Passe-Passe
« Tes quun rêveur Darry, un danseur. Tes comme ta mère et ta sur : un bon à rien ! Franchement, jai le beau-frère le plus con de France ! »
Coup de déprime du au placement forcé de sa mère en maison de retraite ou coup de sang suite à une énième brimade dun beau-frère autoritaire ? Toujours est-il que Darry Marzouki, prestidigitateur raté et au chômage, est parti en subtilisant la BMW de son beau-frère. Sillonnant sans but une route de campagne, il croise par hasard lénigmatique Irène, bourgeoise aventureuse perdue sur le bas-côté avec un sac rempli de billets. Cette dernière, qui a servi dintermédiaire dans une vente frauduleuse darmes pour le compte dun ministre dont elle était la maîtresse, est depuis traquée la justice, lâchée par son ancien amant prêt à lui faire porter le chapeau pour sauver sa carrière. Peu emballé à lidée de la prendre en stop, Irène propose néanmoins à Darry de le payer grassement sil la conduit hors du pays. Tentant en vain de trouver un pretexte pour refuser, Darry finit par la force des choses par accepter loffre. Commence alors trois jours de cavale, où nos héros devront oublier leur problèmes et se faire oublier de leurs nombreux poursuivants
« Il faut leur casser la gueule ! Cest important quand on a subit un choc ! »
Absente des toiles depuis le semi-échec de « France Boutique » en 2003, la réalisatrice Tonie Marshall nous revient avec « Passe-Passe », son septième long métrage. Choisissant, selon ses propres termes, de faire dans la comédie « sophistiquée », la réalisatrice nous propose un road movie avec en toile de fond, une libre inspiration de laffaire Elf et de sa protagoniste principale, Christine Deviers-Joncourt. Un sujet qui avait déjà passionné Claude Chabrol, dont « Livresse du pouvoir » (2006) sintéressait de manière plus sérieuse aux dessous de laffaire. Loccasion pour la réalisatrice de retrouver son actrice fétiche, Nathalie Baye, avec qui elle collabore pour la quatrième fois après « Enfants de salauds » (1996), « Venus Beauté Institut » (1999), et « France Boutique » (2003).
« Tu mas fait faire trois ans de danse classique quand jétais petit. Tu maurais fait faire trois ans de boxe à la place, ça aurait peut être changé ma vie. Sans compter que ça me serait plus utile aujourdhui ! »
Loin dêtre parfaite, cette petite comédie prenant la forme dun road movie, se révèle être à la fois un film très plaisant et une bonne surprise. Lorgnant ouvertement du côté du cinéma américain des années 40-50 et les réalisateurs tels que Sturges et McCarey, le film repose avant tout sur lexemplaire complémentarité dun couple de personnages que tout oppose et qui se retrouvent liés par les hasards du destin. Ainsi Darry, le gentil looseur sentimental, rêveur mou et dépassé par sa vie, se retrouve lié à Irène, une femme énergique, aventureuse et aventurière, gardant son optimisme et sa force de caractère, même dans les situations les plus difficiles. Avec beaucoup dintelligence et une incroyable légèreté, la réalisatrice prend un malin plaisir à faire subtilement évoluer ses personnages pour inverser leur rôle. Dans une relation complexe, basée en permanence sur un jeu de séduction et de bluff réciproque, les deux personnages vont ainsi se transformer par la force des évènements, Darry faisant finalement preuve de courage et dinitiative, tandis quIrène se laissera aller à lincertitude. Tonie Marshall réussit de manière malicieuse et subtile à reléguer le clin dil à laffaire Elf au statut de simple référence ne servant que de toile de fond à son histoire, pour mieux y distiller son humour, fait de décalages (la fuite du palace en peignoir), de situations cocasses et de réparties savoureusement échangées entre deux comédiens en parfaite osmose. Des éléments qui contribuent à nous rendre ces deux personnages tour à tour agaçants et émouvants, et finalement toujours attachants.
« La politique, ce sont des idées qui rencontrent des circonstances. Un peu comme lamour »
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Si la mise en scène savère finalement dun classicisme bienvenu, la réussite de Tonie Marshall tient sans doute de son parti pris déviter toute esbroufe et dinsuffler beaucoup de légèreté à son film par le biais des dialogues, du choix des musiques (essentiellement des standards tels que Sinatra), et surtout par sa direction dacteurs. Dans les rôles principaux, le couple Edouard Baer et Nathalie Baye excelle par sa complémentarité et sa simplicité. En état de grâce, ils rayonnent sur le film quils contribuent largement à tirer vers le haut. Si Edouard Baer est toujours excellent pour jouer des personnages de séducteur décalé, on saluera surtout la prestation de la délicieuse Nathalie Baye, quon avait pas vu aussi brillante depuis longtemps. Les seconds rôles ne sont pas en reste, que ce soit la toujours pétillante Mélanie Bernier (qui avait un rôle récurent dans la série « France Boutique » réalisée par Tonie Marshall) en ingénue drôlissime, Joey Starr dans son premier vrai rôle (de composition ?), ou encore Guy Marchand et Maurice Bénichou. A noter également le sympathique clin dil en forme dhommage à Darry Cowl, grand ami de la réalisatrice, qui est décédé quelques semaines avant le tournage de ce film alors quil était prévu quil y fasse une apparition. Au final, Tonie Marshall nous propose une petite comédie sophistiquée, classieuse, mais jamais prétentieuse. A linstar du « Under my skin » chanté par Sinatra, la réalisatrice réussit un film léger et aérien, qui doit énormément à son duo dacteurs épatants.
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