Angles d'attaque
« - Ça naurait jamais du arriver
- Sauf que cest arrivé pendant notre service »
Salamanque, Espagne. La ville accueille pendant quelques jours de nombreux chefs détats pour un sommet international. Entre la foule de badauds, nombreuse, et les menaces terroristes, la délégation américaine est plus que jamais en état dalerte. Et le pire finit par arriver lorsque le président américain, qui sapprête à prendre la parole en public, seffondre, victime de plusieurs coups de feu. Dans la confusion de cet attentat et de lévacuation du Président américain, deux attentas à la bombe viennent également frapper la ville. Entre la vision de deux des gardes du corps du Président, celle dun touriste américain ayant filmé la scène, celle dun mystérieux flic en civil espagnol, et celle dune réalisatrice de télévision gérant la retransmission en direct, les éléments se recollent bout à bout pour nous délivrer une bien étonnante vérité
« Vous ne pouvez pas donner un ordre : vous venez de vous faire tirer dessus. Ce serait révéler au monde que vous ny étiez pas. »
Jusquici réalisateur pour la télévision britannique, « Angles dattaque » est le deuxième long pour le réalisateur anglais Pete Davis après « Omagh ». Il sagit également de son premier film américain. A la fois film catastrophe fragmenté (façon « la mémoire dans la peau ») et film choral, cet « Angles dattaque », film de commande de studio, est un projet plutôt complexe pour un coup dessai. Dautant que si laction se déroule à Salamanque, la municipalité a refusé la demande de la production de bloquer la place centrale durant les trois mois de tournage. Du coup, ladite place où se situe une grande partie de laction a été reconstruite à lidentique au Mexique, où sest déroulée la majeure partie du tournage. A noter que dans le cadre de sa préparation du personnage du président, le comédien William Hurt a pu rencontrer lancien Président Bill Clinton. De quoi affirmer que la production, assurée par le metteur en scène Paul Greengrass (« La mémoire dans la peau »), a vu les choses en grand.
« - On doit frapper fort
- Non. On doit être fort »
Si les attentats du 11 Septembre ont durablement marqué les mémoires, ils nen finissent pas de trouver un écho dans les productions cinématographiques hollywoodiennes, qui déclinent ces derniers temps jusquà lusure des films paranoïaques sur les questions de sécurités et de menaces terroristes. A priori, pas grand chose doriginal à attendre de ce film donc. Dautant que le choix de mener une narration fragmentée, façon puzzle, reprenant les mêmes évènements vus à travers les yeux de huit personnages liés par le destin, tenait par excellence de la fausse bonne idée plus casse-gueule quautre chose. Ainsi, le peu inspiré Pete Davis mène son récit à la façon de la série rocambolesque « 24 ». Si le procédé est déjà peu convaincant à la télé, Davis nous montre quil est dans ce registre aussi à laise quun éléphant dans un magasin de porcelaine : les mêmes scènes vues par les différents protagonistes senchaînent avec un sentiment de lassitude assez rapide, et ce dautant plus que les révélations successives, tellement improbables et alambiquées, finissent par perdre les spectateurs. Tout ça dans le but de nous dire que la complexité dun tel acte dépasse la logique et lentendement dun seul individu. Si lidée nétait pas mauvaise, elle est ici trop mal exploitée et peu convaincante, la faute à des rebondissements franchement trop énormes pour être crédibles, et à des partis pris hallucinants de bêtises, comme le terroriste très "Mac Gyver" qui mène son action à partir dun simple téléphone, qui déclenche à la fois des bombes, et dirige à distance des mitrailleuses La pseudo-réflexion sur le pouvoir de limage, ou les coulisses du pouvoir sévanouit de ce fait rapidement. De même, le réalisateur oublie lessentiel, en faisant étonnement abstraction des motivations des terroristes, et notamment de lagent double, interprété par Matthew Fox. Tout ça pour aboutir à un final grand-guignolesque porté par une écurante scène de gloriole patriotique comme seuls les ricains savent les faire.
« Le comble de larrogance américaine, cest quils ne peuvent pas concevoir un monde où ils seront pris de vitesse »
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Côté réalisation, Pete Davis fait preuve dune incroyable fumisterie tant son film nest basé que sur lesbroufe. Mené en apparence tambour battant avec des flash-backs devant éclaircir les zones dombres de lattentat, et des scènes spectaculaires de cascades et dexplosions (comme cette trop longue course poursuite en voitures dans les rues de Salamanque), le film tente en vain de masquer par ces gros effets visuels les lacunes de son scénario et le manque de cohésion de lensemble. Dès lors, le film, aussi spectaculaire soit-il, ne vaut pas plus quun gros nanar façon « Taxi » ou « Taken » (pas mal dans le genre, le type qui va kidnapper le président dans un hôtel surprotégé en tuant tout le monde). Un résultat chaotique qui nest pas sauvé par une interprétation des plus grotesque. La palme du ridicule revenant à Forrest Whiteker, dans un rôle improbable et aberrent du touriste toujours en avance sur les autres et poursuivant laction caméscope au poing. Dennis Quaid, William Hurt, ou encore Matthew Fox, ne relevant pas plus le niveau, enfermés dans des rôles stéréotypés de surhommes (les deux gardes du corps résistent à tout, le Président est le seul à sortir vivant et indemne de laccident de voiture). Tout juste trouvera-t-on un peu de satisfaction avec linterprétation, plus nuancée, de lespagnol Eduardo Noriega. Quand au français Saïd Tagmahoui, sil nest pas plus mauvais que les autres, on regrette de le voir se cantonner à jouer les rôles de méchant terroriste de service dans ce genre de production américaine. Détestable à souhait, ce film qui se veut une grosse machine de divertissement de masse, est en soi un ratage complet : outre son manque doriginalité formelle, on pourra aussi lui reprocher la maladresse de son propos, terriblement manichéen et limite malsain. Son heure trente de durée apparaissant de fait comme un supplice. A fuir.
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