Le convoi des braves
« Vous préférez miser sur des cartes alors que des centaines de braves gens ont misé leur vie sur vous ? »
Dans les années 1870, deux jeunes maquignons acceptent de conduire un convoi de mormons vers la vallée de San Juan dans l’Utah.
C’est vers cette "Terre promise" qu’ils souhaitent se rendre avec leurs biens et leurs aspirations afin d’y fonder une nouvelle colonie.
Au cours de leur odyssée, ils vont devoir affronter maintes péripéties et accueillir, au sein de leur communauté assez stricte, de pathétiques saltimbanques et de cruels hors la loi.
« Le Seigneur n’a pas mis ces gens sur notre route par hasard. Et il serait mécontent que nous contrecarrions ses plans »
Spécialiste toutes catégories du western, le prolifique John Ford consacre la fin des années 40 à la réalisation de sa trilogie dite de la cavalerie. Un chantier de longue haleine, qui comprend « Le massacre de Fort Apache » (1948), « La charge héroïque » (1949) et « Rio Grande » (1950). Des films âpres entre lesquels il réalise des films plus légers. Intercalés entre les deux derniers épisodes de sa trilogie, il réalise successivement « Planqué malgré lui » et « Le convoi des braves ». Écrit avec son fils et son scénariste attitré, ce dernier lui permet de retrouver ses acteurs fétiches (à l'exception notable de John Wayne) qui l'ont accompagné sur sa trilogie pour un projet a priori plus divertissant. Autour de l'indéboulonnable Ward Bond, il donne les rôles principaux aux deux jeunes de la bande, jusqu'ici cantonnés aux seconds rôles: Ben Johnson, un ancien cascadeur qui obtiendra plus tard un Oscar pour son rôle dans la « Dernière séance » de Bogdanovic, et Harry Carey Jr., fils d'une star du muet qui fut un grand ami de Ford.
« Cet indien que les hommes blancs sont des voleurs. Il est moins bête qu’il n’en a l’air »
Après la rugosité de sa trilogie de la cavalerie, Ford s'offre une petite recréation avec ce « Convoi des braves », qui, en dépit d'une scène d'ouverture qui se conclut par un meurtre, adopte vite une tonalité assez légère. A l'image du gag du sifflet qui rend fou le cheval du shérif qui se retrouve ainsi désarçonné. Très vite on craint même le pire quand le film nous présente ses jeunes héros tels de grands adolescents droits dans leurs bottes, qui ne fument et ne boivent pas, et qui prennent à cœur de guider à bon port le convoi de gentils pionniers mormons. Mais le cinéma de John Ford n'a jamais laissé la place à la niaiserie, pas plus qu'à la morale bien pensante. En bon routier du genre, il attend ainsi de perdre sa caravane dans le désert pour faire apparaitre les obstacles et faire monter la tension. Celle-ci viendra d'une bande de hors la loi qui prendra en otage le convoi pour mieux échapper à la traque du shérif. Le dénouement, d'une belle efficacité, tiendra toutes ses promesses. Mais c'est surtout par son discours que le film demeure marquant. En présentant le véritable danger comme venant de l'homme blanc, cupide et vil, et non de l'indien, ici plutôt pacifique, Ford prend tout son petit monde à contre pied. Et se révèle d'une incroyable modernité pour l'époque.
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