Antonio Vivaldi, un prince à Venise
« Vivaldi nous fait perdre la raison Mon Dieu ! pardonnez-moi »
La vie torturée dAntonio Vivaldi, musicien vénitien exceptionnel, dont le génie musical aura été contrarié par son statut de prêtre et par la volonté de la toute puissante Eglise de ne pas le laisser sortir de sa condition, et de ne pas laisser libre cours à une forme dexpression progressiste. De ses troubles personnels et de son génie créatif, en passant par le jeu de ses relations avec les personnages importants de lépoque (Pape, Cardinaux, Chefs dEtat, Nobles et Bourgeois, Artistes ), la vie de Vivaldi est ici exposée dans toute sa complexité, et sert également de support à un portrait social de lItalie du 17ème siècle.
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« Je nassisterais pas à cette mascarade avec vos musiciens visant à voler lâme de mes prochains »
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Genre américain par excellence, le biopic reste un exercice toujours passionnant mais réellement difficile. Entre travail minutieux de documentation et soucis de mêler à la fois réalisme et écriture romanesque pour rendre le récit alerte, lexercice est toujours périlleux. Pourtant, sur des sujets assez éloignés, certaines tentatives ont donné lieu à des grands films, comme le récent « Walk the line » (Mangold 2006). Sur le thème des compositeurs classiques, on se souvient ainsi de lexcellent « Amadeus » de Forman (1984), en attendant le « Copying Beethoven » de Holland (sortie prévue fin 2007). Mais entre temps, on notera la sortie de ce « Antonio Vivaldi, un prince à Venise », deuxième long de Jean-Marc Guillermou, réalisateur en 2003 de « Il était une fois Jean-Sébastien Bach », qui récidive ici dans le biopic de compositeur. Sorti dans le plus grand anonymat estival, le film aura surpris tout son monde en étant passé entre les mailles de la presse spécialisée qui nen a pas parlé, et surtout en étant distribué sur un nombre de copies réellement faible et principalement dans des salles « Arts et Essais ». Mais plus que tout, ce film était loccasion de retrouver Michel Serrault dont il sagit de lavant-dernier film.
« LEglise ne voit en moi quun parasite et un perturbateur des âmes »
On est tout de suite surpris par le format franco-italien, qui voit les protagonistes se répondre dans leur langue maternelle respective selon leur nationalité, le tout bien évidemment doublé par soucis duniformité. Et si ceci nest quun détail, cest très symptomatique de laspect amateur que prend ce film. On ne doute à aucun moment dune volonté du réalisateur de traiter de la vie de Vivaldi de manière quelque peu décalée. Mais là, cest le grand nimporte quoi. Au milieu de décors criards et de costumes dépoque, se succèdent une flopée de scènes et de rencontres elliptiques, qui ne sont pas liées et qui napportent souvent pas grand chose au récit (on pense à la jeune danseuse que Vivaldi finit par aider à sortir de Venise au début du film), voire qui frisent souvent le grand nimporte quoi (Goldoni qui vient arranger le texte dun opéra en moins de trente seconde pendant que Vivaldi fait répéter sa soliste). Evidemment le tout agrémenté de quelques extraits dopéras du Maître. Bien évidemment le résultat tient de la vaste fumisterie, et nest pas à la hauteur de la qualité dun mauvais téléfilm, à peine égale-t-il une sitcom AB Productions. Car à cette mise en scène laborieuse et lamentable vient sajouter une direction dacteurs inexistante.
« Avec un carnaval qui dure six mois par an, nos concitoyens passent six mois de lannée à pécher et six mois de lannée à prier »
Le casting révèle ainsi de grandes surprises : on retrouve ainsi un Vivaldi campé par un mauvais Stefano Dionisi, qui a sa décharge est maquillé de manière grotesque au fil de son vieillissement. A ses côtés, on est déçu par Michel Serrault, qui bien quétant de loin le meilleur comédien du film, cabotine à mort et en fait des tonnes. On rigolera de manière gênée devant la prestation improbable de Galabru en Pape à lil quelque peu lubrique. Quand à Annette Schreiber, les physionomistes se rappelleront lavoir aperçu dans des chefs duvre comme « Les vacances de lamour », et seront stupéfaits de voir que son accent germanique a été gommé au profit dun doublage plus lisse. Du grand art à lenvers en quelque sorte. A ce petit jeu, la bonne surprise vient de Christian Vadim. Dommage quil ne reste pas plus de 5 minutes à lécran.
« Anna, je souffre de vous avoir volé votre jeunesse et de vous avoir entraînée dans cette folie »
Si la vie du génial et finalement méconnu Vivaldi (dont ce film était le premier biopic qui lui était consacré) avait lapparence du sujet idéal pour un biopic de qualité au cinéma, il va sans dire que ce « Antonio Vivaldi, un prince à Venise » est certainement le nanard de lannée. Avec un scénario écrit par un manchot, une réalisation frôlant lamateurisme total et des acteurs perdus en cours de route, le film, tel la cité des Doges, prend leau de toute part, et coule irrémédiablement dans les profondeurs du ridicule. Ce génie de la musique quétait Vivaldi méritait quand même un biopic à hauteur de son talent. Quelle honte !
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