Milliardaire pour un jour
Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Milliardaire pour un jour » de Frank Capra.
« On ne peut pas transformer un vieil âne et cheval de course. Tu ne pourras pas en faire une princesse ! »
Annie est une vieille clocharde de Broadway qui vend des pommes sur les trottoirs pour survivre. Sa fille Louise, élevée en Espagne depuis son enfance, a décidé de lui rendre visite pour lui présenter son riche fiancé. Or, Annie s’est toujours fait passer auprès de sa fille pour une dame aisée ! C’est alors que « Dave le Gandin » fait son apparition. Racketteur au grand coeur, il va tout mettre en oeuvre pour aider Annie.
« Moi j’ai des ennuis. Mais vous il faudrait un miracle ! »
Figure majeure du cinéma hollywoodien des années 30 (période durant laquelle il glane pas moins de trois Oscars du meilleur réalisateur pour « New-York Miami » (1935), « L’extravagant Mr Deeds » (1937) et « Vous ne l’emporterez pas avec vous » (1939)), le cinéaste Frank Capra impose alors sa marque de fabrique grâce à ses comédies humanistes qui interrogent les fondements moraux de la société américaine. Mais s’il brille encore avec « L’homme de la rue » (1941) ou « Arsenic et vieilles dentelles » (1944), la guerre vient porter un sérieux coup de frein à sa carrière. En effet, s’il met son talent au profit du service cinématographique des armées (avec la série de films de propagande « Why we fight »), son retour dans l’industrie cinématographique n’est pas des plus simples. Désireux d’avoir plus de liberté artistique, il monte sa propre société de production (Liberty Films) et se lance coup sur coup dans la réalisation de deux longs-métrages – « La vie et belle » (1946) et « L’enjeu » (1948) – qui, bien que devenus cultes depuis, ne rencontreront pas le succès commercial escompté. Se faisant plus rare, il signe encore deux comédies avec Bing Crosby puis travaille dix ans pour la télévision. Contre toute attente, il revient sur le devant de la scène en 1959 avec « Un trou dans la tête », film de commande porté par Frank Sinatra. Avant de se lancer dans un dernier film, « Milliardaire pour un jour » en 1961. Un projet qu’il mature pendant plusieurs années sans parvenir à trouver un producteur et qui se concrétisera par l’arrivée de l’acteur Glenn Ford, qui apportera les capitaux nécessaires à la condition d’en endosser le rôle principal. Mais sa relation houleuse avec sa partenaire Bette Davis rendra l’ambiance délétère sur le tournage, poussant le cinéaste à mettre aussitôt un terme à sa carrière à l’issue de celui-ci.
« On dirait que le cancrelat s’est transformé en papillon ! »
Comme Cecil B. DeMille (« Les dix commandements »), Alfred Hitchcock (« L’homme qui en savait trop ») ou encore Leo McCarey (« Elle et lui ») avant lui, Frank Capra verse lui aussi durant sa fin de carrière dans le remake de ses propres films : une première fois avec « Jour de chance » (1950), remake de son film « La course de Broadway Bill » (1934), et donc une seconde fois avec « Milliardaire pour un jour », remake de « Grande dame d’un jour » (1961), tourné en 1932. Le scénario de ce dernier est ainsi bâti autour d’une grande mystification dans laquelle une clocharde en bout de course doit se faire passer pour une respectable aristocrate new-yorkaise le temps d’un week-end afin de célébrer la fastueuse noce mondaine de sa fille qui ne connait rien de sa condition réelle. Elle sera aidée en cela par son bienfaiteur, un petit parrain ambitieux qui voit en elle son porte-bonheur, ainsi que par toute sa communauté de mendiants. L’occasion pour Capra de reprendre le canevas scénaristique qu’il affectionne le plus, à savoir le détournement de conte de fée. Mais le mythe de « Cendrillon » n’est qu’un prétexte à placer, une nouvelle fois, ses personnages à une place sociale qui n’est pas la leur (comme c’était déjà le cas dans « L’homme de la rue », « Mr. Smith au sénat » ou « L’extravagant Mr. Deeds »). Ce qui donne lieu à des décalages fort amusants et jubilatoires, à l’image des répétitions du mariage avec des gangsters aux manières rustres et des entraineuses devant jouer les invités du gotha new-yorkais. Surtout, cela permet au cinéaste de brocarder avec finesse les travers d’une société américaine très superficielle, basée sur le paraitre et les apparences. En creux, en opposant le monde des marginaux (clochards et gangsters) à celui de la haute bourgeoisie, il vante les mérites des valeurs humanistes telles que la solidarité ou l’empathie comme seuls moyens pour les gens du peuple de faire face à l’adversité et de tenir tête dignement aux puissants de ce monde. Si formellement, le film parait déjà un peu désuet pour son époque, il souffre surtout de quelques longueurs (le film dure quasiment quarante-cinq minutes de plus que sa version de 1932). Pour autant, la mécanique reste bien huilée et parfaitement exécutée : appuyé par un casting prestigieux mêlant des stars confirmées (Bette Davis, Thomas Mitchell, Glenn Ford) et des nouveaux talents (Peter Falk, Ann-Margret), « Milliardaire pour un jour » demeure un film raffiné, drôle, et souvent même assez irrévérencieux. Et plus que tout, profondément humain et touchant. Capra sort ainsi de piste avec élégance et sans fausse note. S’il n’est peut-être pas le film le plus marquant du cinéaste, il n’en demeure pas moins un très bon cru qui mérite amplement d’être redécouvert et savouré à sa juste valeur.
***
Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré en Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné du module « Le Dernier conte de fées de Frank Capra » : présentation du film par Christian Viviani, critique à la revue Positif (2023, 25 min.).
Édité par Rimini Éditions, « Milliardaire pour un jour » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 21 février 2023.
La page Facebook de Rimini Éditions est ici.
Commenter cet article