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18 Jun

Fata morgana

Publié par Platinoch  - Catégories :  #Drames, #Inclassables

Un grand merci à Artus Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Fata Morgana » de Vincente Aranda.

 

Fata_morgana

« Tout assassinat est l’histoire d’une rencontre. Et toute rencontre est l’histoire d’un amour »

 

Dans une ville évacuée de sa population pour d’obscures raisons, quelques personnes ont décidé de rester. La mannequin Gim n’a pas voulu quitter son compagnon, Alvaro, qui vit dans une somptueuse villa avec des personnalités excentriques. On apprend alors qu’un assassin récidiviste a décidé de frapper à nouveau, et qu’il choisit ses victimes parmi les plus belles femmes de la ville. Le Professeur, un expert en criminologie, est le seul capable d’aider Gim à échapper au meurtrier.

 

« Un spectacle où rien ne semble se passer est un spectacle où tout se passe à l’intérieur »

 

Fata_morgana_Vincente_Aranda

On a parfois tendance à l’oublier, mais bien que gravitant dans la sphère européenne occidentale, l’Espagne fut enfermée tardivement dans les affres de la dictature franquiste. Qui, d’un point de vue artistique et culturel, se matérialisa par l’exercice d’une stricte censure et l’exil de nombreux artistes. Ceux qui restèrent furent contraint de s’accommoder des règles ou de les contourner discrètement pour pouvoir continuer de travailler. Au cinéma, cela donna notamment lieu à des films très allégoriques, dont Carlos Saura (« Cria Cuervos », « Ana et les loups », « Maman a cent ans ») fut l’un des principaux maitres. Et puis, il y a ceux qui tentèrent à leur façon de faire un cinéma avant-gardiste et contestataire, à l’image de l’école de Barcelone, courant cinématographique qui se développa dans le sillage de la Nouvelle-vague française et qui développa un cinéma centré sur l’imaginaire, à défaut de pouvoir parler librement de la réalité de la société espagnole. Véritable autodidacte, qui arriva au cinéma à presque quarante ans et après un long exil au Venezuela, Vincente Aranda fut l’un des principaux animateurs du mouvement. Il signe avec « Fata Morgana » (1965) sa première réalisation.

 

« Tu te trompes : les hommes ne te haïssent pas, ils te désirent »

 

Fata_morgana_Aranda

« Fata Morgana » - ou littéralement « la Fée Morgane » - est un phénomène visuel. Ou plus exactement une illusion d’optique. Un mirage en quelque sorte, le plus souvent causé par des jeux combinés de lumières, de couleurs et de reflets, qui trompent le regard et l’appréciation de l’observateur. Un phénomène qui inspira d’ailleurs fort logiquement un célèbre poème au maitre du surréalisme André Breton. On l'aura donc compris, le réalisateur Vincente Aranda signe ici un film en trompe l'œil. Dans une geste surréaliste, il filme ainsi une ville désertée et au bord du chaos, vivant dans une sorte de torpeur en attendant son proche effondrement (des « évènements de Londres » sont mentionnés au départ, sans plus de précisions). Là, une jeune femme tente de fuir son destin, matérialisé par un tueur en série qui lui court après, dissimulant un couteau dans un poisson métallique. S'en suivra dès lors une suite de situations et de rencontres incongrues et inquiétantes, dans un univers dystopique des plus étranges. Un monde désincarné et froid, où l’héroïne, mannequin de son état, semble subir constamment les regards et les assauts d’hommes insistants, et potentiellement menaçants compte tenu du climat de paranoïa généralisé. A l’évidence, derrière cet étrange récit, le cinéaste nous parle à mots couverts de son pays, brocardant à sa manière l’illusion d’une modernité ou d’une ouverture qui n’est alors qu’une façade ou encore d’une forme d’aliénation de l’individu (les êtres semblent vidées de tout sentiment et reproduits à l’infini sur des affiches publicitaires) au sein d’une société sous surveillance perpétuelle et où la violence semble toujours sous-jacente. S’il demeure formellement séduisant de par le climat qu’il instaure, le film – très expérimental – n’en est pas moins déroutant (pour ne pas dire souvent abscons). Pour le coup, une vraie curiosité.

 

Fata_morgana_Teresa_Gimpera

 

**

Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master 2k restauré et proposé en version originale espagnole (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

 

Côté bonus, le film est accompagné de « Mirages et illusions » : présentation par Christian Lucas (2023, 23 min.), d’un Générique alternatif (1 min.), d’un Diaporama d’affiches et photos (1 min.) et d’une Bande-annonce originale.

 

Édité par Artus Films, « Fata Morgana » est disponible en combo blu-ray + DVD, présenté dans un élégant digipack, depuis le 2 mai 2023.

 

Le site Internet d’Artus Films est ici. Sa page Facebook est ici.

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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!