3H10 pour Yuma - Remake de 2008
« Celui qui ferme la bouche sauve son âme. Celui qui louvre tôt court à sa perte »
Arizona. Dan Evans désespère de voir la pluie tomber et mettre un terme à la sécheresse qui est en train davoir raison de sa petite exploitation. Criblé de dettes et dans lincapacité de les payer, ses créditeurs commencent à sen prendre à ses biens dans lespoir de lui prendre au plus vite sa terre. Un jour, il assiste impuissant à lattaque de la diligence et à son pillage par le célèbre criminel Ben Wade et sa bande. Ce dernier, sous le charme de la serveuse du saloon où il a fête son succès avec ses hommes, sattarde imprudemment en ville. Suffisamment pour que les hommes du shérif, avec la complicité de Dan, puissent larrêter. Par peur des représailles de ses hommes, ils décident de léloigner le plus loin et le plus rapidement possible de la ville, afin de le faire juger. La meilleure solution ? Le mettre dans le train du lendemain à destination du pénitencier de Yuma. Dun commun accord, ils décident dune diversion : les hommes du shérif feront croire quils mèneront Wade jusquà la ville voisine, tandis quun groupe de braves volontaires mené par le représentant local de la compagnie de la diligence, conduira le vrai Wade dans la direction opposée, vers la gare de Contention. Moyennant une prime de 200 dollars qui lui permettrait de payer une partie de ses dettes et dobtenir un sursis dans ses affaires, Dan accepte descorter Wade jusquà la gare. Une mission qui sannonce particulièrement périlleuse
« - Tu peux encore renoncer, Dan. Ça ne te rabaissera pas.
- Non, je dois y aller Alice. Je suis fatigué de tout ça, terriblement fatigué. Fatigué de voir mes enfants crever de faim. Fatigué de la manière dont ils me regardent. Et fatigué de voir que tu ne me regardes plus »
Cinquante ans après la version originale signée Delmer Daves et portée par Glenn Ford et Van Hefling, James Mangold, réalisateur du remarqué « Walk the line », signe le remake de « 3h10 pour Yuma ». Un film qui était déjà ladaptation dune nouvelle écrite par Leonard Elmore, auteur dont les romans ont été très souvent adaptés sur grand écran (« Jackie Brown » de Tarantino, ou encore « Get shorty » et « Be cool »). Ce western psychologique aura énormément marqué le réalisateur puisquil sétait déjà inspiré de cette même histoire pour son deuxième long métrage, « Copland », réalisé en 1997 et porté par Sylvester Stallone. Voulant volontairement se démarquer de loriginal en y apportant une vision personnelle et un peu de modernité, le scénario a largement été réécris et étoffé. Pour la petite histoire, Tom Cruise et Eric Bana étaient initialement pressentis pour interpréter respectivement Wade et Dan. Leur désistement successif laissera la place à Russel Crowe et Christian Bale. A noter également que le film a été tourné en un temps record de 54 jours dans le désert du Nouveau-Mexique. Contrairement au scénario qui fait référence à une période de sécheresse, le tournage hivernal aura été contrarié par le froid et les chutes de neige !
