Delirious
« Règle n°1 : il y a les gagnants et les perdants. Moi je suis un gagant »
Voilà un film que jétais pressé de voir ! Il faut dire que la bande-annonce, assez alléchante, passait en boucle depuis au moins trois semaines dans toutes les salles. Matraquage publicitaire, quand tu nous tiens
Ce « Delirious » marque donc le retour du relativement peu prolifique Tom DiCillo, cinéaste iconoclaste et estampillé « cinéma indépendant américain » (pas si éloigné que ça de lunivers de Jarmusch dont il fut lassistant) et un brin cynique, qui avait entre autre signé « Ça tourne à Manhattan » en 1996. Depuis le très confidentiel « Bad Luck ! », sorti en 2001, le réalisateur semblait donc avoir quelque peu disparu. Il aura donc fallu attendre six ans et ce « Delirious » pour voir le nouveau DiCillo. Impressions.
« Jai des yeux de lynx. Cest une bénédiction et une malédiction. Des fois je vois trop de choses »
Lhistoire :
New York. Les est un paparazzo raté qui passe ses journées à planquer pour obtenir ce quil appelle « le cliché qui tue », photos dinstants volés aux stars et souvent compromettantes, quil espère monnayer le plus cher possible. Hélas pour lui, il na jamais réussi à percer réellement dans le milieu et se contente donc de vivoter de pige en pige. Un jour, alors quil fait une planque pour piéger Kharma, la Britney Spears du moment, il croise un jeune SDF, Toby. Devant linsistance du jeune homme, il décide de laider en en faisant son assistant. Assistant dont il abuse quelque peu la confiance par ailleurs. Jusquau jour où par le plus grand des hasards, Toby rencontre Kharma, dont il tombe éperdument amoureux. Chose pour le moins compliqué quand son meilleur ami est paparazzo et manipulateur
« Les gens sont tous différents. Cest ce qui fait leur beauté »
En bon réalisateur labellisé « Cinéma indépendant US », il fallait bien sattendre à ce que ce « Délirious » soit avant tout porté par un regard satyrique et même cynique sur le monde du show-business qui sert de sujet à ce film. Et en cela, tout pourrait presque se résumer à cette phrase, très bien vue, de Steve Buscemi « les journaux deviennent riches et les stars célebres ». Bien sûr, on connaît le bonhomme, et pour rentrer dans son univers cinématographique, il faudra prendre un soin particulier à prendre son film au 3ème degré (au moins) pour être sûr dy trouver, caché tout au fond, un petit pamphlet critiquant avec acidité ce monde de strass et dapparences. Et cest bien ce que lon croit pendant les trois quart dun film qui est quand même très bancal. Scénario qui part dune bonne idée mais qui reste quand même super conventionnel, avec un usage dun nombre de clichés hallucinant (entre le photographe raté obsessionnel a tendance psychopathe, et le show-business qui se limite uniquement aux excès des petites Britney et autres chanteuses dénudées, exubérantes et très capricieuses). Si il était intéressant de filmer cette dépendance incroyable teinté de rejet entre les photographes et les stars, si il était encore plus intéressant de filmer la solitude et lobsession du photographe qui traque son gibier, en loccurrence les stars, avec des heures de planque en solitaire, on ne peut que regretter que cette piteuse et si conventionnelle romance prenne le pas sur tout le reste du film. Avec en prime, ce happy-end si lamentablement pseudo-romantique
Même au vingtième degré, cest indigeste.
Dautant quon ne peut même pas se rattraper sur la qualité de la mise en scène. Cinéma indépendant est souvent synonyme de peu de moyens et beaucoup de créativité. Mais faire passer de lambiance sombre et glauque de lunivers dun paparazzo raté à lunivers factice et aux couleurs guimauves de la chanteuse du moment qui vit dans son cocon où tout nest quimage, cétait quand même à la porté de nimporte quel cornichon.
Reste donc linterprétation. On reconnaîtra le talent magistral de Buscemi, même si on est daccord pour dire également quil joue ce rôle de pauvre type raté et taré pour la énième fois. Après Michael Pitt sen sort honorablement, mais sans pour autant crever lécran non plus. Il faut dire que son personnage lunaire dapprenti acteur SDF, dune pureté flirtant avec lidiotie, nétait pas si facile que cela à gérer. Reste enfin la jeune Alison Lohman. Si son rôle se résume à limage (critique du Show-business où tout nest quimage, image de façade qui fait vendre, image de la femme dont est amoureux le héros, image que souhaite immortalisé le paparazzo) on peut dire quelle sen sort pas si mal. Ce nest plus le cas lorsquon lui demande de faire passer des émotions. Dommage.
« On recherche toujours le cliché qui tue »
Pour conclure, DiCillo nous revient après six années dabsence (on lavait laissé quand même sur deux navets pas possibles) avec un film, « Delirious », qui sannonçait être une comédie bien satirique et cynique sur lunivers du show-business. Malheureusement, même si je suis conscient quil faut prendre ce film, qui se veut très décalé, au 3ème ou 4ème degré, la satire se perd dans des lieux communs trop faciles, laissant inexploitées les sujets que le film ne fait queffleurer (lobsession du photographe, la crainte des stars, et surtout la critique de la valeur de limage), pour finalement se saborder en une histoire damour des plus classiques et des plus mièvres. Mouais ça vole quand même pas bien haut !!!
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