel (19 min.) et « Pour un grain de beauté » : entretien avec Antonio Siciliano (24 min.), ainsi que d’un Diaporama d’affiches et photos et d’une Bande-annonce.
Édité par Artus Films, Goodbye et amen est disponible depuis le 2 mai 2023 au sein du formidable coffret blu-ray + DVD « Justice. Politique. Corruption - la trilogie de Damiano Damiani : Nous sommes tous en liberté provisoire + Comment tuer un juge + Goodbye & amen » qui contient également un passionnant livret « Damiano Damiani, un cinéaste se rebelle » rédigé par Emmanuel Le Gagne (98 pages).
Le site Internet d'Artus Films est ici. Sa page Facebook est ici.
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