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05 Aug

Le fantômes de Goya

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« Qui croyez-vous qu’il ait pris comme modèle pour peindre des anges ? Des catins. »

 

Sept ans (et son « Man on the moon ») qu’on attendait le retour de Milos Forman aux affaires. Celui qui s’était illustré en réalisant des grands films comme « Vol au-dessus d’un nid de coucou », apparaît toujours aujourd’hui comme l’un des derniers grands réalisateurs européens. Si le choix du sujet de son dernier film (les tourments du peuple espagnols de la reprise de l’Inquisition au renversement de la monarchie par les troupes Napoléoniennes, vus par trois personnages dont le peintre Goya), inspiré d’un roman de Jean-Claude Carrière, semblait prometteur, jamais un film de cet auteur n’aura suscité autant de polémiques. Recalé dans tous les festivals où il aurait du concourir, campagne de publicité limitée au strict minimum, et critique presse unanimement assassine, c’est donc avec beaucoup de pessimisme que je suis allé le voir. Réactions.

Studio Canal

 

« - Savez-vous combien de puissants ennemis vous avez ?

   - Heureusement, j’ai aussi de puissants amis »

 

L’histoire :

 

Espagne, 1792. L’Eglise s’inquiète d’un élan libertaire et critique envers le Clergé qui voit le jour suite aux idées des lumières et des grands philosophes, remettant en cause la supériorité de l’homme sur Dieu. En réponse à cela, elle décide de relancer de plus belle la terrible Inquisition. Alors que les arrestations et les tortures se multiplient, ils arrêtent la jeune et innocente Inès, fille de fortunés commerçants et modèle du grand peintre Goya. Alors que sous la pire des tortures celles-ci avoue être hérétique, Goya tente de soudoyer son ami, l’influent Frère Lorenzo, l’un des instigateurs du renouveau de l’Inquisition, pour la faire libérer. Mais contre toute attente celui-ci, fasciné par sa beauté, la viole dans les geôles. Quinze années plus tard, alors que l’Inquisition et la Monarchie tombent sous le joug des armées Napoléoniennes, le destin réunit de nouveau nos trois personnages pour les confronter aux tourments d’une nouvelle époque où finalement peu de choses ont changé.

Stellan Skarsgard. Studio Canal

 

« - Ma fille a été torturée ?

   - Non, elle a subi la question »

 

Milos Forman n’a pas forcément eu le nez creux en choisissant de mettre en scène un sujet aussi abscons. Car sur les deux heures de ce film interminable, on est frappé par le nombre d’histoires et de sujets qui sont abordés sans jamais être approfondis comme il se doit. Le principal défaut de ce film réside ainsi dans cette superposition de sujets effleurés et jamais étudiés qui jonchent un scénario bien mal découpé. Ainsi, quid du portrait politique de l’Espagne de la fin du XVIIIème siècle ? Et de la Sainte Inquisition qui y sévissait ? Et de la transition politique imposée par la campagne Napoléonienne ? Et plus que tout, en quoi tout cela a pu influencer l’œuvre de Goya ?

Natalie Portman. Studio Canal

Car d’après le titre du film, le fameux peintre espagnol devait être le personnage central. C’est bien lui d’ailleurs qui occupe le plus l’écran. Mais qu’en est-il de son œuvre ? Quelques tableaux apparaissent dans le décor, quelques gravures également. Et sans jamais nous apporter la moindre explication sur cet artiste à l’inspiration souvent sombre. On évoque vite fait un portrait sans visage. « Un fantôme » dixit le maître lui-même. Voilà à quoi se limitera la partie explicative concernant l’œuvre et les démons du peintre. Les personnages qui gravitent autour seront tout aussi effleurés, jamais creusés, et surtout flingués en raison d’ellipses scénaristiques desservant totalement le récit. Ainsi, de la jolie et innocente Inès on ne sait rien, on la voit se faire torturer, on devine un viol, et on la revoit quinze ans plus tard folle et flétrie. De même Lorenzo, salopard opportuniste, apparaît très virulent avant de disparaître et de réapparaître par magie. Les ellipses font apparaître des incohérences hallucinantes, et souvent déstabilisantes tant Forman oublie de nous apporter quelques précisions essentielles. Ainsi les parents d’Inès apparaissent assassinés sans que l’on sache comment ni pourquoi, la surdité de Goya arrive d’un seul coup sans qu’on nous explique pourquoi ni ce que cela eut comme influence sur sa vie et son travail, on ne nous donne pas non plus les conséquences de sa peinture ratée de la reine, ni de la séance de torture infligée à Lorenzo par la famille d’Inès (une des rares scènes vraiment réussies d’ailleurs). Ne cherchez pas non plus d’émotions, elles sont restés au placard, pour preuve, le vide émotionnel qui ressort des scènes qui auraient du nous troubler (l’exécution de Lorenzo, le viol d’Inès).

