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16 Nov

Le deuxième souffle

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films noirs-Policiers-Thrillers

« Je suis l’affaire d’une attention soutenue. Et j’attends que la fusillade cesse pour ramasser les survivants »

 

ARP SélectionParis, années 60. Gustave « Gu » Menda, un célèbre gangster, s’évade de prison. Traqué par la police, il traverse la France pour revenir à Paris retrouver ses derniers amis, Alban et Jacques, et surtout Manouche, la femme qu’il aime depuis toujours. Mais son arrivée est précédée par l’assassinat de Jacques dans le club de Manouche, et le racket de celle-ci. Un coup commis par des sbires de Jo Ricci, que Gu s’empresse d’éliminer. La police plus que jamais sur ses talons, règlements de comptes au sein même du Milieu, Gu doit fuir à l’étranger. Si Manouche lui trouve une planque à Marseille en attendant de pouvoir passer vers l’Italie, Gu se sait immanquablement fauché. Par le biais d’une vieille connaissance, Orloff, Gu se voit proposer un coup avec la bande à Venture Ricci, le frère de Jo. Un coup énorme et meurtrier qui se déroule sans le moindre problème et qui doit assurer la richesse de Gu. Mais victime d’une machination montée par la police, et en particulier par le très intelligent Commissaire Blot, Gu passe pour un donneur auprès de tout le milieu, et de la bande à Venture en particulier. Si certains veulent sa peau, Gu, connu pour son sens de l’honneur et sa régularité dans le Milieu, ne supporte pas de passer pour un donneur. Et il sera prêt à tout pour laver son honneur…

 

« - Allez où vous voulez. Vendez tout et recommencez ailleurs

   - Il est bien tard pour changer, Commissaire »

 

Daniel Auteuil. 2007 ARP - Photos Jérôme PréboisClassique du polar français signé par notre maître national du film noir, Jean-Pierre Melville, « Le deuxième souffle », sorti en 1966, restait jusqu’ici une référence en terme de film policier. Bien que ce ne soit pas mon Melville préféré (« Le Cercle rouge » et surtout « Le samouraï » me semblent être des œuvres beaucoup plus fortes), on reconnaîtra à son réalisateur son immense talent pour y créer une ambiance particulière, à la fois glaciale et désespérée. Ce qui sera d’ailleurs la cause d’un désaccord profond avec l’auteur du roman original paru en 1958, José Giovanni, qui lui reprochera toujours sa froideur, et d’avoir occulté la partie romance entre Gu et Manouche, et le fort sentiment d’amitié qui peut unir quelques-uns des personnages. Un désaccord qui laissera toujours un goût d’inachevé à Giovanni, qui ne s’opposera jamais à une deuxième version. Et qui mieux qu’Alain Corneau, ancien assistant et ami de Giovanni, et spécialiste du polar made in France (« Police python 357 » en 1976, « Série noire » en 1979, « Le choix des armes » en 1981, ou encore « Le cousin » en 1997) pour se lancer sur un tel projet ? D’autant que Giovanni lui-même, jusqu’à sa mort en 2004, aura travaillé en tant que dialoguiste sur le projet. Reprendre un tel classique, appuyé par un énorme casting pouvait avoir un intérêt pour Corneau, dont les derniers films n’avaient pas franchement rencontré le succès (« Les mots bleus » en 2005, « Stupeurs et tremblements » en 2003, « Le prince du Pacifique » en 2000). Mais quelle en était l’intérêt pour l’œuvre à proprement parlé : une deuxième jeunesse, ou un gros coup d’esbroufe ?

 

« Je sais bien ce qui c’est passé : j’ai joué et j’ai perdu »

 

Daniel Auteuil. 2007 ARP - Photos Jérôme PréboisSi le scénario a permis de faire un grand film par le passé, il faut objectivement reconnaître que le film de Corneau est un gros plantage. Si le scénario, bien que désormais connu, reste efficace, et le message d’actualité (un gangster ne supporte pas la dérive de son milieu qui tend à un immoralisme absolu, à quoi fait écho une police où les cadres se méprisent également pour leur différentes méthodes, certains comme Blot mettant à profit leur clairvoyance, tandis que d’autres utilisent des méthodes de gangster, immorales, violentes et barbares), ce remake ne nous convainc jamais vraiment. Non pas que les intentions du réalisateur soient mauvaises, loin de là, mais ses partis pris semblent manquer cruellement de pertinence. A commencer par ce choix de resituer le film dans le Paris et le Marseille des années 60. Non pas que cela soit forcément une mauvaise idée, mais l’original ayant concerné et été tourné à la même époque, cela donne à ce remake un manque flagrant de personnalité et d’appropriation de la part du réalisateur qui reste trop dans les pas de son prédécesseur (certains plans semblent d’ailleurs copié/collé de l’original). Une réadaptation à notre époque ou dans une autre ville aurait pu donner ce petit sentiment d’originalité, cette personnalité qui fait cruellement défaut à ce film. D’autant que Corneau joue à fond la carte de la reconstitution, n’hésitant pas à accumuler les détails anachroniques, bagnoles américaines, costumes d’époque, femme fatale blonde platine (ça ne lui réussit pas, en plus, à Monica !), et par dessus le marché, des grandes tirades parsemées d’argot façon Audiard, qui sonnent particulièrement faux de nos jours. En ajoutant à cela la laideur des fusillades, pleines d’hémoglobine de synthèse, et dont les ralentis qui cherchent à étirer ces scènes comme un exercice de style, on obtient un film désuet, pour lequel on ne se passionne jamais. Ce qui est plus que regrettable pour un film d’une durée aussi longue (2h36 ! – soit douze minutes de plus que l’original), qui paraît de fait sur l’instant interminable.

