OSS 117: Rio ne répond plus
« Certains hommes ont des aventures : Je suis une aventure! »
Douze ans après Le Caire, OSS 117 est de retour pour une nouvelle mission à l'autre bout du monde. Lancé sur les traces d'un microfilm compromettant pour l'Etat français, le plus célèbre de nos agents va devoir faire équipe avec la plus séduisante des lieutenants-colonels du Mossad pour capturer un nazi maître chanteur. Des plages ensoleillées de Rio aux luxuriantes forêts amazoniennes, des plus profondes grottes secrètes au sommet du Christ du Corcovado, c'est une nouvelle aventure qui commence. Quel que soit le danger, quel que soit l'enjeu, on peut toujours compter sur Hubert Bonisseur de la Bath pour s'en sortir...
« Rechercher un nazi avec des juifs : quelle drôle didée ! »
Concurrent français de James Bond, Hubert Bonnisseur De La Bath, alias « OSS 117 », est né de la plume prolifique de Jean Bruce dans les années 50. La popularité de ses aventures lui ont valu les honneurs de nombreuses adaptations cinématographiques. En effet, depuis 1957, on ne compte pas moins de neuf films consacrés aux aventures de l'agent secret français, « Rio ne répond plus » compris. Souvent portées par des interprètes de secondes zones (Kerwin Matthews, Frederik Stafford), les aventures d « OSS 117 » au cinéma ont souvent donné lieu à des films médiocres, apparaissant très vite comme des sous-James Bond. Sans nouvelles de lagent secret français depuis « OSS 117 prend des vacances » en 1970, cest le réalisateur Michel Hazanavicius qui relancera la franchise en 2006 avec « Le Caire nid despions ». Une franchise désormais placée sous le signe de la comédie, dont le premier opus signera lun des succès critique et public surprise de lannée 2006, réunissant 2.300.000 spectateurs en salle. A noter que contrairement au premier opus, Michel Hazanavicius a également collaboré à lécriture du scénario de ce « Rio ne répond plus ».
« Faire lamour, pas la guerre ? Lun nempêche pas lautre : jai toujours fait les deux et je nai jamais enregistré aucune plainte ! »
On lavait laissé au Caire, en 1955, où il venait de vaincre les Aigles de Khéops et ainsi de pacifier le monde arabo-musulman. On nespérait quune chose : le retrouver le plus rapidement possible pour de nouvelles aventures. Car le tandem Hazanavicius/Dujardin avait placé la barre tellement haute quils avaient réussi à imposer ce « OSS 117 » au rang de fierté nationale, au même titre que la baguette de pain ou le pot de Brouilly. Restait à éviter lécueil du deuxième épisode, à faire aussi bien si ce nest mieux que le premier, sans tomber dans le piège dun « épisode bis » qui copierait lhumour et toutes les ficelles du premier volet, depuis le « jaime les panoramas » à « Bambino ». La première bonne surprise de ce film, cest donc le choix délibéré des auteurs davoir placé cette nouvelle aventure beaucoup plus loin dans le temps, histoire de casser les codes imposés par le premier volet. Douze années se sont ainsi écoulées depuis le Caire : exit donc Lucien Bramard, René Coty, le mambo, les parties de jokari avec Jack, ou encore les costumes en alpaga. De la Bath a vieilli : plus Dean Martin que Sean Connery, il se cache désormais sous lidentité de Noel Flantier (sic !). Si on retrouve toujours (avec joie) sa franchouillardise, son racisme et sa misogynie, il est désormais (encore) plus con et plus en décalage que jamais avec son époque. Cest la grande subtilité du scénario de Hazanavicius : savoir esquisser et parodier un conservatisme vieille France gaulliste, et lopposer à une époque de grands changements. OSS se retrouve ainsi confronté à un double décalage : tout dabord avec son époque où les hippies prônent des valeurs libertaires à lexacte opposée de ses propres valeurs, et ensuite par rapport à ses alliés de circonstances, des agents du Mossad israélien, qui lobligent à jongler avec ses préjugés antisémites, très « vieille France » et de bon ton pour lépoque.
« Je vais vous faire un compliment que je fais rarement, mais je trouve que vous avez létoffe dune parfaite mère de famille ! »
Clairement, Hazanavicius joue à mort la carte dun humour encore plus politiquement incorrect et vachard que lors du précédent opus. Français, Chinois, Nazis, et même Juifs en prennent ainsi à tour de rôle pour leur grade. En osant briser avec intelligence tous les tabous (notamment avec des commentaires bourrés de préjugés de la part dOSS à propos des juifs, qui tend souvent à minimiser la Shoah), le réalisateur peut mieux mettre le doigt là où ça fait mal, comme lorsquil dénonce la présence danciens collabos dans les hautes sphères de lEtat Français, symbole dune France souvent donneuse de leçons mais qui na jamais su faire son examen de conscience historique. Et sil balance des énormités avec une candeur hilarante, on se surprend même à trouver une résonnance étonnamment actuelle dans les propos de De La Bath (« - Comment appelle-t-on un pays où tous les médias sont contrôlés par un seul homme ? - la France ! »). Virevoltant (même si le film souffre de quelques petites longueurs), le scénario nous entraine dans un festival de situations décalées, de quiproquos hallucinants et de répliques potentiellement cultes. Avec en points dorgue une soirée costumée nazie ainsi quune mémorable soirée avec des hippies sur la plage de Copacabana, qui devrait restée dans les annales. Jean Dujardin se montre une nouvelle fois excellent. Réinventant constamment le personnage dOSS 117, il étoffe ici encore un peu plus sa palette de jeu, révélant des facettes comiques, plus burlesques, quil navait pas exploité auparavant. A ses côtés, Louise Monot semble un peu falote, sans doute en raison dun rôle moins consistant que celui de Bérénice Béjo dans « Le Caire », qui lui donne toutes les peines du monde à exister face à un Dujardin en grande forme. Mais à linstar du précédent épisode, cet « OSS 117 » doit aussi son succès à une réalisation des plus soignées, qui parvient notamment à recréer minutieusement lambiance du cinéma de genre américain des années 60, en particulier celle des films avec Paul Newman (on pense clairement à Harper, le « Détective privé » de « La toile daraignée ») et Steve McQueen (« Bullit » ou « Laffaire Thomas Crown »). A lévidence, Michel Hazanavicius réalise ici un film aussi hilarant que brillant qui lui permet de réussir haut la main son pari, à savoir réaliser un deuxième épisode d « OSS 117 » qui soit au moins aussi bon et aussi drôle que le premier. On attend désormais le troisième (et dernier ?) épisode, quon image bien se dérouler pendant les années Giscard. Ça promet !
Commenter cet article