« Tu penses quon est toujours pas amis, Dan, mais à 2h55, on sera beaucoup plus proches que tu ne le crois »
Pour mémoire, « 3h10 pour Yuma » était à lorigine un western raffiné, où laspect psychologique primait sur laction à proprement dite, et dont lintérêt reposait dans le face-à-face subtil, entre bluff et séduction, opposant Ben Wade et Dan Evans. Deux personnages à la fois totalement antagoniques, et en même temps très proches dans leur vision du monde et dans leur courage, à travers lesquels Delmer Daves nous proposait une réflexion sur les notions de courage, de dignité, et de bien. Construit sur le même modèle que lexcellent « Le train sifflera trois fois » sorti quatre ans plus tôt, ce western valait plus pour son côté atypique que pour ses qualités à proprement parler. Lidée den faire un remake nen paraissait que plus surprenante. Dautant que très vite, les a priori se confirment : multiplication inutile des séquences (ajout de passages comme la traversée du territoire indien ou de la poursuite dans une vallée tenue par une milice) et des personnages (le vétérinaire, le fils, lhomme de main du créditeur), choix davoir un scénario excessivement explicatif par nombres de détails là aussi inutiles (fermier qui boite pour nous rappeler quil a fait la guerre, incendie de sa grange pour nous dire quil est endetté, etc ), aucun de ces partis pris ne semblent justifiés ni pertinents. Dautant que Mangold va plus loin, optant pour un scénario spectaculaire, avec son lot de fusillades, son nombre hallucinant de cadavres, et ses personnages qui meurent de façon très théâtrale, qui va à lencontre de lesprit du film original, résolument plus épuré et sobre. A limage dun final, qui était dans la version dorigine très surprenant et qui faisait finalement le sel du film, et qui dans cette version, a été totalement transformé en un spectacle insatisfaisant et grand-guignolesque qui napporte pas grand chose. Certes, quelques scènes sont recopiées à lidentique (le dîner, la scène du bar), mais à la vue de lensemble, elles perdent beaucoup de leur tension et de leur saveur.
« Souviens-toi que ton père a emmené Ben Wade à la gare. Et quil était seul. »
.
Côté réalisation, Mangold se fait clairement plaisir en abusant des stéréotypes inhérents au genre du western (fusillades, courses poursuites, nombreux morts). Mais non content de trahir lesprit du film de Daves, ces partis pris pénalisent également le film en en faisant un film très calibré qui ne diffère pas énormément des autres westerns tardifs des années 90 (« Mort ou vif », « Open range »). De même, on pourra critiquer le choix du réalisateur davoir rajouté pas mal de séquences tant son film souffre par moment de problèmes de rythme. Mais plus que tout, le vrai problème de Mangold, cest que contrairement à ses modèles, il ne sait pas filmer ni se servir des paysages si particuliers et spectaculaires de louest sauvages. Personnage à part entière dans les films de Ford, élément majeur dans la plupart des films du genre, les paysages sont filmés ici de manière lisse et ne viennent jamais créer une ambiance ou peser sur le récit. Côté interprétation, quelque soit la performance des comédiens, on ne pourra pas échapper à lenvie de les comparer à ceux de la version originale. A ce petit jeu, cest Russell Crowe qui sen sort le mieux. Charismatique, cynique, viril, parfois rieur, il a clairement létoffe pour donner chair à son personnage. Nétant de plus pas trop fan de Glenn Ford de manière générale, il ma semblé très convaincant. Seul reproche quon pourrait lui faire : Ford apportait une dimension beaucoup plus méphistophélique à son personnage que Crowe narrive jamais à lui donner. A linverse, Christian Bale, dhabitude si bon, semble beaucoup trop fade pour le rôle de Dan. Sil en fait des caisses dans le boitement et dans la fausse humilité, il lui manque cette humanité que Van Hefling génialement apportait au personnage. A leur côté, les autres comédiens nont guère loccasion de briller. Il faut dire que leur personnage, souvent rajoutés, restent très caricaturaux. A limage dAlan Tudyk en improbablé vétérinaire maladroit, Ben Forster en bras droit sanguinaire, ou encore Luke Wilson en tortionnaire expert en gégène. A noter également le clin dil de Peter Fonda, vétéran de la grande époque du western, et dont le personnage est là aussi caricatural à souhait. Restent les personnages féminins, qui ne retrouvent pas la dramaturgie et limportance formelle quelles avaient dans le premier film. Objet de désir pour lun et conscience pour lautre, cest elles qui causaient la perte de nos deux héros. Leur traitement ici savère beaucoup plus fade et anecdotique. Pour conclure, ce remake de « 3h10 pour Yuma » déçoit fortement par ses partis pris de violence et de spectaculaire qui dénature totalement lesprit si sobre de loriginal. Reste un film très formaté, qui à défaut de renouveler le genre, se laisse regarder sans réel déplaisir. Un remake qui nétait probablement pas indispensable.
Commenter cet article