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12 Nov

Coluche, l'histoire d'un mec

Publié par platinoch  - Catégories :  #Biopics

« Giscard va gagner les élections et c’est la France qui va les perdre. Si tous les cons se présentent, moi aussi j’y vais et je me présente ! »

Septembre 1980. Coluche triomphe tous les soirs au Gymnase. "Comique préféré des Français", il est au sommet de sa gloire ; télés, radios et journaux se l'arrachent, et sa maison est l'endroit où se croise tout ce que le pays compte de vedettes... Toujours prêt à pousser le bouchon un peu plus loin, il décide, pour rire, de poser sa candidature à la Présidence de la République. Très vite, la France se bidonne, l'acclame, le soutient. Les sondages s'affolent, sa cote monte en flèche. Et si finalement un clown se faisait élire Président ? Lui-même commence à y croire...

« Si je me présente, je ferai appel à tous ceux qui ne comptent pas pour les politiques. L’important c’est de foutre la merde »

Film de commande, le biopic sur Coluche devait initialement retracer les vingt dernières années de sa vie. Un projet proposé à Antoine De Caunes qui ne voyait cependant pas l’intérêt de réaliser un film sur un personnage dont on sait à peu près tout. Néanmoins, intrigué par la période charnière dans sa vie de sa candidature aux présidentielles historiques de 1981, il proposa de réécrire le scénario et de le mettre en scène. L’occasion pour lui de replonger dans ses souvenirs puisque à défaut d’être intime, De Caunes connaissait bien Coluche, participant à plusieurs occasions aux énormes soirées que ce dernier organisait chez lui. L’exercice du biopic n’était cependant pas étranger à De Caunes qui réalisé en 2003 « Monsieur N. », retraçant l’exil à Sainte-Hélène de l’Empereur Napoléon. Exercice périlleux, ce « Coluche, l’histoire d’un mec » n’aura pas attendu sa sortie sur les écrans pour créer la polémique. En effet, outre la désapprobation du film par la famille du défunt humoriste, l’ancien producteur de ce dernier, Paul Lederman, engagea une procédure judiciaire pour une sordide histoire de droits d’auteur qui faillit retarder la sortie du film avant d’être finalement débouté in extremis.

« Tu vois, tu n’intéresses pas les médias français, mais tu intéresses les médias du monde entier. Et tant que le monde entier a les yeux rivés sur nous, il ne peut rien nous arriver »

Genre pleinement américain, le biopic semble devenir le genre à la mode de la production cinématographique française. Sans doute le succès international de « La Môme » n’y est-il pas étranger. Toujours est-il que depuis, les projets s’enchainent à rythme soutenu (« Sagan », « Mesrine », « Séraphine », en attendant l’improbable « Gainsbourg »). Cependant, la stature et la popularité toujours intacte de celui qui fut l’icône contestataire d’une génération rendait l’adaptation de sa vie sur grand écran particulièrement délicate. Pour ne pas dire casse-gueule. D’autant que De Caunes souhaitait traiter de l’intimité du personnage et de son « côté obscur », moins connu du grand public.« Quand la légende est plus forte que la réalité, publiez la légende » affirmait « L’homme qui tua Liberty Valance ». Un vieil adage qu’aurait du reprendre à son compte le réalisateur avant de traiter de Coluche. Personne ne doute que l’homme avait des défauts dans l’intimité, qu’il n’était pas toujours ce clown irrésistible. Mais les gens qui l’ont aimé garderont surtout l’image d’un humoriste féroce, libertaire et contestataire, d’un comédien talentueux et sensible, et d’un homme généreux qui aura été de tous les combats pour les plus démunis. Des qualités scandaleusement occultées par ce film, qui prend un malin plaisir à déprécier l’homme, le faisant passer pour un connard prétentieux, hautain, manipulateur et autoritaire. Une sorte de taré passionné d’armes à feu, obsédé par le sexe, la drogue et la débauche (affligeante scène orgiaque de bataille de gâteau d’anniversaire). Une vision du personnage, aussi véridique soit-elle, à laquelle il est très difficile d’adhérer et qui met d’ailleurs mal à l’aise de la première à la dernière seconde. Restait la foisonnante et passionnante campagne présidentielle de 1981 et ses tractations occultes. Malheureusement, le choix de centrer le film uniquement sur cette période ne permet jamais au réalisateur de se montrer à la hauteur de son sujet. Comment en effet comprendre la portée provocatrice et contestataire de la candidature de Coluche si on n’évoque pas ses années soixante-huitardes, ni le contexte politique de cette élection, avec la France conservatrice et sclérosée des années Giscard, le désespoir d’une jeunesse en quête d’émancipation et d’ouvertures, absolument plus en phase avec une classe politique à l’ancienne, ringarde et guindée, qui ne supporte pas de se faire tirer dessus à boulets rouges par un gros clown soutenu par la ferveur populaire ? Comment également ne pas lier ouvertement cette éprouvante campagne et le dégout qui en a découlé et la création quelques mois plus tard des Restos du cœur ? Et avec son accident de moto ? Sans ces éclairages, la campagne présidentielle de Coluche perd à l’évidence une grande partie de sa substance et de sa saveur. Tout juste le réalisateur reviendra sur les manipulations dont le comique sera l’objet et sur les menaces qui feront éclater sa famille. Surtout il insistera sur ce qui semble essentiel à ses yeux, à savoir la manière dont Coluche s’est pris très vite au jeu de cette campagne (qui n’était pourtant au départ qu’une blague), qui réveillera en lui l’animal politique un peu mégalo qui sommeillait, le faisant rêver avec beaucoup trop de sérieux de devenir khalife à la place du khalife. Sur la forme, le film apparaît tout aussi raté, De Caunes n’arrivant jamais à insuffler un minimum de rythme et de souffle à son portrait. Son film met également en exergue les maladresses du réalisateur en ce qui concerne le découpage et le montage, ce dernier ne maitrisant pas du tout les ellipses. Par ailleurs, à l’évidence, une grande part de la réussite du film était liée à l’interprétation faite de l’humoriste. Malheureusement, la tâche s’est avérée beaucoup trop lourde pour un Demaison grimé de manière grotesque (avec sa coupe de cheveux, ses lunettes et ses dents du bonheur, il ressemble plus à un trisomique qu’à Coluche), et incapable d’habiter ni de transcender son personnage, qu’il cherche en vain à imiter sans y arriver (il a beau lutter, son phrasé snob prend toujours le dessus, bien loin de la gouaille de Coluche). Seul peut-être Olivier Gourmet semble sortir un peu du lot. Quoi qu’il en soit, rien à sauver de ce portrait détestable de celui qui restera l’icône généreuse et protestataire d’une génération. Définitivement, c’était le film à ne pas faire.

  



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C
Décidement, tes articles sont vraiment excellents... Voilà un film qui était prometteur. Malheureusement, un raté. Dommage pour Decaunes.
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B
La bande annonce, les premières critiques, les analyses des uns et des autres, m'ont fortement enlevé le peu d'envie que j'aurais pu avoir d'y jeter un oeil. A la lecteur de vos blogs, souvent réussis et argumentés comme le tien, me disent que j'ai eu raison. Comme disait Giscard "laissons les morts enterrer les morts" et laissons à Coluche ses lauriers, dont des millions de gens chaque jour peuvent manger un peu et rire de ses blagues dans leurs misères.
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