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03 Mar

Breezy

Publié par platinoch  - Catégories :  #Comédies romantiques

« - Vous n’êtes pas trop jeune pour fumer ?

   - S’il y a un âge limite, c’est à vous d’arrêter »

 

Californie, début des années 70. Breezy, 20 ans, est une jeune hippie vivant de manière insouciante, au gré de ses rencontres. Sans domicile fixe à proprement parler, traversant les Etats-Unis pour voir l’océan Pacifique, elle vivote chez les uns, chez les autres, chez des amis, ou des garçons d’un soir, et sillonne la vallée en stop avec sa guitare sur le dos. Un jour, elle est prise en stop par un pervers qui menace de la violer. Arrivant à fuir le véhicule, elle se retrouve perdue au beau milieu de la vallée. Trouvant refuge devant une des rares maisons des environs, elle s’invite dans la voiture de Franck, le propriétaire des lieux. La cinquantaine bien portée, séducteur, et agent immobilier aisé, il représente pourtant à priori l’exact contraire de Breezy. Pourtant, le courant passe assez vite entre eux, Breezy trouvant en Franck un homme capable de la raisonner, tandis que Franck trouve en elle le grain de folie qui manquait à sa vie trop routinière. Leur histoire devient très vite passionnée. Pourtant, en raison de leur différence d’âge, elle est mise à mal par le regard désapprobateur des autres…

 

« Je ne me suis jamais réveillé nulle part en regrettant d’être là. Je ne pense pas que ce soit votre cas »

 

Sorti sur les écrans en 1973, « Breezy » est la troisième réalisation de Clint Eastwood après « Un frisson dans la nuit » en 1972, et « L’homme des hautes plaines » en 1973. Ce film se distingue également du fait que pour la première fois, Eastwood se contente de diriger le film sans passer devant la caméra. Malheureusement, « Breezy » est sorti quelques mois après que Clint Eastwood ait endossé pour la première fois le rôle de l’Inspecteur Harry. Violent et macho, le rôle, en dépit de son succès, aura valu au comédien les foudres d’une partie de l’opinion et de la critique, qui bouderont de fait « Breezy » malgré ses qualités. Le film sera ainsi un véritable échec au box-office (le plus gros échec commercial en tant que réalisateur pour Eastwood), affectant personnellement le réalisateur qui attendra quinze ans et « Bird » en 1988 avant de réaliser de nouveau un film sans jouer dedans. A noter, pour l’anecdote, que Eastwood apparaît indirectement dans le film, les deux personnages allant en effet au cinéma voir « L’hommes des hautes plaines » sorti sur les écrans la même année.

 

« Pour un solitaire et une non-motorisée, nos routes se croisent souvent… »

 

Derrière ses airs de petites comédies romantiques banales, Eastwood nous livre, comme à son habitude, un très grand film, injustement snobé lors de sa sortie. Reprenant des thèmes qui lui sont chers, tels que la liberté ou la tolérance, il nous propose une histoire peu banale, celle d’une romance entre une jeune femme et un homme d’âge mûr séparés par plus de trente ans. Le genre d’histoire allant plutôt à l’encontre des idées établies, d’une certaine morale, et propres à déranger l’opinion. Pour autant, loin de tout discours moralisateur ou provocateur, Eastwood se contente de nous raconter cette belle histoire d’amour, faites de petites choses finalement simples et banales, sans jamais porter de jugement. Ce qui ne l’empêche pas de garder une certaine lucidité quant aux chances – minimes – de voir cette relation durer sur le long terme. Avec une finesse incroyable, « Breezy » nous émeut par le rapprochement de ces deux personnages que tout oppose, du statut social aux idées en passant par l’âge. Breezy, comme son nom l’indique, est un courant d’air, libre, vivotant sans contraintes. Orpheline, elle trouvera en Franck la figure autoritaire et protectrice capable de la raisonner. A l’inverse, Franck, qui mène alors une vie de solitaire sans réelles passions, voit en Breezy le grain de sel qui manque à sa vie, capable de réveiller en lui l’insouciance et l’imprévu qu’il croyait perdus. Une sorte de dernier amour providentiel tombé du ciel avant qu’il ne soit trop tard pour lui. Si le couple est à l’opposé du conformisme social, sa liberté et son en faisant sa réussite, il stigmatise également les failles des autres couples, plus standards. Ainsi, du meilleur ami lassé par sa femme et rêvant d’aventures extra-conjugales tout en étant incapable de sacrifier son petit confort rassurant, à l’ex de Franck, mariée de dépit à un autre homme, et qui cherchait davantage en lui un statut social, la vision du couple formaté par la société et privé de liberté et de folie est assez triste, et en opposition totale à la simplicité et à la liberté unissant Breezy et Franck. A travers eux, Eastwood peint aussi une certaine époque, celle de l’Amérique du début des années 70, marquée par la fin de la guerre du Vietnam, qui aura divisée profondément la société américaine. Breezy et Franck sont ainsi les représentants de ces deux Amériques ne se comprenant pas : l’une, jeune et insouciante, privilégiant la liberté, et l’autre, plus âgée, plus conservatrice, dirigée par le matérialisme et l’argent. A travers eux, Eastwood rêve aussi certainement d’une paix retrouvée et de tolérance.

