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06 Oct

La poursuite infernale

Publié par platinoch  - Catégories :  #Westerns

« 18 ans…mon pauvre James, tu n’as pas eu de chance »

 

Les Grands Films ClassiquesTombstone, Ouest Américain, 1882. Les quatre frères Earp sont de passages dans la région où ils convoient un troupeau de bétail vers la Californie. Tâche particulièrement rude tant la nature désertique ne facilite pas la chose. C’est d’ailleurs pour cela que le vieux Clanton leur propose de racheter le troupeau à un tarif très bas, essuyant un refus poli des Earp. Un soir, pendant l’étape, tandis que James, le plus jeune garde le troupeau, les trois aînés partent se distraire à Tombston. A leur retour au bivouac, ils retrouvent leur frère assassiné et le troupeau à disparu. Wyatt Earp, l’aîné du clan et ancien shérif légendaire de Dodge City, accepte avec ses deux frères le poste de shérif de la ville, le temps de retrouver les coupables de ce crime. S’intégrant peu à peu dans la communauté de cette petite ville, les frères Earp font la connaissance de Doc Holliday, propriétaire des saloons et des tables de jeux qui en font l’homme le plus puissant et le plus influent de la ville. Ce dernier se lit d’une relation basée sur le respect mutuel avec Wyatt. Mais l’arrivée de la jolie Clémentine Carter, ancienne fiancée de Doc, dont Wyatt tombe peu à peu sous le charme tend à brouiller un peu les cartes alors que l’affrontement avec le clan Clanton paraît de plus en plus inéluctable…

 

« Nous allons rester ici quelques temps. Quand nous partirons d’ici, peut-être que les braves et gentils jeunes petits gars comme toi pourront grandir tranquillement »

 

Henry Fonda et Victor Mature. Les Grands Films ClassiquesJohn Ford restera décidément comme le maître absolu et incontesté du western classique, ayant contribué largement à écrire les lettres de noblesses d’un genre très codifié et à part. La redécouverte récente de plusieurs de ses œuvres m’aura véritablement permis de me rendre compte de l’importance de ce réalisateur visionnaire et de son travail pour ce genre cinématographique. Parmi ses westerns de référence on pourra citer « La chevauchée fantastique » (1939), « Rio Grande » et « la Charge héroïque » (1950), « La prisonnière du désert », considéré comme son film le plus abouti (1956), « Le sergent noir » (1960), ou encore « L’homme qui tua Liberty Valence » (1961). « La poursuite infernale », considéré comme un de ses grands classiques, est réalisé en 1946 (la même année qu’un autre grand films de Ford, « Qu’elle était verte ma vallée », et a pour thème un épisode de la vie du légendaire Wyatt Earp, se basant sur la biographie de ce dernier rédigée par Stuart N. Lake.

 

« Clémentine, l’homme que tu as connu autrefois est mort. Il a perdu ses rêves, ses ambitions, et même son amour pour toi »

 

Henry Fonda. Les Grands Films ClassiquesEt pourtant, le synopsis de ce film est d’un classicisme absolu, un crime étant perpétré, un homme droit incarnant la morale et le Bien s’élève contre le Mal pour faire triompher la justice. Mais tout ceci n’est que prétexte pour Ford pour développer toute une série de thèmes qui lui sont chers, de la droiture morale, à la solidarité qui permet de venir à bout de l’adversité et de rétablir la justice, ou encore la rédemption. Mais la grande qualité de cette « Poursuite infernale », c’est la façon dont Ford privilégie le portrait de ses personnages et la complexité de leur relation, au détriment de l’action. Ainsi, dans un certain sens, les preuves de la culpabilité des Clanton n’a que peu d’importance : on sait d’entrée qu’ils sont coupables, et on se doute que la finalité du film sera l’affrontement d’OK Corral entre les deux familles. En revanche, le portrait dressé de ces hommes aux caractères forts mais différents est passionnant. Parfois un peu caricaturaux, les deux personnages centraux, Wyatt Earp, la droiture incarnée, et Doc Holliday, la fine gâchette cultivée qui souffre de tuberculose et dont le passé énigmatique refait peu à peu surface avec l’arrivée de la jolie Clémentine Carter, sont les symboles d’une transition, de la fin d’une époque dans l’Ouest sauvage, où la modernité fait son apparition et doit s’accompagner d’un certain d’ordre. Ces deux personnages répondent bien évidemment d’un certain nombre de codes et de valeurs traditionnels au genre, la maladresse pour le héros trop droit, en particulier dans un ton outrancièrement solennel lorsqu’il tente de se rapprocher de Clémentine (la scène de la danse est très significative de cela), la rédemption (dans la manière dont il tente de sauver la vie de sa maîtresse) et le romantisme (sa chute lors du combat final qu’il mène au côté de la justice) pour Doc Holliday. Derrière ces personnages aux mentalités complexes, et quelques touches d’humour bien distillés (tout ce qui a attrait au barbier, de son siège à la coupe de cheveux de Fonda, en passant par le parfum. La danse avec Clémentine est également un moment burlesque), Ford nous livre un western jamais manichéen et totalement désenchanté, dépourvu de happy end malgré la victoire de la justice.

 

« - Mac, as-tu déjà été amoureux ?

   - Non, j’ai été barman toute ma vie ! »

 

Linda Darnell. Les Grands Films ClassiquesWestern élégant et parfaitement maîtrisé, « La poursuite infernale » porte de manière évidente la patte de John Ford. Sur un scénario parfaitement construit, Ford impose un style et un rythme contemplatif à son film : étude des personnages qui prend le temps d’être développée, peu d’actions, et surtout, comme dans de nombreux de ses films (« La prisonnière du désert » notamment), un paysage sauvage - à l'image de ses habitants - qui joue un rôle à part entière à l’image. Le film, qui jouit d’un noir et blanc particulièrement soigné, semble être, dans la façon dont il est filmé et dans certains de ses plans, influencé par le cinéma muet (lorsque Fonda marche vers OK Corral notamment et qu’il est filmé de dessous). Tout cela donne au film un aspect très stylisé, un esthétisme très léché, renforcé par la sensation d’épure (aucun gras, aucun dialogue ou aucun plan inutile dans ce film) à laquelle nous a habitué le grand John Ford. Côté interprétation, il n’y a que du lourd, et la qualité de l’ensemble est irréprochable. Que ce soit Henry Fonda, Walter Brennan, ou la montagne Ward Bond (qui n’a – hélas – qu’un petit rôle), on a rien à redire devant l’interprétation de ces acteurs supers charismatiques. Malgré tout, deux acteurs sortent du lot par des interprétations bluffantes : Linda Darnell, qui arrive (contrairement à Cathy Downs) à donner de la substance à un personnage féminin caricatural et peu développé, et surtout Victor Mature, dont la magistrale composition d’homme torturé et complexe souffle littéralement la vedette à ses collègues.

 

« Si tu dois dégainer, tues ton homme »

 

Henry Fonda et Cathy Downs. Les Grands Films ClassiquesScénario classique mais parfaitement maîtrisé, esthétique ultra soignée, et interprétation magistrale, tous les éléments étaient donc réunis pour faire de cette « Poursuite infernale » le chef d’œuvre que l’on sait. Ford y marque une étape aussi bien dans son esthétisme contemplatif que dans la manière de traiter de ses thèmes de prédilections, qui trouveront leur apogée avec « La prisonnière du désert » dix ans plus tard. Un grand classique qui ne vieillit pas, à voir absolument. 

     



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