La bande à Baader
« Unissons-nous dans la mort ou la victoire »
Dans les années 70, l'Allemagne est la proie d'attentats à la bombe meurtriers. La menace terroriste et la peur de l'ennemi intérieur ébranlent les fondements mêmes d'une démocratie encore fragile.
Sous la conduite d'Andreas Baader, Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin, une nouvelle génération radicalisée entre violemment en guerre contre ce qu'ils perçoivent comme le nouveau visage du fascisme : l'impérialisme américain soutenu par les membres de l'establishment allemand, dont certains ont un passé de nazi. Leur objectif est de créer une société plus humaine. Mais en employant des moyens inhumains, en répandant la terreur et en faisant couler le sang, ils perdent leur propre humanité.
L'homme qui les comprend est aussi celui qui les pourchasse : le chef de la police allemande, Horst Herold. Et même s'il réussit à capturer les jeunes terroristes, Herold sait qu'il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg...
.
« - Je croyais quon devait se contenter de faire une petite explosion ? - Plus elle sera forte, plus elle marquera les esprits »
Abonné depuis plus de vingt ans aux coproductions internationales et à la réalisation de séries (« Oz »), le réalisateur allemand Uli Edel signe pour la première fois un film entièrement allemand depuis son premier long, « Moi Christiane F 13 ans, droguée et prostituée », réalisé en 1981. Un retour par la grande porte puisque non content de réaliser un film sintéressant aux heures sombres des années de plomb, « La bande à Baader » a bénéficié du plus gros budget de lHistoire du cinéma allemand (20 millions deuros). Inspiré du livre éponyme de Stefan Aust, considéré comme louvrage de référence sur la Fraction Armée Rouge, « La bande à Baader » a été sélectionné pour représenter lAllemagne à la prochaine cérémonie des Oscars.
« Nous continuerons à faire des attentats contre les juges et les procureurs tant quils ne respecteront pas les droits des prisonniers politiques »
Il est remarquable de constater que depuis quelques années, le cinéma allemand, faisant fi des tabous, ose affronter son passé et les heures les plus sombres de son Histoire : Hitler et le nazisme (« La chute »), loppression communiste du temps de la séparation (« La vie des autres »), ou encore la chute du mur de Berlin et la difficile réunification (« Good bye, Lénine »). Un devoir de mémoire nécessaire, notamment pour la jeune génération, désireuse de saffranchir en quelque sorte de ce passé douloureux. Dans ce contexte, Uli Edel prend le parti de revenir sur les années de plomb allemandes, celles des années 70, marquées notamment par le terrorisme à tendance anarcho-libertaire de la Fraction Armée Rouge. Un groupe dune rare violence, qui aura terrorisé lAllemagne des années 70 avec des campagnes dattentats sanglants, de prises dotages, de kidnappings, de détournement davion et dassassinats. Des évènements qui nous renvoie à une histoire commune puisque des groupes similaires plus ou moins actifs ont existé en Italie (Les Brigades Rouges) et en France (Action Directe) pour les mêmes raisons, et qui trouvent une résonance particulière à lheure des débats sur lamnistie ou la remise en liberté de certains anciens activistes comme César Battisti, Marina Petrella, ou autres Jean-Marc Rouillan. Signe que ces mouvements auront marqué durablement nos sociétés occidentales. Mais qui dit sujet intéressant ne dit pas forcément réussite formelle. Car cette « Bande à Baader », en dépit de la densité des évènements quil ambitionne de retracer, souffre tout de même dune longueur excessive qui finit par être pesante : avec son avalanche de crimes violents, ses récits dincarcérations et disolements, de grèves de la faim et de basculement dans la folie, le film savère particulièrement glauque et sombre. Dautant que certaines parties (le procès et lincarcération finale) semblent excessivement longues par rapport à ce quelles apportent. Surtout, on reprochera au film son côté un peu trop linéaire, trop scolaire dans sa façon denchaîner les évènements sans vraiment les replacer dans un contexte (en dehors de la scène douverture de répression violente dune manifestation anti-Shah dIran, on ne dit pas grand-chose de la société politique et économique allemande de lépoque, loin dêtre vraiment dénazifiée). Le réalisateur se montre ainsi étonnement silencieux sur les motivations du groupe, en occultant certaines thématiques essentielles comme la contestation du nazisme (une grande part de la sympathie des jeunes allemands à légard du mouvement libertaire se fait en réaction aux zones dombre relatives à la période nazie de leurs aînés. A ce titre, le président du patronat allemand assassiné à la fin, Hans Martin Schleyer, est un ancien SS, ce que le film ne dit pas). De même, quil passe sous silence le rôle de soutien de la RDA, qui finira par accorder lasile aux derniers activistes, ainsi que des alliances qui se passeront avec les Brigades Rouges et Action Directe. Dès lors, et malgré le fantasme libertaire quils pouvaient représenter pour une part de la jeunesse allemande de lépoque, on peine à comprendre le regard empathique du réalisateur et sa fascination pour ces jeunes gens finalement assez peu fréquentables. Fascination qui met dailleurs assez mal à laise tant celle-ci se révèle morbide.
« Il faut repenser le problème du terroriste avec un peu de souplesse. Ce que je veux, cest avant tout en comprendre les causes pour le combattre »
Des maladresses et une certaine ambigüité qui ne doivent pas non plus ternir les qualités du film. En premier lieu desquels lexploit de Uli Edel davoir réussi à retracer dans les grandes lignes dix ans dHistoire particulièrement dense en un seul film. Un film qui combine astucieusement récit historique tout en préservant une part efficace de scènes daction, qui permettent de dynamiser un peu lensemble. Enfin, on soulignera la qualité de linterprétation, avec un impressionnant casting qui réunit les plus grands germaniques du moment (Martina Gedeck, Alexandra Maria Lara, Bruno Ganz, avec également une mention particulière pour Moritz Bleibtreu). Au final, « La bande à Baader » laisse quand même un petit goût de frustration, se montrant à la fois prenant et passionnant tout en manquant un peu danalyse et de précision. On aimerait cependant que le Cinéma Français prenne exemple sur nos voisins allemands et sintéresse également aux propres zones dombre de son passé (à quand un vrai grand film sur Vichy ou sur le passé de Mitterrand ?). Cest pas gagné
Commenter cet article