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12 Jan

Les cinquante-cinq jours de Pékin

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Nous arrivons dans la ville de Pékin, capitale d’un empire millénaire : les gens ici ont une culture raffinée. N’allez pas croire qu’ils valent moins que vous parce qu’ils ne parlent pas votre langue »

 

Pékin, 1900. Face à la montée d’un colonialisme qui ne dit pas son nom et à l’évangélisation outrancière d’un peuple pourtant fier de sa culture séculaire, la Chine est en proie depuis plusieurs années à de violents mouvements de rébellions, menés par les Boxers, une société secrète, contre les impérialistes étrangers et contre la Monarchie en place accusée d’être à sa solde. Pourtant, c’est bel et bien avec le soutien de la Monarchie qu’en cette année 1900, les boxers font monter la pression sur les représentants étrangers, assassinant l’ambassadeur d’Allemagne. Alors que Sir Arthur Robertson, ambassadeur d’Angleterre, va demander des comtes à l’Impératrice, celle-ci le prend violemment à parti, exigeant son départ et celui de tous les ressortissants étrangers au plus vite sous peine d’être livré à la violence des boxers. Par soucis d’éviter une guerre beaucoup plus longue avec la Chine et pour ne pas que les nations étrangères ne perdent la face, Robertson convainc tous ses collègues des autres délégations de tenir la position. Encadrés par quelques 400 militaires protégeant les différentes délégations, quelques milliers de personnes doivent alors s’organiser pour résister, barricadés, avec des munitions et des vivres limitées…

 

« - Vous offrez souvent votre vie aux inconnues, commandant ?

   - Les inconnues sont souvent les meilleures amies des soldats »

 

Projet monumental et ultra coûteux, « Les 55 jours de Pékin » sera l’un des derniers films du réalisateur Nicholas Ray, à qui l’on doit précédemment une vingtaine de films, parmi lesquels « La fureur de vivre » (1956), ou encore « Johnny Guitar » (1953). Premier (et dernier ?) film à prendre le pourtant très cinématographique sujet de la révolte des boxers et du siège des ressortissants étrangers à Pékin en 1900, Nicholas Ray signe ici une grande fresque d’aventures historique et exotique. Le tournage du film sera caractérisé par une incroyable tension : devant son coût exorbitant, le producteur mettra une pression telle sur l’équipe du film que le réalisateur Nicholas Ray sera victime d’une crise cardiaque avant la fin du tournage. Hospitalisé et en repos forcé, le tournage du film sera bouclé par les expérimentés Andrew Marton et Guy Green. En raison de sa situation politique peu ouverte sur le reste du monde, et de la teneur du scénario, le film n’a bien évidemment pas pu être tourné en Chine. Du coup, c’est en Espagne qu’a eu lieu ce tournage, un décor de 24 hectares reconstituant le Pékin de 1900 ayant été construit dans la banlieue de Madrid. Ce projet titanesque nécessitait également un très grand nombre de figurant de type asiatique. Des gens de la production furent donc mandatés de trouver et de faire venir à Madrid un maximum de figurants dans les communautés asiatiques des grandes villes européennes. La légende veut même que durant le tournage, la plupart des commerces asiatiques de Madrid étaient fermés du fait de la présence de leur personnel sur le plateau du film! A noter que « Les 55 jours de Pékin » a été nommé deux fois aux Oscars de 1964 pour la meilleure chanson et la meilleure bande originale (les deux étant signées du grand compositeur Dimitri Tiomkin).

 

« La Chine est une vache épuisée. Les étrangers ne se contentent pas de la traire. Ils la dépècent et se partagent la viande »

 

Avec un peu de recul, le film surprend par son positionnement au regard des faits historiques : production Hollywoodienne de la grande époque, elle place certainement trop facilement les occidentaux dans la posture des gentils et des justes. Plus de quarante ans après, on ne pourra que s’offusquer quelque peu de cette vision injuste et incomplète de la vérité : il est certain que les boxers ont commis des crimes atroces et des actes de barbarie tant sur les représentants étrangers que sur les franges de la population chinoise jugée trop proche de ces derniers (plus de 30000 assassinats dont quelques centaines d’occidentaux). Ce que le film oublie de dire, c’est qu’une fois les armées étrangères venues secourir les assiégés et rétablir l’ordre, ces dernières, en particulier les troupes allemandes, se sont livrées à une terrible campagne de terreur et de représailles dans les régions alentours. De même, il faut rappeler que le soutien tacite de la Cour Impériale aux boxers n’était pas une décision prise à la légère, mais la volonté du pouvoir chinois de laver l’humiliation faite par les pays occidentaux qui dominaient territorialement et économiquement le pays depuis quelques décennies, dans un colonialisme qui ne portait pas de nom. Néanmoins, cet événement méconnu comporte un intérêt majeur, à savoir de montrer comment les grandes puissances industrialisées ont réussi à s’étendre et à mener un conflit commun alors que 14 années plus tard, elles se déchireront dans l’affreux conflit que l’on connaît, avant de remettre ça en 1940. Mais l’intérêt du film se trouve ailleurs, dans cette énorme fresque grandiose, où sur fond historique se dresse une sorte de western en plein milieu de Pékin (comment ne pas penser à des films comme « Alamo » ou « Rio Bravo » qui se placent déjà du côté des assiégés). Du grand cinéma d’aventures exotiques, comme le grand Hollywood savait encore en faire, avec sa galerie de personnages hauts en couleurs et charismatiques, du commandant courageux et un rien macho à l’ambassadeur britannique très flegmatique, en passant par une comtesse russe vénéneuse et mystérieuse en quête de rédemption. En cela le scénario, bien que très classique, fonctionne admirablement, faisant la part belle aux grands sentiments : courage et honneur bien virils et amours impossibles. Même s’il n’évite pas toujours les clichés (le personnage de la petite fille chinoise, fille d’un officier américain qui meurt d’entrée et qui repartira finalement avec le héros).

