Dreamland
« Sois toujours là pour moi »
Première réalisation de Jason Matzner, petit génie venu de la pub, « Dreamland » avait tout du film indépendant US, labellisé « Festival de Sundance » : film a petit budget, montrant une autre Amérique, en marge du système, peuplé de paumés et de sans-avenirs marqués par de vraies fêlures. Metteur en scène novice, pas de noms ronflants à laffiche, toute petite diffusion (deux salles sur lensemble de la France), de quoi forcément aiguiser ma curiosité !
Réactions à chaud.
« Une seule chose surpasse le fait de sembrasser le premier soir : presque sembrasser le premier soir »
Lhistoire :
Nouveau-Mexique. « Dreamland » est un village perdu quelque part au milieu du désert. Dans cette étendue immense et poussiéreuse se sont regroupées de nombreux mobil homes, dans lesquels vivent tout un tas de personnages plus paumés les uns que les autres. Au milieu des joueurs de guitare et autres guetteurs dextraterrestres, vit Audrey, 18 ans, qui rêve de devenir écrivain. Elle vit (et soccupe de) avec son père, veuf inconsolable devenu agoraphobe, incapable de relever la pente et noyant son chagrin dans la bière. On y trouve également Calista, jeune fille de son âge, malade de sclérose en plaques, rêvant de devenir Miss America et qui sappuie sur sa meilleure amie tout en la culpabilisant. Dans cet univers bien tranquille débarque un jour une nouvelle famille, dont le fils, Mookie, va déstabiliser léquilibre ambiant, en révélant les pulsions et les désirs de chacune de deux jeunes filles
« Calista et toi vous emmêlez, moi je démêle »
Cest un bilan contrasté qui ressort du visionnage de ce « Dreamland ». Entre une histoire finalement assez peu originale (un univers trop paisible où lapparition dune personne révélant les désirs de tous va sortir tout le monde de sa torpeur et semer la pagaille : thème fréquent au cinéma, rappelant certains Chabrol, ou encore le récent et raté « UV »), et un manque daction chronique, « Dreamland » avait tout du film casse-gueule.
Pourtant, Matzner arrive à donner un petit quelque chose de plus qui permet au film de dépasser ce cadre. Peut-être ce plus se situe-t-il au niveau du portrait, sensible, des deux jeunes adolescentes quil filme avec beaucoup de tendresse et de justesse. Bien que leur quête de bonheur et les enjeux qui y sont liés puissent nous dérouter par leur futilité et leur vacuité, Audrey et Calista nous touchent par leur justesse, par leurs rêves de petites filles que la vie na pas gâté, et leurs aspirations de femmes. Peut-être est-ce aussi grâce à un scénario malin qui sintéresse à une autre Amérique, celle des loosers et des paumés, loin des super-héros et des manias de la finance quHollywood nous montre à longueur de temps. Peut-être est-ce enfin par la manière dont il filme ces décors si particuliers du désert du Nouveau-Mexique (un peu à la façon de Wim Wenders), ces grandes étendues désertes, ce ciel lourd si coloré, et cette chaleur étouffante qui plane dun bout à lautre du film.
Ce qui nempêche pas de regretter que le film soit si contemplatif, comme pour mieux souligner que laction se déroule à lécart de tout, là où il ne se passe rien. Lheure et demie se déroule alors sur un rythme beaucoup trop lent et sans réellement daction. Le happy-end final étant aussi un peu trop prévisible et inapproprié.
« Perdre la raison et la retrouver, cest presque la même chose »
Côté interprétation, la jeune Agnès Bruckner crève lécran, entre beauté incendiaire en devenir et la justesse de son jeu. Elle excelle dans ce rôle de grande adolescente à la fois rêvant du grand amour et se laissant culpabiliser par ses proches quelle porte à bout de bras. A ses côtés Kelly Garner est brillante aussi, parfaite dans son rôle de baby doll nunuche, blonde coconne mais pas si méchante. Cest de Justin Long que vient la déception. Si son rôle de catalyseur de désirs et de pulsions devait prendre les traits dun personnage solaire et incandescent, son physique ingrat et son manque absolu de charisme le mettent en porte-à-faux permanent. Grossière erreur de casting donc. On soulignera enfin la jolie performance du trop rare John Corbett.
« Je ne voulais pas te réveiller. Tu vas me manquer. On se reverra à Dreamland »
Avec son premier film, « Dreamland », Jason Matzner nous livre une uvre intéressante, bien que pas toujours maîtrisée et bien quun peu trop calibrée « cinéma indépendant US Sundance ». Malgré cela, ce film contemplatif, bien interprété, et dressant un portrait sensible dune Amérique en marge et de deux adolescentes un peu paumées, reste bien plaisant à voir.
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