Javier Bardem. Studio Canal

 

« Je suis sourd à présent, mais tous les jours je remercie le Seigneur de ne pas m’avoir ôté la vue »

 

A cela ajoutons une mise en scène pas très inspirée, dans des décors et des costumes qui sont à la fois jolis sans être grandioses ou crédibles. Côté interprétation, là encore peu de choses à retenir. Stellan Sarsgard manque cruellement de présence et de charisme dans la peau de Goya. Pire, l’acteur suédois semble totalement absent. Javier Bardem ne serait pas mauvais mais, à l’instar de notre Depardieu dont il a un peu le physique, en fait des tonnes et des tonnes. Quand à la magnifique Natalie Portman, elle réalise une de ses premières contre-performances. Il faut dire que son maquillage excessif après quinze années de prisons est plus ridicule qu’autre chose.

Javier Bardem. Studio Canal

 

« Aucune liberté pour les ennemis de la liberté »

 

Milos Forman, cinéaste respecté s’il en est, réalise avec ces « Fantômes de Goya » son premier vrai ratage. Film mineur s’il en est, son dernier long souffre d’un scénario inconstant, inintéressant et mal découpé. Dans des décors peu convaincants et avec des acteurs peu convaincus, il n’arrive jamais à redresser la barre. On regrettera notamment l’absence de fil conducteur dans un récit beaucoup trop elliptique. On regrettera également un récit qui part dans tous les sens et qui aurait du laisser la place au portrait d’un peintre énigmatique, en proie à des sombres pensées, et qui derrière les apparences, remettait en cause toute autorité (ses gravures contre le Clergé, le portrait peu élogieux de la Reine). Un film bien raté, qu’il n’est pas nécessaire d’aller voir.



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A
Voilà c'est une belle explication de ses oeuvres noires. J'aime beaucoup ce peintre mais je l'aime encore plus aprés ce film. Et je suis attirée par son "mystère" avec la "laitière de Bordeaux" (considéré comme son dernier tableau) qui ressemble, effectivement, beaucoup à Natalie Portman. A y regarder plus prés, le tableau d'inès y fait d'ailleurs allusion.
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A
Au contraire, je l'ai beaucoup aimé. Les oeuvres de Goya sont, certes, en arrière-plan mais je trouve que le contexte explique en quoi il a influencé son oeuvre. Je me explique Goya dit lui-même, en parlant, de la flle d'Inès que son visage reste encore gravé dans sa mémoire et qu'il ne veut pas l'abandonner ENCORE (il fait, en fait, référence à Inès elle-même qui dont est un de ses fantômes) et quand à l'autre, il s'agit de Lorenzo (c'est lui l'autre fantôme et celui dont on voit le portrait. Inès elle-même semble le connaître lorsque Goya dit "he is a ghost", elle répond presque automatiquement "no, he isn't", elle suspecte sans doute quelque chose avec ce personnage.) Quand on voit Goya, faire le tableau de Lorenzo, on le reconnaît et quand on connaît la suite, on devine pourquoi Goya a effacé son visage, parce qu'il le hante. Il y a une chose qui m'a intrigué : on voit le portrait de Lorenzo "fini" (comprendre avec le visage effacé) vers le début du film quand le peintre fait celui d'Inés donc on en déduit que le second est plus récent que l'autre, alors comment Lorenzo peut-il voir celui d'Inès fini? Inversion de temporalité? Plongeon dans le surnaturel? Le film interroge est libre aux interprétations, ce que j'aime beaucoup.<br /> Quand au fait de changer de période et/ou de fil narrative, ce n'est pas un problème : on retrouve le fil narratif avec Inès et sa sortie de prison. On déduit que le troupe napoléoniennes sont arrivées et on exterminé la famille d'Inès. Pour Natalie Portman, faire une contre-performance, je ne crois pas : c'est au contraire, une de ses performances que j'ai le plus aimé : le déséspoir, ce personnage brisée (elle m'a assez crevé les tympans pour dire que ses scènes de prison sont réussies, xD) et ses scènes de folie sont superbes (notamment quand elle prend le bébé pour sa fille.) La dernière scène aussi est magnifiique. Et son deuxième rôle est un bon deuxiéme rôle qui cultive les ressemblances avec le premier au point qu'en ça en est troublant. On sent déjà l'actrice de "Black Swan", qui excelle dans les personnages déchirés et plongés dans la folie.
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B
C'est dommage, il y avait tout pour faire un super film sur une période importante et intéressante sur l'art, la politique, la religion et la philosophie. Sans oublier le riche panel d'acteurs. Un immense gachis
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