 

« - C’est un excellent soldat quand il sait pourquoi il se bat

   - C’est plus facile de se battre quand c’est pour quelque chose qui se voit : un mur, une rivière. Comment leur expliquer quand c’est pour un principe ? »

 

Côté réalisation, le film est rondement mené par Nicholas Ray qui arrive à maintenir une grande unité de rythme et à éviter les temps morts. La tension est ainsi palpable tout du long, et les 2h30 du film passent comme une lettre à la poste. D’autant que Ray s’en donne à cœur joie et filme quelques grandes scènes de batailles, comme lorsque les assiégés repoussent les assaillants de l’autre côté de l’enceinte, ou lorsqu’ils font face à l’attaque d’une tourelle de bombardement. L’autre grande force du film réside dans sa direction d’acteurs. Charlton Heston excelle toujours autant en héros droit, virile et macho. A ses côtés, David Niven apporte toute sa classe et son flegme à ce personnage d’ambassadeur pragmatique et rusé. Son jeu tout en finesse apporte un parfait équilibre avec celui de Heston, plus caricatural. Ce tendem nous offre d’ailleurs quelques échanges particulièrement savoureux. Au milieu de cet univers de guerre et de violence, Ava Gardner brille également de tout son charme et de toute sa séduction, dans un rôle qui reste secondaire. A noter également la belle présence John Ireland. On regrettera simplement que l’Impératrice et ses deux généraux conseillers soient interprétés par des acteurs blancs maquillés, ce qui semble particulièrement ridicule aujourd’hui. La qualité des décors et des costumes est également à souligner, ces derniers recréant une parfaite ambiance romanesque de la Chine de 1900.

 

« Si vous mourrez Natacha, c’est toute la lumière qui s’éteindra dans cette maison »

 

Au final, même s’il a un peu vieilli, « Les 55 jours de Pékin » reste un grand film d’aventures spectaculaire. Sa vision des faits historiques semblera bien justement aujourd’hui critiquable (les gentils sont les colons blancs, sorte de justification de la colonisation), néanmoins, le film témoigne d’une époque révolue où Hollywood savait produire et faire des belles et grandes fresques historiques, fastueuses, avec des parterres de stars prestigieuses. Du vrai et bon cinéma d’aventures populaire, pour un divertissement de grande qualité.



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J
Un film kitschissime: du toc!Bien sûr que la réalisation est somptueuse, que les acteurs sont brillants, les couleurs éclatantes, les costumes éblouissants (les chemises de Charlton sont-elles toutefois vraisemblables?) les déplacements de foules spectaculaires... mais l'essentiel - un minimum de psychologie, de réflexion "politique", de sens de l'Histoire - n'y est malheureusement pas. <br /> <br /> Une fois enlevé l'emballage certes plaisant du film, il reste un roman-photo ridiculisant les Chinois (les traîtres de service, les Indiens exotiques en quelque sorte) et exaltant l'héroïsme sans partage des boys. A la lettre, on n'y comprend rien, tant c'est invraisemblable! Quant à  l'intrigue sentimentale, elle est simpliste et l'extraordinaire inexpressivité de la très belle Ava Gardner - une icône - ne fait qu'en accentuer le caractère dérisoire. Finalement, c'est le décor qui est le plus réussi, même si l'on voit qu'il ne s'agit pas de la Cité Interdite et que les hutongs de Pékin - le lieu de vie des Chinois - sont bien évidemment totalement escamotés. Musique "hollywoodienne" et dialogues faussement "shakespeariens"... bien sûr.<br /> <br /> Décidément, vive "Johnny Guitar" et "A Rebel without a cause" du grand Nicholas!
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F
Ce film sonne le glas du "Great Hollywood", le déclin s'ammorçant à sa suite. On y retrouve une Ava Gardner vieillissante mais toujours aussi "glamour"...
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B
Il y a très longtemps que je l'ai vu, et j'en garde un excellent souvenir d'un super bon film. Plus que lidée dé défense du coloninialisme, il me semble qu'il s'agit surtout de la confrontation entre deux cultures, l'occidentale et l'orientale... va falloir que je le revois.
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