 

« Il nous envoie un message : il assume ses actes et les revendiques. Noble attitude pour un homme perdu »

 

Monica Bellucci et Eric Cantona. 2007 ARP - Photos Jérôme PréboisPourtant, il y a quelques bons points à souligner dans la mise en scène de Corneau. On retiendra notamment les choix pertinents du réalisateur pour la lumière et la photographie, ces deux domaines étant particulièrement soignés et léchés. D’autant que Corneau n’hésite pas à mettre en valeur ces aspects techniques, qui contribuent à la qualité esthétique du film, qui reste tout à fait respectable. Le casting était également très alléchant, tant peu de films français cette année auront pu se prévaloir de réunir autant de noms prestigieux. Malheureusement, les résultats sont trop inégaux, et certains choix semblent discutables. Ainsi, Daniel Auteuil, qui se bonifie en vieillissant, supporte mal la comparaison avec Lino Ventura qui tenait son rôle dans la version d’origine et qui lui apportait toute son animalité. Monica Bellucci ne trouve pas non plus la solution pour rendre son personnage plus attachant. En outre, après sa prestation pour un rôle assez similaire dans le récent « Shoot’em up », on ne peut s’empêcher de ne pas être pleinement convaincu. Les bonnes surprises viennent donc d’un Michel Blanc retrouvé, qui maîtrise parfaitement la fêlure et le cynisme de son personnage, et d’un Cantona impressionnant, dont le physique et le caractère se marient parfaitement à ce genre de scénario. Dutronc et Duval, dans les seconds rôles, sont très convaincants également. Petite déception en revanche pour Nicolas Duvauchelle, Gilbert Melki, étrangement absent, et surtout pour Jacques Spiesser, qui n’arrive pas à donner de volume à un personnage déjà trop transparent.

 

« J’ai trop fait de prison, ça rend sauvage. Après, dans les ennuis, on ne supporte plus personne »

 

Nicolas Duvauchelle, Jacques Dutronc, Jacques Bonnaffé et Daniel Duval. 2007 ARP - Photos Jérôme PréboisFilm attendu à la sortie très médiatique, ce « Deuxième souffle » deuxième du nom faisait partie des gros films français de cette fin d’année. Malheureusement, Corneau, pourtant spécialiste en matière de films policiers, n’arrive jamais vraiment à s’éloigner de la version originale signée Jean-Pierre Melville et à s’approprier le scénario. De la pertinence discutable de certains partis pris rendant le film particulièrement désuet, à un casting alléchant mais inégal, Corneau signe probablement une des plus grosses déceptions de l’année. Autant le dire, si le scénario original garde un certain nombre de qualités, ce remake sans âme et sans surprise propose un spectacle fade durant plus de 2h30 durant lesquelles on s’ennuie ferme. Certes, une plus grande place aura été consacrée à l’histoire d’amour entre Manouche et Gu, et les sentiments amicaux auront également été plus développés, pour le plus grand plaisir de feu José Giovanni. Mais est-ce que cela méritait de faire un remake d’un film qui était déjà très réussi ?

 Daniel Auteuil et Michel Blanc. 2007 ARP - Photos Jérôme Prébois    Jacques Bonnaffé, Nicolas Duvauchelle et Gilbert Melki. 2007 ARP - Photos Jérôme Prébois



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S
Bah moi, j'ai adoré. Alors bien sûr, je n'ai pas vu le film de Melville, cinéaste que j'admire pourtant. Mais en tout cas, Corneau m'a bluffé par sa mise en scène réfléchie, soignée et qui sert remarquablement le récit et les personnages.
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B
En toute sincèrité, la bande annonce ne m'avait pas tellement incité à aller le voir, et franchement, content de te lire. Au suivant !
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