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29 Nov

Lions et agneaux

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films Politiques-Historiques

« On est pas sur un pied d’égalité dans ce pays. Sauf en cas de conscription »

 

Twentieth Century Fox FranceAfghanistan. Une nouvelle stratégie militaire est lancée, visant à contrôler les hauteurs enneigée d’une région isolée pour mieux combattre les talibans. C’est dans ce contexte qu’un hélicoptère de transport de troupes est violemment attaqué. Une attaque durant laquelle deux jeunes soldats, amis de longue date, se retrouvent éjecté et perdu au milieu d’un nulle part enneigé. Pendant ce temps, à Washington, un sénateur conservateur aux dents longues invite une journaliste dans son bureau pour lui annoncer le lancement de cette nouvelle offensive en Afghanistan. Il la sait plutôt hostile à ses idées, mais il veut lui vendre, par un numéro de charme et force, cette nouvelle politique et militaire faite dans la l’intérêt de la nation et du peuple afghan. Enfin, en Californie, un professeur universitaire de sciences politiques reçoit un étudiant avant ses cours. Ce dernier, blasé, et dont il a détecté le potentiel, est en train de se saboter. Il tente de lui faire entendre raison en lui racontant l’histoire de deux de ses anciens élèves, qui, loin de son enseignement, ont préféré s’engager pour combattre en Afghanistan. Six destin, six visions du monde, tous engagés directement ou indirectement dans la tragédie américaine de la guerre contre le terrorisme.

 

« Durant la première guerre mondiale, un général allemand écrivit à propos du courage des fantassins anglais : « je n’ai jamais vu de tels lions menés par de tels agneaux ». Ça n’a jamais été autant d’actualité. »

 

Meryl Streep et Tom Cruise. Twentieth Century Fox FranceTrès en vogue, les films critiquant la politique étrangère américaine, notamment dans la guerre contre le terrorisme engagée au lendemain du tragique 11 Septembre, se multiplient sur nos écrans. Remise en cause du pouvoir, du gouvernement, et de l’action militaire menée, prise de conscience collective, l’industrie américaine du cinéma aura laissé une place à des films très critiques. Amorcée par le « Syriana » de Gaghan (2006), cette vague de films critiques monte aujourd’hui d’un ton avec des films récents comme « Le royaume » de Berg ou « Dans la vallée d’Elah » de Haggis, en attendant la sortie de « Redacted » de De Palma. Pas étonnant dans ce contexte de trouver Matthew Michael Carnahan comme scénariste à la base du projet, ce dernier ayant déjà signé le scénario du « Royaume ». Un scénario qui était prévu à la base pour le théâtre avant que l’orientation cinématographique lui soit préférée. Pas étonnant non plus de retrouver aux mannettes de ce film le toujours fringant Robert Redford, connu pour ses positions politiques démocrates, pacifistes et humanistes, et qui est un des fers de lance de la contestation du pouvoir actuel dans le milieu du cinéma américain. « Lions et agneaux » est sa septième réalisation (on lui doit notamment « Et au milieu coule une rivière » en 1993, et « L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » en 1998), marquée par ses retrouvailles avec Meryl Streep, avec qui il formait le duo mythique de « Out of Africa » de Pollack (1986).

 

« Si je croyais que cette guerre était juste, je serais derrière vous. Mais c’est une pure folie. Ces gens qui ont voulu la guerre ne savaient pas la faire »

 

