La femme du Vème
« Vous me rappelez mon mari : comme vous il était écrivant. Et pas très heureux. »
Tom Ricks, romancier américain, la quarantaine, vient à Paris dans l’espoir de renouer avec sa fille. Mais rien ne se passe comme prévu : démuni, logé dans un hôtel miteux, il se retrouve contraint de travailler comme gardien de nuit. Alors qu’il croit toucher le fond, Margit, sensuelle et mystérieuse, fait irruption dans sa vie. Leur relation passionnée déclenche une série d’évènements inexplicables, comme si une force obscure prenait le contrôle de sa vie.
« Tu as la même vue que moi. Je savais que nous partagions la même vision du monde »
Il n’aura fallu qu’une décennie à Douglas Kennedy pour s’imposer comme l’un des auteurs les plus populaires et les plus lus des deux côtés de l’Atlantique. Pas étonnant, donc, que le cinéma s’intéresse à son œuvre. Et plus encore le cinéma français, puisque le romancier américain vit en Europe (plus précisément entre Paris et Londres) depuis plus de trente ans. Ainsi, après Eric Lartigau qui adaptait l’an passé « L’homme qui voulait vivre sa vie », place cette fois à Pawel Pawlikowski qui se risque à adapter « La femme du Vème » (publié en 2007), réputé pour être le roman le plus étrange et le moins accessible de l’auteur.
« C’est comme si mon vrai moi était ailleurs, recevant un prix honorifique ou regardant sa femme s’habiller pour aller assister à un récital de piano de notre fille, et que le moi d’ici n’était qu’un double triste »
On ne peut pas dire de Pawel Pawlikowski qu’il est un débutant. En effet, cet ancien documentariste a tout de même réalisé une poignée de films ces dix dernières années (dont le dernier en date, « My summer of love » sorti chez nous en 2005), pour la plupart restés (très) confidentiels. Pour autant, le choix d’adapter « La femme du Vème » était peut-être un défi un peu trop ambitieux. Roman kafkaïen, « La femme du Vème » est en effet une œuvre troublante et mystérieuse, sorte de vertigineuse descente aux enfers jusqu’aux limites de la folie, tirant son originalité de ses accents fantastiques et surnaturels. Tout en prenant beaucoup de libertés par rapport au texte originel dont il refuse d’être l’otage (notamment en zappant les raisons de l’arrivée du héros à Paris et les raisons pour lesquelles il ne peut pas voir sa fille), Pawlikowski réussit plutôt bien à recréer cette atmosphère oppressante et anxiogène, en s’appuyant notamment sur le jeu puissant et parfait de ses comédiens (notamment Ethan Hawke, qui nous surprend dans un rôle en français). Loin des décors de carte postale auxquelles nous habituent trop souvent les réalisateurs étrangers, le cinéaste choisit comme dans le roman des décors parisiens inhabituellement glauques, à l’image du bouge dans lequel vit le héros. De ce fait, chaque apparition de Margit n’en est que plus lumineuse et plus sensuelle. Pourtant, très vite, le film patine. Perdant peu à peu le fil de l’intrigue, le spectateur hébété se retrouve avec en tête une foule de questions : Qui a bien pu tuer le voisin rappeur ? Qui a enlevé la petite fille et pourquoi ? Et qui peut bien être cette femme du Vème – un fantôme ou un fantasme ? – qui lui murmure inlassablement qu’il « ne sait pas ce dont il est capable » ? Une sorte de labyrinthe mental très intrigant dont seul le réalisateur à la clé. Manque de bol, il a oublié de nous en laisser un jeu.
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