La leçon de piano
Un grand merci à Cinetrafic et à TF1 Vidéo pour m’avoir permis de réaliser la chronique du blu-ray de « La leçon de piano » de Jane Campion.
« Le silence finit par affecter tout le monde. Ce qui est étrange c’est que je ne me sens pas silencieuse. A cause de mon piano »
Au siècle dernier en Nouvelle-Zélande, Ada, mère d'une fillette de neuf ans, s’apprête à suivre son nouveau mari au fin fond du bush. Il accepte de transporter tous ses meubles à l'exception d'un piano qui échoue chez un voisin illettré.
Ne pouvant supporter cette perte, Ada accepte le marché que lui propose ce dernier. Regagner son piano touche par touche en se soumettant à ses fantaisies. Palme d'or et prix d'interprétation féminine à Cannes en 1993.
« Elle a dit laisse-moi partir. Laisse Baines me sauver. Je veux me réveiller et croire que tout cela n’était qu’un rêve »
Un paysage glacial. Une bande d’hommes grossiers et patibulaires, déchargeant sur une immense plage déserte et brumeuse leur étrange cargaison : une mystérieuse femme muette, sa jeune fille et son immense piano. Elle a perdu la parole depuis longtemps. Tout juste sait-on qu’elle est veuve et que son père l’a mariée à un colon du coin qu’elle n’a jamais vu. Mais après s’être fait longuement attendre, celui-ci refuse d’emmener le piano. En quelques plans, Jane Campion plante son décor froid et austère. A priori, la ballade en pays Maori à laquelle elle nous convie ne sera pas très attrayante. Pourtant, comble du paradoxe, la cinéaste va signer ici une grande fresque romanesque, passionnelle et passionnée. Enorme succès critique et public de l’année 1993, « La leçon de piano » va en effet briller dans tous les festivals où il sera présenté, récoltant notamment trois Oscars (dont meilleure actrice et meilleure actrice dans un second rôle pour Holly Hunter et Anna Paquin) et la Palme d’Or cannoise (ex-æquo avec « Adieu ma concubine » de Chen Kaige). Spécialiste des films romantiques et des relations originales, la cinéaste néo-zélandaise filme ici un étrange triangle amoureux, au centre duquel un piano, qui remplace les mots que l’héroïne ne peut physiquement prononcer, va cristalliser les passions. Tandis qu’il se met en travers de la relation à son nouveau mari, représentant leur incapacité à communiquer et à se comprendre, le piano devient un vecteur de sensualité et de séduction auprès de Baines, le mystérieux voisin qui vit parmi les Maoris. C’est là que bat le cœur du film de Campion. Dans ce jeu permanent sur les non-dits et le décalage entre apparence et réalité. Ainsi, le mari, lettré et respectable, n'en demeure pas moins un être borné et méchant (la fameuse scène de la hache est l'une des plus cruelle vue au cinéma) quand Baines, le voisin illettré et d'apparence rustre, est un être doué d’une grande sensibilité, succombant tant au charme de l'héroïne qu'à sa musique qu'elle utilise comme unique moyen d'expression. Cinéaste du romanesque, Campion filme ici avec la plus grande délicatesse une passion ardente, magnifiée par le jeu très sobre et pourtant très intense de ses comédiens. Elle offre également à Holly Hunter un magnifique rôle de femme en quête de liberté et d'épanouissement. Un film à la fois beau et triste auquel on pourra peut-être seulement reprocher son symbolisme un peu trop poussé (la chute par le fond du piano, les ailes blanches de l'enfant...).
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