Bienvenue chez les Ch'tis
« Ceux qui travaillent bien, on les laisse dans le sud. Tas du faire quelque chose de grave pour être muté dans le nord ! »
Philippe Abrams est directeur de la poste de Salon-de-Provence depuis de nombreuses années. Pour faire plaisir à son épouse, au caractère dominateur et autoritaire, il cherche par tous les moyens à être muté dans une poste dune ville de bord de mer sur la Côte dAzur. Ses demandes étant systématiquement rejetées, il décide de se faire passer pour handicapé afin dêtre prioritaire. Hélas, il se fait prendre et sa direction décide, en guise de punition, de le nommer là où personne ne veut aller : dans le Nord-Pas-de-Calais. Bourrés de préjugés, voyant les habitants du nord comme des arriérés et des rustres vivant dans une région polaire, cette nouvelle prend des allures de catastrophe. A tel point que Philippe se voit contraint de partir seul, sa femme ne voulant pas le suivre. Pourtant, une fois à Bergues, Philippe découvre contre toute attente une région accueillante, et des habitants particulièrement chaleureux et hospitaliers. En outre, une fois la barrière de la langue passée, il sympathise pleinement avec ses collègues de la petite poste locale, en tête desquels figure Antoine, facteur et carillonneur de la ville, tiraillé entre une mère ultra possessive et son amour pour Annabelle, la belle postière. Rentrant dans le sud toutes les deux semaines, Philippe se satisfait pleinement de sa situation. Au point de mentir à sa femme sur ses conditions de vie dans le nord, afin de rester seul dans le nord et de se faire consoler quand il rentre. Sa vie senfonce donc progressivement dans le mensonge, jusquau jour où Julie décide de le suivre à Bergues
« - Excuse-moi de ne pas taccompagner dans le Nord, mais cest au-dessus de mes forces
- De toutes façons, cest mieux que tu restes au chaud avec le petit »
Deux ans après avoir réalisé son premier film, « La maison du bonheur » (2006), DanyBoon récidive en signant « Bienvenue chez les Chtis », son deuxième opus quil a écrit, interprété et mis en scène. Projet qui lui tenait à cur depuis pas mal de temps, DanyBoon voulait en effet rendre hommage à sa région natale, à ses habitants, et à ses traditions de terre accueillante et chaleureuse. Loccasion également pour lui de rendre justice à cette région, en balayant les préjugés de région froide et sinistrée, pour imposer en une image plus positive. Si au départ, DanyBoon voulait confier le rôle de Philippe Abrams à Daniel Auteuil (avec qui il avait déjà partagé une amitié cinématographique pour « Mon meilleur ami » de Lecomte), ce dernier était déjà engagé sur dautres projets. Finalement après plusieurs défections, cest à Kad Merad quest revenu ce rôle. Sorti une semaine plus tôt sur les trois départements du nord, le film a battu là-bas, en une semaine, tous les records de fréquentations, affichant plus de 550.000 billets vendus. Un chiffre doublé au soir du premier jour de sa sortie nationale ! Les « Chtis » semblent donc bien partis pour être le phénomène populaire cinématographique de lannée, et pour tutoyer les sommets du box-office.
« On dit que ceux qui viennent dans le Nord, ils braient deux fois : une fois quand ils arrivent, et une fois quand ils partent »
Non content de parler de sa région, on sent dentrée que DanyBoon est en terrain familier dans ce « Bienvenue chez les Chtis », où lon retrouve son goût pour laccent du nord qui a fait son succès, mais aussi lunivers de la Poste, qui avait déjà donné lieu à un sketch truculent dans lun de ses spectacles. Lidée de départ, de se jouer des clichés (le nord, sa grisaille, son froid, sa crise économique) pour mieux les balayer dun revers de main, semblait cependant un peu caricatural et pouvait inquiéter quant au contenu du film. Dautant que derrière DanyBoon ne fait que proposer dautres clichés (laccueil des habitants, la chaleur humaine, la générosité). Pourtant, force est de constater que « Bienvenue chez les chtis » est une comédie qui fonctionne. Sans excès, jouant dun humour bon enfant et souvent prévisible, DanyBoon nous propose une comédie dans la grande tradition des comédies populaires françaises, voire un poil franchouillarde, peuplée de bons sentiments et dépourvue de toute vulgarité. Certes, le film ne réinvente pas le genre, loin de là, mais à grands coups de répliques bien senties, de bons mots (en français et en chti), de quiproquos et de situations cocasses, il fonctionne très bien. Néanmoins, quelques scènes, souvent absurdes, paraissent trop longues voire dispensables, comme la visite de la fausse ville de Bergues, ou la tournée alcoolisée de nos deux facteurs. Pour autant, rien de bien dommageable pour ce film qui se laisse suivre de manière très agréable.
« Putain, tout le monde parle comme vous ici ? »
Côté réalisation, DanyBoon ne fait pas preuve dune créativité débordante, mais son classicisme est de bon augure pour sa comédie, qui dans lensemble savère assez rythmée et fluide, faisant la part belle aux comédiens. Et justement, la réussite du film ne serait rien sans le tandem DanyBoon/Kad. Restant dans leur registre habituel respectif, les deux comédiens se découvrent une formidable complicité et complémentarité, qui nest pas sans rappeler un autre grand duo (dans une vision certes plus moderne) : De Funès et Bourvil. En bonne pile électrique, dont les mimiques sont hilarantes, Kad contrebalance parfaitement le côté naïf maladroit au grand cur de DanyBoon. Autour deux, tous les personnages narrivent pas forcément à exister comme ils le devraient, mais on peut noter quand même les belles performances de Line Renaud, de la jolie Anne Marivin (qui trouve enfin un vrai rôle au cinéma), de Michel Galabru (courte mais hilarante apparition), et des deux compères Philippe Duquesne et Guy Lecluyse.
« Demain on vous emmène à la mine, on va faire un cache-cache ! »
Au final, avec son « Bienvenue chez les Chtis », DanyBoon renoue avec la grande tradition des comédies populaires et familiales françaises. Si tout nest pas parfait (quelques longueurs, remplacement un peu « facile » dun cliché par un autre), les dialogues et les situations savèrent savoureuses, parfaitement portées par des comédiens de qualité. Plein de bonnes intentions et de bons sentiments, le film, assez classique, soublie assez vite après la séance. Néanmoins, on rit souvent, et ce « Bienvenue chez les Chtis » a tout pour devenir le poids lourd 2008 un peu surprise du cinéma français au box-office. Allez biloute !
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