L'étrange affaire Angelica
« Notre mère veut garder un dernier souvenir delle »
Une
nuit, Isaac, jeune photographe et locataire de la pension de Dona Rosa à Régua,
est appelé durgence par une riche famille afin de faire le dernier portrait de
leur fille Angélica, une jeune femme morte juste après son mariage.
Dans la
maison en deuil, Isaac découvre Angélica et reste sidéré par sa beauté.
Lorsquil porte à son oeil lobjectif de son appareil photo, la jeune femme
semble reprendre vie, pour lui seul. Isaac tombe instantanément amoureux
delle.
Dès lors, Angélica le hantera nuit et jour, jusquà lépuisement.
« Elle est si belle, si sereine, on croirait quelle est encore en vie »
Du
haut de des 102 ans, le portugais Manoel de Oliveira est (de loin) le cinéaste
le plus âgé (encore) en activité. Une réalité des plus honorables. D'autant que
ce dernier semble avoir trouvé dans le cinéma le secret de sa longévité, une
sorte de deuxième souffle qui lui permet de réaliser avec la régularité d'un
métronome au moins un film par an. Présenté à Cannes (en compétition à
« Un certain regard »), « Létrange affaire Angelica »,
dont il a écrit le scénario en 1952, est une fable onirique dans laquelle un
photographe tombe éperdument amoureux de la défunte quil a photographié et qui
lui sourit par le prisme de son objectif. Cet impossible union entre l'amour et
la mort est un thème qui a toujours fasciné les cinéastes, donnant lieu à
quelques chefs d'uvre comme « L'aventure de Madame Muir » de
Mankiewicz ou encore « Les noces funèbres » de Tim Burton.
« Le plus étrange cest son changement dattitude depuis quil est allé
photographier cette jeune femme »
Hélas, le cinéma de Oliveira a l'âge de ses artères. A limage de ses plans fixes d'un autre âge et de son absence de mouvements de caméra, il se révèle extrêmement rigide, souffrant dabominables lenteurs et dabsences répétées. Même ses « effets spéciaux » semblent avoir 102 ans. Comme sils sortaient tout droit dun film de Méliès. Le héros aussi, derrière lequel transparaît le réalisateur lui-même, se révèle être un anachronisme, avec ses costumes des années 50, son goût pour le travail « à lancienne » (interminable scène de labourage dun vignoble) et ses appareils photo préhistoriques. Se perdant en dinénarrables digressions (léchange à table avec les ingénieurs et le professeur) et en vagabondages dun autre âge (peinture dune aristocratie qui traite le peuple comme leurs vassaux, running gag du mendiant à la sortie de léglise), le réalisateur en oublie surtout trop souvent son sujet principal : lobsession du photographe pour son défunt modèle. Sans queue ni tête, « Létrange affaire Angelica » se perd constamment dans le vide, à limage du regard désincarné de son héros. Oliveira nous promettait un rêve éveillé, son film à dormir debout savère au final soporifique.
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