Film choral et engagé, « Lions et agneaux » est avant tout un portrait acide de la société américaine actuelle. Vu au travers du prisme de six personnages dont les destins en temps réel s’entrecroisent et s’entrecoupent, influant indirectement les uns sur les autres, Redford démontre l’imbrication des destins, et l’importance des décisions et des actes de chacun. Car c’est bien d’engagement dont il est ici question. Et Redford y vas méthodiquement, dénonçant d’abord et successivement les positions et les décisions prises par le gouvernement, ainsi que l’incompétence des gouvernants, prêts à sacrifier quelques centaines de vies en plus à des fins électorales. A cela s’ajoute le rôle des médias, devenus vendeurs d’informations filtrées et orientées, qui ne joue plus son rôle d’analyse et d’éveil des consciences mais bien celui de manipulateur des masses. En bas de l’échelle, le réalisateur n’oublie pas de s’en prendre à la conscience de chacun, des simples individus qui par manque d’interrogation ou de recul, soutiennent directement (en s’engageant dans l’armée) ou indirectement (par leur passivité, en soutenant tacitement les actions du gouvernement) les désastres d’une guerre injuste. Plus clément envers les individus, Redford n’hésite pas non plus à lancer une critique sociale démontrant également que ce sont pour beaucoup les personnes issus des milieux les plus modestes ou des communautés les plus défavorisées qui hésitent le moins à s’engager, espérant trouver sur place un statut de vétéran qui leur apportera ensuite la reconnaissance et la considération auxquelles ils n’avaient pas eu droit jusqu’ici. Sur le fond, c’est un énorme pavé que Redford jète dans la marre, abordant énormément de thèmes en un format assez court de 1h30. Dommage cependant qu’il ai choisi un mode aussi didactique et bavard pour mené sa démonstration qui souffre franchement d’un manque de rythme, d’action, de tension et de souffle dramatique.

 

« - Une victoire serait bonne pour votre parti…

   -  Nous sommes le parti de la sécurité. Celui qui a assez de tripes pour dire aux tyrans du monde entier que nous finirons les guerres »

 

Le scénario de Carnahan était destiné à la base au théâtre et cela se ressent. La succession des scènes qui s’entrecroisent, articulées autour de duo de personnages, vient judicieusement articuler les propos de la scène précédente (les soldats qui finissent par mourir, le sénateur qui avoue ne pas être intéressé par une candidature présidentielle quand le professeur affirme à son élève que les ambitions présidentielles des politiciens se cachent toujours derrière des affirmations contraires à la presse). Bien construit, il n’oublie pas de se montrer acide en évoquant un grand nombre de problème. Et en cela, le film aura certainement une autre répercussion aux USA, où le film parlera certainement davantage aux spectateurs, et aura pour but de sensibiliser les consciences sur la politique du gouvernement et sur le manque d’objectivité d’une partie des grands médias. D’une sensibilité européenne, si on ne pourra que saluer la démarche et le message délivré par le film, on ne pourra aussi s’empêcher de le trouver trop scolaire pour vraiment passionner. Et c’est d’ailleurs ce qui surprend le plus quand on connaît le goût de Redford pour les belles mises en scènes et pour les photographies soignées, tant ce « Lions et agneaux » est sobre et appliqué. Reste les comédiens. Et franchement, le duo Steep/Cruise est de loin le plus intéressant. Dans une partie proche du combat, où les armes sont la manipulations, l’éloquence, le charme, et le charisme, les deux acteurs livrent un numéro de haut vol. Derrière Redford et le jeune Garfield, dans le numéro de l’élève et du philosophe, se montrent plus bavards et appliqués tout en assurant une très honnête partition. Plus caricatural, le dernier duo Pena/Luke se montre quand même moins intéressant que les deux premiers cités.

 

« Rome brûle. Le problème ne concerne pas ceux qui y ont mis le feu, mais ceux qui ne feront rien pour l’éteindre »

 

Film politique, volonté de critiquer et de sensibiliser les consciences américaines au bien-fondé des guerres menées contre le terrorisme, on ne pourra que saluer la démarche de Redford et de Carnahan. D’autant que ce film reste porté par des grands comédiens Meryl Streep, Tom Cruise, et Robert Redford, qui livrent ici une belle performance. Tout juste pourra-t-on reproché à ce film son manque de souffle et de tensions, qui le limite souvent à un bavardage scolaire et théâtral, assez éloigné des réalisation plus soignées auxquelles nous avait habitué Robert Redford. Mais l’intérêt et l’ambition du film sont ailleurs, dans un message politique visant à toucher les spectateurs américains et à réveiller les consciences de certains d’entre. Nécessaire donc.



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