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29 May

Prends l'oseille et tire-toi

Publié par platinoch  - Catégories :  #Comédies

« Ce gamin est un gangster. C’était de la mauvaise graine : j’ai essayé de lui faire entrer Dieu dans la tête à coup de pompes dans le cul, rien à faire ! »

L’incroyable destin de Virgil Starkwell, qui deviendra malgré lui l’ennemi public numéro un des Etats-Unis. Pourtant qui aurait pu croire qu’un tel destin attendrait cet enfant maladroit et bousculé par tous ses petits camarades de son quartier populaire ? Rêvant pourtant d’une vie tranquille mais trop maladroit pour l’avoir, Virgil n’aura d’autres solutions que de se lancer dans le banditisme pour survivre. Mais ce mode de vie incertain et ponctué de longs séjours en prison deviendra vite incompatible avec la vie que Virgil voudra offrir à Louise, une jolie ingénue dont il s’éprendra au hasard de ses vols à la sauvette…

« - Nous allons avoir un enfant. C’est un beau cadeau de Noël que je te fais.

   - Mais moi je voulais seulement une cravate »

Première réalisation du talentueux et prolifique Woody Allen, « Prends l’oseille et tire-toi » a été réalisé en 1969. Si Allen a toujours été attiré par la réalisation, il n’ambitionnait initialement pas de passer derrière la caméra pour mettre en scène son scénario. Jerry Lewis fut même un temps contacté pour le réaliser, mais occupé sur d’autres projet celui-ci déclina la proposition. Finalement, suite à sa déception quant au tournage et au résultat de « Casino Royale » sur lequel il avait travaillé en tant que scénariste et comédien deux ans plus tôt, Allen décida de franchir le pas et de diriger lui-même son film. Pour la petite histoire, le montage original prévoyait de finir sur la mort du héros, abattu dans une scène parodiant la scène finale de « Bonnie & Clyde ». Une fin peu probante gâchant en partie la qualité générale de cette comédie selon l’avis de l’expérimenté monteur, Ralph Rosenblum. Celui-ci proposa de l’arranger et est à l’origine de la version finale que nous connaissons. Satisfait de ses conseils avisés, Allen le gardera comme son monteur attitré pour tous ses films suivants, jusqu’à « Annie Hall » en 1977.

« La prison qui doit me retenir n’est pas encore construite. Je sortirai de celle-ci, même si je dois y passer ma vie »

Absurde et loufoque, tels pourraient être les adjectifs qualifiant le mieux les premiers Woody Allen, dont fait partie ce savoureux « Prends l’oseille et tire-toi ». Filmé à la manière d’un reportage sur la vie d’une célébrité, comme certaines émissions s’en sont faites une spécialité (« Hollywood stories » pour ne pas la citer), le film met en scène la piètre carrière d’un bras cassé rêvant de devenir un grand gangster, de son enfance à sa chute. Un anti-héros au physique en totale opposition avec ses aspirations, qui rappelle finalement un peu le personnage de Charlot, la poésie en moins. De scènes improbables (l’évasion avec un pistolet en savon fondant sous la pluie vaut son pesant de cacahuètes, tout comme la seconde évasion où les autres participants oublient de prévenir le héros que celle-ci est annulée) et désopilantes en répliques pleines de non-sens, Allen régale son public avec cette farce burlesque, brillamment écrite, et qui n’oublie pas de se montrer provocatrice et critique à l’égard de la société de l’époque (certains gangsters qui ont mieux réussis que lui ont fini politiciens, rôle omniprésent et paranoïaque de la CIA). Tout juste reprochera-t-on à l’ensemble le fait qu’il ait un peu vieilli. De même, certaines baisses de régime dans le rythme sont à noter, mais la courte durée du film (une heure vingt) permet cependant de restreindre ces petits défauts.

« Finalement, pour l’ensemble de ses crimes, il est condamné à 800 ans de prison. Il avoue alors à son avocat son espoir de voir sa peine réduite de moitié »

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 La réussite du film passe avant tout par son scénario brillant et d’une finesse comique remarquable, qui enchaîne les bons mots et les répliques hilarantes, et qui ont fait le succès de l’auteur. Mais est-il nécessaire de rappeler que Woody Allen est un brillant scénariste ? Sa mise en scène s’avère tout aussi malicieuse et parfois même audacieuse, Allen n’hésitant pas à jouer sur des parties visuelles très burlesques empruntées directement au muet (le coup de la fanfare avec la chaise par exemple, ou encore celui de la machine à plier les chemises). De même, le film jouit d’un montage efficace, qui donne une certaine forme de réalisme au format documentaire, tout en apportant un rythme et une fluidité qui mettent parfaitement en valeur les gags. Dommage cependant que le visuel soit aussi dépouillé, souffrant notamment d’une photographie franchement peu plaisante. Interprétant le personnage central du film, Allen crève l’écran, rappelant au passage qu’il est un incroyable acteur dans le registre comique. A ses côtés, la jolie et regrettée Janet Margolin (qu’Allen retrouvera pour « Annie Hall ») est tout aussi convaincante, n’hésitant pas non plus à jouer sur le décalage entre son image de fille charmante et les loufoqueries du scénario. Sans être parfaite, ce deuxième long de Woody Allen vaut le détour par la causticité de son scénario brillant. Posant les bases d’un style original, « Prends l’oseille et tire-toi » annonce clairement la naissance d’un réalisateur de talent qui aura la carrière que l’on sait. Si le film a un peu vieilli, néanmoins, il demeure une comédie très légère et plaisante à regarder.



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B
J'avoue que longtemps, Woody Allen, a été volontairement mis à l'écart des ralisateurs à voir. Une forme de parisianisme pédante, me l'avais catalogué pestiféré, bien qu'ayant entre-aperçu un film ou deux. Jusqu'à ce que je vois et me délecte de ses quatre ou cinq derniers films. Celui-ci, son premier donc, je ne l'ai pas vu, mais je vais tacher de réparer cette injustice, tant ta critique m'y pousse autant que l'envie de mieux d'approfonvrir son oeuvre.
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