Inspecteur Lavardin
« Ma chère sœur, le veuvage te vas à merveille : tu n’as jamais été aussi jeune et belle ! »
Le repas familial d'un écrivain catholique, Raoul Mons, est interrompu par une délégation de la ville qui veut faire interdire une pièce de théâtre blasphématoire. Il promet de s'en occuper. La pièce n'aura pas lieu.
Peu de temps après, Raoul Mons est retrouvé mort, nu, sur la plage. L'Inspecteur Lavardin est appelé sur les lieux. Il va enquêter. Très vite, il découvre que la veuve de la victime n’est autre que son amour de jeunesse…
« Ses pinards sont bien meilleurs que ses bouquins ! »
De la longue et prolifique carrière de Claude Chabrol, on retiendra trois choses : son humour mordant, son goût pour les intrigues policières bien ficelées et sa façon corrosive de brocarder les travers et les mœurs de la bourgeoisie de province. Enchainant ainsi les succès durant les années 60 et 70, le réalisateur a plus de mal à se renouveler durant les années 80, qui ne seront pas ses années les plus fastes. Toutefois, après le succès relatif des « Fantômes du chapelier », Chabrol se lance dans une nouvelle aventure en créant le personnage de l’inspecteur Jean Lavardin. Ecrit sur mesure pour Jean Poiret, ce personnage de vieux briscard fort en gueule et de fin limier au flair imparable semble tout droit sorti d’une certaine littérature policière populaire un peu datée, rappelant par exemple les romans de Charles Exbrayat. Intronisé en 1985 par « Poulet au vinaigre », le personnage sera appelé dès l’année suivante pour une nouvelle aventure : « Inspecteur Lavardin ». Avant de se voir consacrer une mini série de quatre épisodes pour la télévision, « Les dossiers secrets de l’inspecteur Lavardin », toujours interprétée par Jean Poiret et mise en scène par Claude Chabrol et Christian de Chalonge.
« Je ne veux pas être vulgaire, mais votre studio ressemble plus à un bordel qu’à une tasse à café ! »
On l’avait laissé du côté de la Haute-Normandie (« Poulet au vinaigre »). C’est cette fois en Bretagne, du côté de Dinan, qu’on retrouve l’inspecteur pour sa seconde aventure cinématographique. Contrairement au premier épisode, dans lequel il n’apparaissait qu’au bout de trois quart d’heure, il apparait cette fois en moins de dix minutes. Toujours avec son incomparable verve et ses mauvaises manières, mais flanqué cette fois d’un adjoint un peu trop mou qu’il se plait à appeler Watson. Si Chabrol poursuit avec Lavardin son exploration des mœurs de la bourgeoisie et des notables de province (avec cette fois un écrivain catholique intégriste rattrapé par son gout pour les jeunes filles), la grande nouveauté de cet épisode, c’est que l’inspecteur enquête en terrain familier puisque la veuve de la victime n’est autre que son ancien amour de jeunesse. Un peu datée, l’enquête ne brille pas nécessairement par son machiavélisme ni par sa logique. Toutefois, le film rayonne par ses dialogues bien ciselés et ses échanges souvent savoureux. En la matière, il bénéficie d’acteurs impeccables (Jean Poiret en tête, mais aussi Jean-Claude Brialy, toujours génial en cabotin, ou encore Jean-Luc Bideau), qui donnent lieu à très bons face-à-face. Empruntant dans la forme quelques « trucs » à Hitchcock (la thématique des yeux en verre), Chabrol livre une réalisation très maitrisée. Si on aime toujours autant le côté fouineur de Lavardin ainsi que sa conception de la morale (il n’arrête pas la véritable criminelle mais l’insupportable mafieux local), on regrettera cependant que l’enquête ne soit pas plus limpide (quel intérêt les rencontres impromptues de l’adolescente avec son père que l’on croyait disparu ?) et que le personnage de Bernadette Lafont ait été un peu sacrifié. En-deçà du premier volet, cet « Inspecteur Lavardin », s’il a vieilli, se révèle tout de même un agréable polar à l’ancienne. A voir, donc, notamment pour la composition de l’immense Jean Poiret.
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