La possibilité d'une île
« Je viens vous offrir la vie éternelle »
Fils d'un gourou d'une secte dérisoire, Daniel1 fait des mots croisés en attendant que sa vie prenne un sens. Il traîne. Silencieusement. Indifférent finalement aux transports du monde actuel. A ses loisirs comme à ses peines. Daniel25 (vingt-quatrième descendant, par reproduction artificielle, de Daniel1) vit silencieusement dans une cellule souterraine, rivé sur les images satellite d'un monde extérieur désert, contaminé, dévasté par des guerres ethniques et religieuses qui ont conduites à des conflits nucléaires, des épidémies incontrôlables, et surtout, des catastrophes climatiques d'une ampleur inédite. Comment Daniel1 a-t-il rendu possible Daniel25 ? Peut-être en passant par une île, un territoire isolé sur lequel Daniel1 se posant enfin des questions sur l'avenir du monde, admet l'hypothèse scientifique et biologique d'une possible éternité humaine. Peut-être en étant le premier à accepter de disparaître au profit d'un autre lui-même, un mutant, un "surhomme". Un survivant à tout. Mais seul, quel est le sens de la survivance ?
« Ce quon essaie ici, cest de préparer la suite. Car après lhumanité, il y aura forcément une suite »
Auteur le plus en vue et le plus controversé de sa génération, Michel Houellebecq aura eu le privilège de voir la moitié de ses romans (quatre au total) adapté sur grand écran. Après « Extension du domaine de la lutte » (Harel 1999) et « Les particules élémentaires » (Roelher 2006), lauteur sest donc décidé à réaliser lui-même ladaptation cinématographique de son dernier roman en date « La possibilité dune île ». Une première qui nen est pas tout à fait une puisque Houellebecq avait déjà réalisé quelques courts métrages entre le milieu des années 70 et le début des années 2000. « La possibilité dune île » a été présenté officiellement au Festival de Locarno 2008, dans la catégorie réservée aux films expérimentaux.
« Depuis toujours, on vit avec le vieillissement et la mort qui conditionnent lexistence humaine. Au fond ce nest quun problème technique. Léternité est à portée de main. Quand lhomme pourra créer la vie, nous entrerons dans un nouveau siècle »
Bien quayant déjà été adapté deux fois sur grand écran, il était quand même très surprenant de voir lauteur Michel Houellebecq passer lui-même derrière la caméra pour adapter son propre roman, le dernier en date, « La possibilité dune île ». Et ce dautant plus que cette fable danticipation sur le délire et le danger des sectes qui démystifie lintérêt dune éventuelle et hypothétique immortalité ici synonyme dennui était probablement son uvre la moins cinématographique. Du coup, pas étonnant que ce film soit un film conceptuel et expérimental, dans la lignée de ceux produit dans les années 60 et 70 (on pense vaguement à « Zabriskie point » de Antonioni). Le gros problème du film, cest que le scénario de Houellebecq, totalement abscons, part complètement en sucette (à se demander sil y avait bien un scénario au départ), ne ressemblant en rien au livre et nous laissant perdus et ahuris devant des scènes totalement grotesque (vision de lenfer se résumant à un club de vacances à Bali où le héros se fait harceler par un belge bavard, amateur de concours de bikinis) et à la symbolique lourdingue (la grotte futuriste de Daniel25 renvoie inexorablement à lallégorie de la caverne de Platon). Dès lors, difficile de trouver un quelconque intérêt à ce film qui fait le choix difficile de lépure, tant dans la forme que dans les dialogues, renforçant par là même son côté incompréhensible. Ajoutons à cela un parti pris stylistique un peu poseur, vaguement inspiré par Wong Kar-Waï et par son goût pour les paysages bizarres, qui finira de dérouter les spectateurs. Reste un Benoit Magimel à la coiffure improbable et au maquillage grotesque, qui se débat seul et perdu au milieu de ce grand nimporte quoi, et qui doit encore se demander ce quil est venu faire dans cette aventure. Au final, « La possibilité dune ile » laisse perplexe, ne ressemblant à rien dexistant. Difficile dès lors de savoir si on est présence dune uvre novatrice ou dun fumeux vide abyssal. Aucun des deux sans doute. On dira de « La possibilité dune ile » quil est un non-film.
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