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20 Jan

La guerre selon Charlie Wilson

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« - Il n’emploie que des jolies femmes. C’est normal ?

   - Il a une formule : « on peut leur apprendre à avoir la stéréo, mais pas à avoir des nichons » »

 

Loin de tous les stéréotypes concernant les politiciens américains guindés de Washington, Charlie Wilson, représentant élu d’une circonscription texane, s’est au contraire toujours démarqué de ses collègues par son comportement débonnaire et son goût prononcé pour les femmes et l’alcool. Pourtant derrière ce caractère si peu formaté et ce petit parfum de scandale ayant tendance à ne pas le lâcher se cache en fait un fin tacticien politique, peu habitué à la langue de bois, et n’ayant pas peur des causes perdues d’avance. Et cela tombe bien puisqu’en plein milieu des années 80, alors que la guerre froide sévit encore et que l’URSS est en pleine invasion de l’Afghanistan, Wilson se fait sensibiliser à la cause par une de ses relations les plus influentes, Joanne Herring, richissime conservatrice texane, aussi dévote que courtisane, dont l’ambition première était de réduire à néant l’ennemi communiste. Prenant petit à petit connaissance du dossier, l’homme va y voir, au-delà de l’aspect humain, une façon de soutenir de manière indirecte la lutte contre le grand rival soviétique. Prenant conseil sur Avrakotos, espion de la CIA snobé par sa hiérarchie, il décide de mettre à profit ses contacts pour obtenir les fonds et les leviers nécessaires afin d’apporter un soutien militaire aux moujahidines…

 

« A l’armée, mon commandant disait que j’étais son meilleur officier à bord, et son pire officier au port »

 

Prise de conscience ou remise en cause collective de la vision américaine de la politique internationale, les films critiquant la diplomatie et la stratégie internationale US, notamment vis-à-vis du Moyen-Orient, se multiplient sur nos écrans depuis quelques mois. Après les récents « Le royaume », « Dans la vallée d’Elah », ou « Détention secrète », voici donc sur nos écrans le nouveau venu « La guerre selon Charlie Wilson ». Petite leçon d’histoire rappelant l’implication américaine en Afghanistan aux côtés des moujahidines dans les années 80, traitée sur un ton volontairement satyrique et ironique, ce film s’inspire du livre du même nom, écrit par George Crile et publié en 2003. Basé sur un personnage et des évènements ayant réellement existé, le récit s’intéresse à Charlie Wilson, élu Démocrate, représentant de la deuxième circonscription du Texas. Crile peut se vanter de livrer ici un portrait au plus proche de la réalité, puisqu’il a suivi régulièrement pendant près de dix années à compter de 1988 Charlie Wilson, notamment lors de nombreux déplacements dans le Golfe. Ce film marque le retour aux affaires de l’excellent Mike Nichols, qui a 77 ans n’a rien perdu de son mordant et de son goût pour les sujets polémiques. Réalisateur entre autres de l’inoubliable « Le Lauréat » (1968), son dernier film, le décevant « Closer », datait déjà de 2005. A noter également que George Crile et surtout Charlie Wilson ont participé à ce projet en tant que consultants. Nommé cinq fois aux derniers Golden Globes (meilleur film, meilleur acteur, meilleure actrice, meilleur acteur dans un second rôle, meilleur scénario), le film est reparti bredouille. En espérant mieux aux prochains Oscars où il devrait bénéficier de plusieurs nominations ?

 

« Tant qu’on parle de drogue et de sexe, la presse ne voit pas le porte-avion qui passe derrière »

 

