Le pensionnat
« Je me souviens de la première fois où jai quitté la maison. Cétait un jour pluvieux et ennuyeux »
Thaïlande. Chatree à 12 ans. En plein milieu de son année de 5ème, son père décide de lui faire quitter son école pour le placer en pensionnat en province. Décision quil accepte dautant plus mal quil pense y être envoyé en punition car il a surpris son père avec sa maîtresse. Elève réservé, son adaptation dans le pensionnat se fait difficilement car une bande délèves de sa classe, voulant se payer le petit nouveau, tente de le déstabiliser en lui racontant des histoires de fantômes et de accidents mortels qui ont eu lieu dans le pensionnat. De plus en plus isolé, Chatree finit par sympathiser avec Wichien, un enfant de son âge. Mais ce dernier savère être le fantôme dun enfant qui sest noyé dans létablissement quelques années plus tôt, et que seul Chatree peut voir
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« Nous sommes dans une école, pas dans un cimetière. Que je nentende plus parler dhistoires de fantômes »
Pour son second film, le jeune réalisateur thaïlandais Songyos Sungmakanan sessaie au genre du thriller fantastique. Film issu dun cinéma thaïlandais assez méconnu chez nous, « Le pensionnat » a néanmoins été présenté dans de nombreux festivals cette année (Deauville, Marrakech). Et il a su y surprendre tout son monde en obtenant des accueils critiques plutôt favorables, et quelques récompenses inattendues telles que lOurs de Cristal du Festival de Berlin (prix décerné par un jury denfants), et le Prix Cannes Junior du dernier festival de Cannes. Bien que ne bénéficiant que dun faible nombre de copies, ce « Pensionnat » était donc la curiosité à voir en cette fin dété.
« On se ressemble un peu tous les deux, on existe pas aux yeux des autres »
A la croisée des genres, entre fantastique, thriller, et film pour enfants, cest à un film assez surprenant que Sungmakanan nous invite à assister. A mi-chemin entre « Les disparus de St Agil » et du « Sixième sens », la qualité principale du film repose sur latmosphère assez trouble et mystérieuse. En effet, Sungmakanan, à défaut de savoir saffranchir de tous les codes et lieux communs du genre, arrive néanmoins à se les approprier pour construire un univers propre à son film. En cela, tout le travail sur la photographie et les couleurs, souvent dans la pénombre, permettent de créer une atmosphère adéquate. Lattention particulière portée sur la thématique de leau, renforcée par quelques toujours efficaces scènes paranormales (jeu dombres, chiens qui hululent, disque rayé ) permettent de créer honorablement une forme doppression. On peut noter au passage que les rares effets spéciaux sont visuellement très correct compte tenu des moyens limités du cinéma thaïlandais. Question satisfaction, on retiendra également la belle prestation des deux enfants dans les deux rôles principaux, Charlie Trairat (qui avait déjà joué dans le premier film de Sungmakanan) et Sirachuch Chienthaworn, tous deux bluffant de naturel.
« Tu dis que tu nexistes pas aux yeux des autres, mais les autres existent-ils à tes yeux ? »
Pourtant, ce « Pensionnat » déçoit terriblement. Son scénario reste le principal point faible, ne se décidant jamais à sancrer dans un genre précis, se bornant à être un film hybride de plein de genres très différents. Ni véritablement thriller, film fantastique, film dhorreur ou film pour enfants, « Le pensionnat » ne ressemble au final à pas grand chose. La teneur du propos est dailleurs assez apathique, la plupart des terribles secrets et tourments de ces enfants étaient de manière générale assez niais, oubliant au passage dapporter un minimum de tension dramatique et de surprises. Car même en cherchant, vous ne trouverez pas le moindre rebondissement dans ce film où tout reste assez prévisible. Ainsi, tout phénomène pouvant effrayer au départ se révèle lobjet dune explication très cartésienne, qui enlève toute chance au côté fantastique de se développer ou de laisser planer le moindre mystère (on pense notamment à la revêche surveillante qui pleure en écoutant à nen plus finir un disque obsolète et rayé). On reste ainsi toujours à des années lumières des films flippants que les asiatiques ont pu exporter ces dernières années.
« Les esprits et les corps ne vivent pas dans le même monde. Pour aider un esprit, il faut être un esprit »
Au final, ce « Pensionnat » est avant tout un film pour les plus jeunes. Avec son aspect thriller fantastique quil nest finalement pas, il réjouira sûrement les enfants. Sans les traumatiser. On pourra toujours y voir une sorte de chemin dinitiation entre passage de lenfance à lâge des responsabilités, avec en arrière plan des réflexions sur la découverte de lamitié, des responsabilités, et de laltruisme. Mais tout cela reste ici un peu cucul, renforcé par une esthétique discutable. Les plus jeunes aimeront sûrement, les autres, qui auront vu entre temps « Ring » dHideo Nakata, seront plutôt déçu de ce « Sixième sens » à lesthétique bioman.
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