Coco avant Chanel
« Lamour cest beau que dans les livres. La seule chose qui est bien dans lamour, cest de faire lamour. Dommage quil faille un homme pour ça ! »
Une petite fille du centre de la France, placée dans un orphelinat avec sa soeur, et qui attend en vain tous les dimanches que son père vienne les chercher. Une chanteuse de beuglant à la voix trop faible, qui affronte un public de soldats éméchés. Une petite couturière destinée à refaire des ourlets dans l'arrière-boutique d'un tailleur de province. Une apprentie-courtisane au corps trop maigre, qui trouve refuge chez son protecteur Etienne Balsan, parmi les cocottes et les fêtards. Une amoureuse qui sait qu'elle ne sera " la femme de personne ", pas même celle de Boy Capel, l'homme qui pourtant l'aimait aussi.
Une rebelle que les conventions de l'époque empêchent de respirer, et qui s'habille avec les chemises de ses amants. C'est l'histoire de Coco Chanel, qui incarna la femme moderne avant de l'inventer.
« Regarde tous ces gens : un jour viendra, ils se battront pour venir manger à notre table »
Un téléfilm sur France 2 (signé Christian Duguay, avec Barbora Babulova et Shirley McLaine dans le rôle de Gabrielle Chanel), un biopic signé Anne Fontaine et un autre signé Jan Kounen (« Coco Chanel & Igor Stravinsky » avec Anna Mouglalis dans le rôle titre) : lannée 2009 sera Coco Chanel ou ne sera pas ! Sans parler des projets de biopics avortés auxquels étaient associés les noms de William Fredkin et Danièle Thomson. Rien danormal à cela quand on sait linfluence mondiale quaura eu Gabrielle Chanel sur la mode féminine au XXème siècle, insufflant à celle-ci un vent de modernité. A noter que le film est une adaptation de « Lirrégulière », portrait écrit par Edmonde Charles-Roux, publié en 1974.
« Je croyais toffrir un jouet, je tai offert ta liberté »
Le succès international (entendre par là Hollywoodien) de « La Môme » de Dahan devait donner des idées à un certain nombre de nos réalisateurs en mal de reconnaissance hors de nos frontières. Quoi de mieux alors que de suivre un modèle tout fait ayant déjà fait ses preuves ? Car finalement, il y a entre « Mademoiselle » Chanel et Edith Piaf des similitudes incroyables : mêmes caractères bien trempés et décidés, mêmes talents bruts ne demandant quà être travaillés. Plus encore, ces deux femmes, symboles à linternational dune culture et dune élégance typiquement françaises, incarnent une certaine forme de féminisme avant lheure, animé par le même désir affirmé de liberté et dindépendance à une époque résolument machiste où lhomme cantonne la femme au foyer et où celles-ci sont absentes de toute vie politique et économique. En cela, que ce soit Piaf qui chante lamour au féminin en multipliant les frasques sentimentales ou Coco Chanel qui libère les corps en supprimant les corsets et en raccourcissant les jupes, elles auront toutes les deux uvrées à une certaine libération de limage de la femme. De ce destin et de cette personnalité hors normes, il y avait forcément matière à faire un grand film. Pourtant, avec ce récit mollasson et didactique, qui sappesantit sur des passages peu passionnants et inutiles de la vie de Gabrielle Chanel (les interminables parties de cache-cache et de polo au château de Balsan où Coco côtoie pour la première fois les gens du monde), Anne Fontaine semble passer à côté de son sujet, en oubliant de sintéresser pleinement au génie créatif de la couturière et sa faculté à imposer son style comme une référence à part entière. Son parti pris de ne sintéresser quaux jeunes années de la créatrice semble tout aussi peu pertinent, puisque faisant limpasse sur les passages les plus troubles (et donc les plus intéressants) de la vie de Coco Chanel, notamment sa romance controversée avec un officier allemand pendant la seconde guerre mondiale. On passera également sous silence les grossiers « arrangements » pris par le scénario (Adrienne nest pas la sur de Gabrielle mais sa tante). Mais plus encore, on reprochera au film dAnne Fontaine son manque de personnalité, sa construction narrative artificielle, totalement pompée sur celle de « La Môme » (lenfance miséreuse, les tentatives comme chanteuse légère et gouailleuse dans les beuglants, les rencontres décisives, le grand amour fauché tragiquement par la mort, et même le flash-back rétrospectif final) qui fait de ce « Coco avant Chanel » un film avant tout formaté et calibré pour plaire à linternational. La présence au casting du comédien américain Alessandro Nivola va dailleurs dans ce sens. Mais à limage du reste du casting (Audrey Tautou et Emmanuelle Devos), ce dernier se montre particulièrement falot. On saluera tout de même lexcellente prestation de Poelvoorde, parfait dans ce personnage aussi détestable que touchant. De toute évidence, Coco Chanel méritait mieux que ce biopic maladroit, mal inspiré et à lesthétique digne dun téléfilm de France 3. Il ny a plus quà espérer que le film que lui a consacré Jan Kounen sera dun meilleur niveau.
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