Un peu lassé des films « engagés », pourtant souvent salutaires et pleins de bonnes intentions, « La guerre selon Charlie Wilson » surprend par son ton et son regard volontairement humoristique et léger tant sur le personnage de Charlie Wilson que dans son implication dans ces évènements. On est tout d’abord surpris par la personnalité haute en couleurs de Charlie Wilson, allant à l’encontre du portrait du politicien moyen siégeant à Washington. Gaffeur et débonnaire, celui qui passerait au prime abord pour un élu texan moyen, plouc, idiot et conservateur, et pratiquant un fort clientélisme, cache en fait une personnalité beaucoup plus complexe et intéressante, doté d’un incroyable talent de stratège politique, tant dans sa faculté inouïe à développer son réseau de relations, que dans sa force de conviction, basée sur les services rendus aux autres et pour lesquels ceux-ci lui sont redevables. Si le portrait est atypique et intrigant, on pourra peut-être regretter une certaine forme d’auto complaisance dans la manière de le présenter. Néanmoins, ce portrait n’est que le prétexte pour entamer une critique acerbe et violente à l’encontre de la politique étrangère menée par les différentes administrations américaines depuis plusieurs décennies. Dans le contexte particulier de la guerre froide, ce film se fait un malin plaisir à nous rappeler le rôle joué par les USA dans le financement et l’armement des moujahidines, qui deviendront plus tard, du moins en partie, les talibans. A travers le récit de ces évènements et des manœuvres amorcées par Wilson, c’est donc la critique de la politique étrangère menée depuis très longtemps par les USA : une politique dont les visées sont toujours à court terme (en l’occurrence la défaite de l’URSS), sans questionnement moral ni prospectives (ils financent et soutiennent inconditionnellement ceux qui se retourneront finalement contre eux et qui deviendront à leur tour l’ennemi n°1), débloquant des moyens disproportionnés, et sans assurer de service après-vente une fois le problème initialement réglé. A ce titre, comment ne pas sourire devant l’ironie de cette scène où la commission de défense à laquelle Wilson siège et qui a débloquée sans rechigner quelques 500 millions de dollars pour armer les afghans, refuse après la défaite soviétique de débloquer un million pour la reconstruction des écoles afghanes ? Derrière son humour décalé, Nichols nous rappelle la part de responsabilités des Etats-Unis qui ont aidé au développement et à l’armement des groupes extrémistes religieux devenus depuis leurs ennemis numéro un, auteur de l’attaque la plus traumatisante de leur histoire. Une vérité édifiante et horrifiante.

 

« -    Quelle est la stratégie américaine en Afghanistan ?

-         On s’y attèle

-         Qui c’est « on » ?

-         Moi. Avec trois autres gus »

 

Le traitement d’un tel sujet avec un regard et un ton si ironiques et décalés était en soi un projet difficile et délicat. Le moins que l’on puisse dire c’est que Mike Nichols a relevé le défi avec beaucoup de talent. Sa mise en scène, malgré tout relativement classique, arrive à trouver son rythme et le parti pris de sobriété permet de mettre en valeur les dialogues et les bonnes réparties qui font tout le sel de ce film. Mais plus que tout, le film jouit d’une interprétation impeccable, porté par des vrais acteurs de composition. Tom Hanks retrouve ici un rôle à sa mesure (après s’être égaré dans le déplorable « Da Vinci Code »), imposant toute son intelligence et sa subtilité à ce personnage au comportement de cow-boy macho. Tout aussi génial, Philip Seymour Hoffman est à créditer d’une nouvelle grande interprétation. Les seconds rôles féminins, de Julia Roberts à la prometteuse Amy Adams, sont également au diapason, entre ironie et glamour.

 

« Ces évènements ont vraiment eu lieu. Ils ont contribué à changer le monde. On a juste merdé en fin de partie… »

 

Au final, « La guerre selon Charlie Wilson » se révèle être une très bonne surprise. Un peu dans la même veine que « Lord of war », entre comédie et récit satyrique critiquant les politiques étrangères menées à l’emporte-pièce par les USA, Nichols nous offre un film truculent et intelligent, qui contribue également à renouveler un genre qui commençait à saturer de productions bien intentionnées mais trop formatées et trop lisses. On pourra peut-être reprocher à Nichols un portrait de Charlie Wilson trop complaisant (il est à l’origine de toutes les augmentations de crédits gigantesques pour l’armement de la résistance afghane, mais sort blanc comme neige de l’histoire, n’ayant pas été suivi sur les financements pour accompagner la reconstruction du pays…mouais…), mais la force du message qui passe derrière en filigrane rachète parfaitement l’ensemble. Une belle réussite.



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