Bruegel, le moulin et la croix
« Mon tableau devra raconter de nombreuses histoires. Et être assez grand pour toutes les raconter toutes »
Année 1564, alors que les Flandres subissent l’occupation brutale des Espagnols, Pieter Bruegel l’Ancien, achève son chef d’œuvre "Le Portement de la croix", où derrière la Passion du Christ, on peut lire la chronique tourmentée d’un pays en plein chaos.
Le film plonge littéralement le spectateur dans le tableau et suit le parcours d’une douzaine de personnages au temps des guerres de religions.
Leurs histoires s’entrelacent dans de vastes paysages peuplés de villageois et de cavaliers rouges. Parmi eux Bruegel lui-même, son ami le collectionneur Nicholas Jonghelinck et la Vierge Marie.
« Je ne supporte plus le despotisme des mercenaires étrangers »
Homme à tout faire et artiste accompli, le polonais Lech Majewski est connu pour être à la fois réalisateur, auteur, poète, homme de théâtre et compositeur. Passionné par les arts, il avait déjà co-écrit et produit le film « Basquiat », réalisé en 1995 par Julian Schnabel et consacré au célèbre artiste plasticien. Pour ce « Bruegel, le moulin et la croix », adapté du livre de Michael Francis Gibson et consacré au tableau « Le portement de la croix » réalisé par le peintre flamand en 1564, il passe lui-même derrière la caméra.
« Si seulement le temps pouvait être arrêté »
Peuplé de près de 500 personnages, « Le portement de la croix » fait partie des œuvres les plus riches de Bruegel l’ancien. Des plus complexes également. Voulant nous faire littéralement pénétrer le tableau et en percer son mystère, Majewski réalisait donc son film en filmant ses comédiens sur fond vert pour les incruster dans le décor même du tableau. Très surprenants, les premiers plans du film s’avèrent convaincants et visuellement très beaux. Pour tout dire, le spectateur est véritablement immergé dans l’œuvre de Bruegel. L’expérience est en cela impressionnante. Et puis, le réalisateur décide de nous conter une histoire. Celle du tableau en lui-même, expliqué par Bruegel lui-même à son ami Jonghelink. Et par extension, celle des personnages qui le peuplent, permettant ainsi de dresser en parallèle un autre tableau – historique cette fois – de la vie dans les Flandres occupées par les espagnols au XVIème siècle. Le projet étant sur la forme passionnant bien qu’un peu fou. Le problème, c’est que Majewski fait le choix de nous raconter les histoires individuelles des personnages du tableau sans paroles et sans dialogues mais uniquement par leurs gestes coutumiers. Les saynètes interminables se succèdent en nous montrant ainsi un meunier qui moud le grain, des bucherons qui coupent du bois, des enfants qui chahutent, des gens qui mangent, des femmes qui nettoient leur maison, un homme que des miliciens exécutent… La beauté visuelle du projet n’y peut rien, l’ennui le plus assommant qui soit finit par rattraper le spectateur même le plus averti au bout d’une dizaine de minutes. Visuellement très beau, donc, mais trop expérimental dans son approche narrative pour susciter un quelconque intérêt.
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