Le Reptile
« Tu as réussit à faire fortune une fois, tu y arriveras bien une seconde fois »
Définitivement, Joseph L. Mankiewicz est un cinéaste à part. Iconoclaste, il réalise « Le Reptile » en 1970, qui est son avant-dernière réalisation. Le réalisateur de « Soudain lété dernier », « Eve », « La comtesse aux pieds nus », « Laventure de Mrs Muir » ou encore de « Cléopatre »,surfant sur la vague de liberté qui souffle sur le cinéma de la fin des années 60 et du début des années 70, il sattaque à un genre dont il est peu coutumier : le western. Genre à part entière dans le cinéma américain, le western traditionnel est néanmoins sur le déclin (déclin annoncé par « Coups de feu dans la sierra » de Peckinpah près de dix ans plus tôt), et quelque peu renouvelé par lémergence du Western Spaghetti.
Le film raconte le destin de Paris Pitman Jr., un bandit qui détrousse une richissime famille en les dépouillant de 500.000 dollars, quil prend soin de cacher dans un trou rempli de serpents en plein milieu du désert. Finalement arrêté, il part pour dix ans de travaux forcés dans une prison perdue dans le désert. Se ventant de son trésor, il manipule ses co-détenus et tente de manipuler le nouveau directeur de létablissement, très intègre et progressiste, afin dobtenir leur aide, contre rétribution, pour se faire la belle. Intelligent, rusé et manipulateur, Pitman va échafauder un spectaculaire plan dévasion avec ses co-détenus
« Je lui ai dit quon devait sortir par la grande porte, mais ce nest quune ruse. De toutes façons, il devait être pendu demain. Ça lui laisse sa chance de toutes façons »
Ce film sinscrit clairement dans les derniers grands westerns hollywoodiens. On y retrouve dailleurs linfluence du western spaghetti lancé par Sergio Leone, dans la transformation de certains codes du genre, comme le retournement des valeurs (le héros nest plus un justicier vertueux mais une crapule notoire forte en gueule, le justicier nest plus incorruptible), lintroduction de grands monologues, dune bonne dose dhumour (la scène du bain collectif est dailleurs un must du genre, le genre de scène inimaginables dans un western de Ford ou de Houston), et surtout de cynisme. En effet, derrière ses allures de gentil meneur, le héros, homme séduisant et intelligent, ne cesse de manipuler ses camarades dinfortune pour mieux les utiliser et sen débarrasser à sa guise. Dans le même genre, le vieux commandant de la place, un homme vertueux et ouvert desprit, partira finalement avec le butin
Forte dun profond cynisme, cette uvre est aussi marquée par une certaine forme de méchanceté latente. A la croisée de plusieurs genre et références, on reconnaîtra des influences telles que les films « Vera Cruz » pour son cynisme, « La grande évasion » ou « Les douze salopards » pour la grande scène de tentative dévasion générale qui marque la fin du film. On reconnaîtra également linfluence des films de Leone pour cette liberté de ton, cet anticonformisme qui frôle même parfois lanarchisme et le politiquement incorrect (il montre des personnages « inhabituels » dans le genre, comme des homosexuels, par exemple). En outre, « Le reptile » sinscrit dans un courant de westerns décomplexés et plein dhumour, qui va connaître ses heures de gloire à la fin des années 60, avec des films comme « Lor des pistoleros » (William A. Graham, 1967) avec James Coburn. Notons que la musique (comme dans « Lor des pistoleros ») est profondément hippy.
« On allait quand même pas sembarrasser de ce vieux croûton boiteux et des deux vieilles tantes !!! »
Pour mener à bien son projet, Mankiewicz sest entouré dacteurs de qualité, la plupart étant des légendes de lunivers du western. Tout dabord Kirk Douglas, habitué du genre, qui joue un bandits manipulateur, au physique à mi-chemin entre le cow-boy sur le retour et le baba cool des années 70 (cheveux un peu trop longs et pattes gentiment hippys). Face à lui un excellent Henry Fonda, la figure éternelle du justicier vertueux, qui joue ici de son image pour se montrer finalement bien plus corruptible que ce que lon croyait. Complètent le casting des seconds rôles tous confirmés et excellents, comme Warren Oates, Hume Cronyn ou John Randolph, qui apportent tous une certaine crédibilité à lensemble.
Pour conclure, ce nest certainement pas le meilleur film de Mankiewicz. Néanmoins, il sagit dun bon film, dune curiosité à voir. Marqué par un profond esprit de liberté dans son thème (lévasion de prison) que dans le détournement des codes traditionnels du genre du western, on ne peut quêtre admiratif devant lintelligence des dialogues et de la véracité des rapports humains qui y sont montrés. Porté par de très bons acteurs, ce film est aussi une comédie devant laquelle on rigole assez souvent. Un classique qui mérite dêtre redécouvert !
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