2 days in Paris
« Venise est la ville des amoureux, mais cest aussi la ville qui disparaîtra sous leau »
Longtemps assez méconnue en France, Julie Delpy semble enfin avoir trouvé une certaine reconnaissance de par chez nous. Il faut dire quelle est partie tenter laventure aux Etats-Unis voilà déjà une décennie et que celle-ci a mis du temps à se dessiner. Après quelques petits rôles, et une double aventure de renommée (le diptyque « Before Sunrise » en 1995 et « Before Sunset » en 2004), elle a commencé par apparaître dans des films plus grand public, plus médiatiques et plus prestigieux. Ainsi on notera dans sa filmographie, la présence de films récents comme « Broken flowers » de Jarmusch en 2005, ou plus récemment « Faussaire » de Hallström avec Richard Gere. Mais plus que tout, Julie Delpy brille par sa polyvalence. Réalisatrice, scénariste, actrice : elle semble vouloir toucher à tout, sans peur, et avec un certain talent. Pour preuve, sa nomination aux côtés de Ethan Hawke pour loscar du meilleur scénario pour le très beau et très émouvant « Before Sunset ». Précédé dune critique dans lensemble très positive, la sortie de sa troisième réalisation (après « Tell me » et « Looking for Jimmy ») était donc un des films importants à voir cet été. Impressions.
« Petite jétais spéciale, mais pas spéciale dans le bon sens »
LHistoire :
Marion, photographe française, vit à New York, où elle partage depuis deux ans la vie de Jack. Comme beaucoup de couple, leur vie connaît « des hauts, des bas, et surtout des milieux ». Partis ressouder leur couple durant deux semaines à Venise, ils repassent pour deux jours à Paris, récupérer le chat de Marion. Cest loccasion des présentations pour Jack. Mais entre la famille de Marion, pseudos-anarchistes et un brin provocateurs, et ses ex qui réapparaissent fortuitement, ce qui devait servir à ressouder le couple ne fait que le plonger un peu plus dans le doute
« Une pipe nest pas un événement si mineur : cest une pipe qui a privé les Etats-Unis de démocratie »
La première chose qui frappe dans ce « 2 days in Paris », cest lénergie visuelle qui se dégage de ce film : montage sacadé qui vient se calquer sur les paroles de la voix off, images filmés caméra sur lépaule donnant à lensemble un maximum de réalisme et permettant dentrer de plein pied dans lintimité du couple, flot de dialogues bien sentis façon Woody Allen, et acteurs souvent amateurs les parents de Delpy sont interprétés par ses propres parents venant conforter lauthenticité des situations. En cela son film est très intéressant, offrant au spectateur une véritable plongée en profondeur et en eaux troubles dans la vie intime du couple.
Lautre qualité indéniable du film de Julie Delpy repose sur la grande intelligence de son propos. Létude du couple moderne quelle propose, bien que souvent truculente, est menée avec minutie et observée à hauteur dhomme. Le tout étant porté par des dialogues savoureux (on est proche ici des dialogues de film de Woody Allen), intelligents, faisant mouche systématiquement et stigmatisant avec une précision chirurgicale les moindres détails qui mettent ce couple ordinaire sur la brèche.
« Prendre des photos tout le temps, ça empêche de vivre sur le moment »
Malgré toutes ses qualités, « 2 days in Paris » demeure un film bancal qui laisse les spectateurs sur leur faim. En effet, si Julie Delpy prend tous les risques en menant son film à bras le corps, elle névite pas un certain nombre dexcès dans les situations quelle filme et qui ont tendance à plomber la légèreté et le parti pris réaliste de ce dernier. Ainsi, on ne coupe pas à tous les clichés sur les américains et surtout sur les français (chauffeurs de taxis dragueur, raciste et battant leur femme, beau-père bien grivois, et françaises filles faciles), sans parler des scènes qui nont définitivement pas leur place dans ce film (la scène de lengueulade dans une brasserie où Marion retrouve un ex qui a fait du tourisme sexuel pédophile en Thaïlande). Le tout bien sûr filmé dans un Paris de carte postale façon Amélie Poulain (le petit immeuble parisien fleuri avec ses fuites deau, les éternelles ballades dans les quartiers touristiques et bobos comme le Canal Saint-Martin). Autant de scènes qui partaient certainement dune envie délibérée de se moquer de tous ces préjugés et de tous ces clichés, mais qui sont mal exploitées et qui tendent à alourdir un récit qui se voulait réaliste. De plus, ce Paris de carte postal sent trop le calcul de dexploitation commerciale du film vers le marché américain. En outre, on reprochera aussi à lauteur de navoir rien inventé de bien nouveau compte tenu de la ressemblance avec « Before Sunset » dont elle était actrice et scénariste, et qui traitait sensiblement du même sujet et de la même manière (beaucoup de dialogues dans un Paris de carte postale, filmé caméra au poing et sur le sujet de lamour et du couple).
« Cest pas ta bite qui est trop grosse pour les capotes françaises, cest ton ego. Pour les capotes italiennes aussi »
Au final, bien évidemment on passe un agréable moment devant ce « 2 days in Paris ». Létude et lanalyse du couple, de ses problèmes et de son incertitude y sont faites avec beaucoup dintelligence et dobservation, le parti pris de filmer caméra à lépaule et avec des vrais membres de la famille de Julie Delpy dans des seconds rôles importants y ajoutent une certaine forme dauthenticité. Dautant que linterprétation est globalement bonne, les prestations de Julie Delpy et de laméricain Adam Goldberg (« Il faut sauver le soldat Ryan ») apportant beaucoup de liant et de légèreté à lensemble. On reconnaîtra également le talent de scénariste et de dialoguiste de Delpy, dont les répliques font souvent mouche. Néanmoins, la réalisatrice na pas su (et cest bien dommage) sempêcher dimposer un certain nombre de scènes qui navaient manifestement pas leur place ici et qui plombent quelque peu lensemble. A vouloir se moquer des clichés, son film finit par les accumulés de manière outrancière. On pourra également souligner le manque doriginalité sur le fond comme sur la forme de ce film, qui ressemble beaucoup à lexcellent « Before Sunset » sur lequel la réalisatrice était déjà scénariste et actrice. Un petit film savoureux et sympathique, mais à qui il manque quand même un petit peu doriginalité pour simposer comme un grand film.
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