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18 Nov

La bande à Baader

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Unissons-nous dans la mort ou la victoire »

Dans les années 70, l'Allemagne est la proie d'attentats à la bombe meurtriers. La menace terroriste et la peur de l'ennemi intérieur ébranlent les fondements mêmes d'une démocratie encore fragile.
Sous la conduite d'Andreas Baader, Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin, une nouvelle génération radicalisée entre violemment en guerre contre ce qu'ils perçoivent comme le nouveau visage du fascisme : l'impérialisme américain soutenu par les membres de l'establishment allemand, dont certains ont un passé de nazi. Leur objectif est de créer une société plus humaine. Mais en employant des moyens inhumains, en répandant la terreur et en faisant couler le sang, ils perdent leur propre humanité.
L'homme qui les comprend est aussi celui qui les pourchasse : le chef de la police allemande, Horst Herold. Et même s'il réussit à capturer les jeunes terroristes, Herold sait qu'il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg...

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« - Je croyais qu’on devait se contenter de faire une petite explosion ?   - Plus elle sera forte, plus elle marquera les esprits »

Abonné depuis plus de vingt ans aux coproductions internationales et à la réalisation de séries (« Oz »), le réalisateur allemand Uli Edel signe pour la première fois un film entièrement allemand depuis son premier long, « Moi Christiane F… 13 ans, droguée et prostituée », réalisé en 1981. Un retour par la grande porte puisque non content de réaliser un film s’intéressant aux heures sombres des années de plomb, « La bande à Baader » a bénéficié du plus gros budget de l’Histoire du cinéma allemand (20 millions d’euros). Inspiré du livre éponyme de Stefan Aust, considéré comme l’ouvrage de référence sur la Fraction Armée Rouge, « La bande à Baader » a été sélectionné pour représenter l’Allemagne à la prochaine cérémonie des Oscars.

« Nous continuerons à faire des attentats contre les juges et les procureurs tant qu’ils ne respecteront pas les droits des prisonniers politiques »

Il est remarquable de constater que depuis quelques années, le cinéma allemand, faisant fi des tabous, ose affronter son passé et les heures les plus sombres de son Histoire : Hitler et le nazisme (« La chute »), l’oppression communiste du temps de la séparation (« La vie des autres »), ou encore la chute du mur de Berlin et la difficile réunification (« Good bye, Lénine »). Un devoir de mémoire nécessaire, notamment pour la jeune génération, désireuse de s’affranchir en quelque sorte de ce passé douloureux. Dans ce contexte, Uli Edel prend le parti de revenir sur les années de plomb allemandes, celles des années 70, marquées notamment par le terrorisme à tendance anarcho-libertaire de la Fraction Armée Rouge. Un groupe d’une rare violence, qui aura terrorisé l’Allemagne des années 70 avec des campagnes d’attentats sanglants, de prises d’otages, de kidnappings, de détournement d’avion et d’assassinats. Des évènements qui nous renvoie à une histoire commune puisque des groupes similaires plus ou moins actifs ont existé en Italie (Les Brigades Rouges) et en France (Action Directe) pour les mêmes raisons, et qui trouvent une résonance particulière à l’heure des débats sur l’amnistie ou la remise en liberté de certains anciens activistes comme César Battisti, Marina Petrella, ou autres Jean-Marc Rouillan. Signe que ces mouvements auront marqué durablement nos sociétés occidentales. Mais qui dit sujet intéressant ne dit pas forcément réussite formelle. Car cette « Bande à Baader », en dépit de la densité des évènements qu’il ambitionne de retracer, souffre tout de même d’une longueur excessive qui finit par être pesante : avec son avalanche de crimes violents, ses récits d’incarcérations et d’isolements, de grèves de la faim et de basculement dans la folie, le film s’avère particulièrement glauque et sombre. D’autant que certaines parties (le procès et l’incarcération finale) semblent excessivement longues par rapport à ce qu’elles apportent. Surtout, on reprochera au film son côté un peu trop linéaire, trop scolaire dans sa façon d’enchaîner les évènements sans vraiment les replacer dans un contexte (en dehors de la scène d’ouverture de répression violente d’une manifestation anti-Shah d’Iran, on ne dit pas grand-chose de la société politique et économique allemande de l’époque, loin d’être vraiment dénazifiée). Le réalisateur se montre ainsi étonnement silencieux sur les motivations du groupe, en occultant certaines thématiques essentielles comme la contestation du nazisme (une grande part de la sympathie des jeunes allemands à l’égard du mouvement libertaire se fait en réaction aux zones d’ombre relatives à la période nazie de leurs aînés. A ce titre, le président du patronat allemand assassiné à la fin, Hans Martin Schleyer, est un ancien SS, ce que le film ne dit pas). De même, qu’il passe sous silence le rôle de soutien de la RDA, qui finira par accorder l’asile aux derniers activistes, ainsi que des alliances qui se passeront avec les Brigades Rouges et Action Directe. Dès lors, et malgré le fantasme libertaire qu’ils pouvaient représenter pour une part de la jeunesse allemande de l’époque, on peine à comprendre le regard empathique du réalisateur et sa fascination pour ces jeunes gens finalement assez peu fréquentables. Fascination qui met d’ailleurs assez mal à l’aise tant celle-ci se révèle morbide.

« Il faut repenser le problème du terroriste avec un peu de souplesse. Ce que je veux, c’est avant tout en comprendre les causes pour le combattre »

Des maladresses et une certaine ambigüité qui ne doivent pas non plus ternir les qualités du film. En premier lieu desquels l’exploit de Uli Edel d’avoir réussi à retracer dans les grandes lignes dix ans d’Histoire particulièrement dense en un seul film. Un film qui combine astucieusement récit historique tout en préservant une part efficace de scènes d’action, qui permettent de dynamiser un peu l’ensemble. Enfin, on soulignera la qualité de l’interprétation, avec un impressionnant casting qui réunit les plus grands germaniques du moment (Martina Gedeck, Alexandra Maria Lara, Bruno Ganz, avec également une mention particulière pour Moritz Bleibtreu).  Au final, « La bande à Baader » laisse quand même un petit goût de frustration, se montrant à la fois prenant et passionnant tout en manquant un peu d’analyse et de précision. On aimerait cependant que le Cinéma Français prenne exemple sur nos voisins allemands et s’intéresse également aux propres zones d’ombre de son passé (à quand un vrai grand film sur Vichy ou sur le passé de Mitterrand ?). C’est pas gagné…

  



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F
Après les brigades rouges et Romanzo criminale et La bande à Baader, un film française sur Action directe ?
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M
Un excellent film qui a au moins le courage de tenter de panser les blessures d'une allemagne encore marquée par son passé. Je pense comme à toi, à quand la même dans le cinéma français !
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B
J'étais gamin quand avaient lieu cette période de violence entremêlé de attentats meurtres enlévements d'etrême droite, d'être^me gauche, de palestiniens, d'islamistes qui finalement s'approvisionnaient aux mêmes fournisseurs, logeaient dans les même planques pour les mêmes motivations pas spécialement démocratiques ni pour notre bonheur. Leurs grands idéaux "anti nazis" ? Irais-je voir le film ? ta critique ne m'en rebutte pas tant elle est équilibrée et honnête. Mais je ne les aime pas ces assassins dont aujourd'hui on veut nous en faire passer pour des martyres. César Battisti et Marina Petrella ne sont que des pourritures qui méritent un vrai procès. Pour un Schleyer ancien SS (que seule la justice avait le droit de juger et de condamner) combiens d'innocents tués ? Non, je les hais !
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