Le jardin des Finzi Contini
« - Comment serais-je vieille ? Comme Mama Josette ?
- Qui vivra verra »
Inspiré du roman de Giorgio Bassani, « Le jardin des Finzi Contini » est un film italien, réalisé en 1970 par le grand Vittorio de Sica. Grand acteur et surtout grand réalisateur italien, à qui lon doit notamment le mythique « Voleur de bicyclette », ce « Jardin des Finzi Contini » a la réputation dêtre lune de ses meilleures réalisations. Lours dor du festival de Berlin en 1971 et lOscar du meilleur film étranger 1972 sont dailleurs là pour attester du succès critique de ce film. Sa réédition cet été, en copies neuves et restaurées, était donc loccasion de me faire ma propre opinion sur ce film grave traitant des amours de jeunesse et de la déportation des juifs italiens. Avec trente-sept ans de retard, retour sur un film sensible et difficile.
« On a pas été persécuté en premier, mais on a rien fait quand notre tour est venu »
Lhistoire :
Ferrare, Italie, 1938. La jeunesse dorée vit dans linsouciance la plus totale, malgré la guerre qui sannonce à grands pas, au même titre que les restrictions et les lois raciales. Ainsi, comme les club de tennis local vient dêtre interdit aux juifs, une partie des jeunes habitués se retrouvent dans chez les Finzi Contini, vieille famille juive richissime, propriétaire dun gigantesque et magnifique parc avec un terrain de tennis. Entre idylles naissantes, désirs des uns pour les autres, et insouciance de la jeunesse, un petit groupe de jeunes adultes sy retrouve de plus en plus souvent, à labri derrière ses murs de la vie et de ses incertitudes. Pour Giorgio, cest aussi loccasion de passer du temps avec son amie denfance et ôte, Micol, dont il est éperdument amoureux. Malheureusement pour lui, il ne semble pas y avoir réciprocité dans les sentiments
« Que te dire de plus ? Je nai pas réussi à te convaincre de me laisser taimer. Je ne vaux pas grand chose. Sil devait tarriver quelque chose, se sera de ma faute »
Ce « Jardin des Finzi Contini » surprend réellement les spectateurs et ce à plusieurs degrés. Ce qui frappe en premier lieu cest la relative légèreté du récit, qui sattache dabord aux destins de deux individus et qui devient de plus en plus grave au fur et à mesure que le film avance et quil s'élargit au destin de lItalie et de sa population juive. Ainsi, on est surpris par les premiers émois de Georgio pour la belle Micol qui semblent tout à fait niais et mièvres. Mais ce procédé permet de mettre en avant la jeunesse et linsouciance des protagonistes comme pour mieux faire ressortir la cruauté du monde qui les entoure et qui doit inéluctablement les conduire à leur perte.
La deuxième surprise réside dans la mise en scène. De Sica oppose systématiquement les scènes dans le fameux jardin à celles se déroulant à lextérieur. Pour les scènes dans le jardin, il y a ainsi un gros travail sur la photographie et les couleurs. Les personnages sont particulièrement mis en valeur dans une lumière abondante et irréelle, exaltant leur beauté et leur jeunesse. Dans un climat dun calme olympien, le réalisateur les filme avec beaucoup de sensualité, comme pour mieux faire ressortir les désirs latents des uns pour les autres.
Ces scènes sopposent fortement avec celles qui se déroulent en dehors du jardin, où la foule y est nombreuse et oppressante, où les couleurs sont ternes, et où règne un climat lourd dinsécurité et de tensions ramenant à la réalité dune période incertaine et violente.
Enfin, le film est surprenant par la non-linéarité de son récit. Entre flashbacks et temps présents, De Sica impose également des grosses ellipses, qui rendent souvent lhistoire un peu confuse, mais qui créent une unité de temps qui lui est propre et qui devient vite ensorcelante. On ne retiendra pas forcément la qualité de linterprétation qui de manière générale est assez décevante, Dominique Sanda en tête, si ce nest celle de Lino Copolicchio dans le rôle principal. On retiendra en revanche quelques images fortes, comme lenterrement du jeune frère de Micol, et la procession juive qui se dirige en plein bombardement vers le cimetière juif de la ville, avec, une fois le cortège disparu dans le cimetière, un gros plan sur létoile de David qui orne le mur, annonciateur dune cataclysme imminente. Bouleversant.
« Pour comprendre comment ce monde marche, il faut mourir au moins une fois. Mieux vaut mourir jeune, ça laisse le temps de ressusciter »
Ce film a le mérite dévoquer une page dhistoire assez méconnue de lItalie Fasciste. Entre humiliations et privations successives et progressives, De Sica happe ses spectateurs progressivement les menant avec une légèreté qui semble déplacée vers un final que lon sait inéluctable et qui en paraît dautant plus cruel et douloureux. On pourra lui reprocher une certaine lenteur dans son récit et des passages trop elliptiques qui déroutent un peu trop lattention des spectateurs. Néanmoins, De Sica signe ici un grand film, poignant et bouleversant.
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