 

« Je n’ai jamais été aussi aimée qu’avec lui : j’étais sa première pensée le matin, et sa dernière le soir »

 

Côté réalisation, Eastwood surprend par sa maturité compte tenu que ce « Breezy » n’est que son troisième film. Très sobre, parfois minimaliste, la réalisation se fait ici toujours discrète, au point de s’effacer la plupart du temps devant les deux acteurs principaux, dont on pénètre ici l’intime. La direction d’acteur d’Eastwood est une nouvelle fois formidable, d’une justesse infinie. Les deux comédiens livrent ainsi des prestations de haut-vol, marquées par une incroyable sincérité et sensibilité. William Holden est formidable en homme mûr et séduisant, à la fois amoureux et fragilisé par la vision du monde extérieur et par sa propre morale. Face à lui, Kay Lenz habite littéralement son personnage, faite à la fois de candeur, de joie de vivre, et de sensibilité. Tel un rayon de soleil, elle illumine littéralement le film de sa présence. A noter également la très bonne musique du film, collant parfaitement à l’ambiance de cette époque, signée Michel Legrand. Une musique qui lui vaudra une nomination aux Golden Globes.

 

« Qui sait ? Nous tiendrons peut-être un an ? »

 

Au final, Clint Eastwood signe avec « Breezy » probablement un de ses plus beaux films. Histoire d’amour hors normes dans une société éclatée et conservatrice, il nous livre un très frais, très juste et très émouvant portrait empreint de romantisme et de liberté, sans jamais porter le moindre jugement moral. Fort d’une mise en scène sobre et sensible, le film fait la part belle aux comédiens, en particulier son duo principal composé d’un William Holden très sobre et touchant, et d’une pétillante et lumineuse Kay Lenz. Assurément l’un des plus beaux films d’Eastwood, mais aussi une des plus jolies histoires d’amour vue au cinéma.



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B
Enfin vu (merci dvd) et j'avoue avoir beaucoup aimé. La justesse de la réalisation et le jeu des acteurs. Le thème est forcément ambigu. Une belle histoire d'amour ? S'il avait été pauvre au fond d'une hutte ? mais bon, j'ai quand même aimé et nous offre la possibilité d'en discuter. Merci de nous le faire découvrir.
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K
Récemment découvert ce film injustement oublié. Même si il ne m'a pas autant emballée que toi, c'est vrai qu'il mérite néanmoins d'être redécouvert, ne serait-ce que pour la force des sujets qu'il aborde et aussi pour son très beau couple d'acteurs.<br /> <br /> Salut Platinoch, et bonne année (je sais, je suis en retard !). C'est mon premier commentaire sur ton blog, je m'excuse d'avoir mis autant de temps à venir, surtout que nous avons pas mal de goûts en commun, ne serait-ce que pour le cinéma ancien. Je vais remédier à ça et j'essayerai de passer régulièrement te faire un petit bonjour, même si je vais moins souvent au cinéma que toi :D
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!