Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
04 Apr

Rivière sans retour

Publié par platinoch  - Catégories :  #Westerns

« Tout ne se prend pas de force dans la vie, Fiston. Il faut parfois savoir reculer, pour mieux contourner les obstacles »

1875. Après avoir passé plusieurs années en prison pour avoir tué un homme de dos mais en situation de légitime défense, Matt Calder part à la recherche de son jeune fils, qu’il finit par retrouver, abandonné par son tuteur dans un campement de chercheurs d’or dans le nord du pays. Décidant de bâtir leur ferme et leur petite exploitation à quelques kilomètres de là en amont de la rivière, Matt se tient obstinément à l’écart de la folie de la ruée vers l’or qui submerge la région. Son principal soucis étant d’être prêt à se défendre face aux indiens, particulièrement hostiles dans la région, et qui menacent son exploitation isolée. Un jour, il vient au secours d’un couple, Harry et Kay, qui tentent de descendre la rivière sur un radeau de fortune. Très pressé de faire enregistrer sa concession gagnée dans une partie de cartes, le peu reconnaissant Harry assomme Matt, lui volant son cheval et son fusil, et abandonnant Kay avec eux. Sans arme pour se défendre et sans cheval pour fuir, Matt, Kay et Mark n’ont plus d’autres choix que de fuir vers la prochaine ville à bord de leur embarcation de fortune. Mais entre les indiens qui voient en eux des proies faciles, les dangereux rapides qui lui ont donné le surnom de « rivière sans retour », et la nature particulièrement hostile, le voyage s’annonce mouvementé et son issu très incertaine…

« - La région fourmille d’indiens, et vous vous allez pêcher ?

   - On meurt de bien des façons. Mourir de faim n’est pas celle que je préfère »

.

 Réalisé en 1954 et film de commande, « Rivière sans retour » est la seule incursion dans le genre du western pour le mythique réalisateur Otto Preminger. Un film qui constituera également l’unique incursion dans ce genre cinématographique pour l’actrice Marilyn Monroe. Autre point commun partagé entre le réalisateur et sa comédienne, ils étaient tous deux en fin de contrat avec les studios de la 20th Century Fox, et subissaient de fait les mêmes pressions. Pour la petite histoire, le grand patron de la Fox, Darryl F. Zanuck, mécontent de la première version, exigea que fussent tournées plusieurs scènes supplémentaires. Preminger, n’étant plus sous contrat, ne voulant pas s’en charger, c’est le réalisateur Jean Negrulesco (« Comment épouser un millionnaire ? » avec Marlilyn) qui réalisa les fameuses scènes. Auréolée de son récent statut de star (avec les succès consécutifs de « Niagara », « Les hommes préfèrent les blondes » et « Comment épouser un millionnaire ? »), c’est Marilyn Monroe qui exigea d’avoir Robert Mitchum pour partenaire pour ce tournage éprouvant sur lequel elle se blessera à la jambe. Cette dernière considérera toujours ce film comme le plus mauvais de sa carrière, alors que pour la critique ce « Rivière sans retour » est au contraire considéré comme l’un de ses meilleurs films et l’une de ses meilleures interprétation. A noter cette inénarrable citation de Preminger, qui disait à propos de Marilyn Monroe sur le tournage de ce film : « Dirigez Marilyn Monroe, c’est comme diriger Lassie. Il faut quatorze prises pour obtenir l’aboiement adéquat ». Une phrase qui en dit long sur l’ambiance entre le metteur en scène et son actrice, et probablement aussi sur le tournage.

.

« - Vous ne savez pas ce qu’il a vécu ni ce qui l’a poussé à devenir comme ça. Vous n’avez jamais fait de bêtises ?

   - Si, mais je les ai payé. Et il paiera. »

Western atypique dans sa forme, « Rivière sans retour » est avant tout une ballade contemplative et un parcours initiatique magistralement écrit. Ballade contemplative, tout d’abord, dans une nature magnifiée, sauvage, dont l’hostilité ne peut que rapprocher des personnages pourtant éloignés (le fils qui ne comprend pas pourquoi son père à tuer « lâchement » un homme de dos) voire opposés (Kay et Matt sont sur le même bateau pour leur survie, mais l’une veut protéger à tout prix la vie de son amant de la volonté de vengeance de son compagnon d’infortune). Parcours initiatique, ensuite, dans le sens où chacun va apprendre de l’autre dans l’épreuve, pour mieux le comprendre et finalement l’apprécier. Le fils ne pourra comprendre son père qu’en lui sauvant la vie en reproduisant son crime, tout comme Kay, déjà sous le charme, apprendra à aimer Matt pour sa droiture et son courage. Le parti pris par Preminger de laisser de côté l’action (une scène de lutte contre un puma suivi d’un duel contre deux prospecteurs, puis une attaque d’indiens) pour privilégier une certaine sensualité (pour ne pas parler d’érotisme) lors d’une séance culte de massage et d’un quasi viol sur la berge, donne tout son charme et toute sa profondeur au film.

 

« Quand on tue un serpent, qu’est-ce que ça peut faire de savoir par quel côté on le tue ? »

Mais ceci ne serait rien sans la mise en scène particulièrement soignée et léchée de Preminger. S’il utilisait ici pour la première fois le format cinémascope (qu’il reprendra de manière quasi systématique par la suite), celui-ci, renforcé par le Technicolor, ne fait qu’amplifier les majestueux décors naturels de la région de l’Alberta, au Canada. Dans sa profondeur et ses couleurs magnifiquement chaudes, le film offre certainement une des plus beaux exemples de la beauté mythique de ce format cinématographique. Derrière, il n’y aucun déchet dans la mise en scène : aucun plan en trop, aucun gras, l’ensemble respecte harmonieusement une belle unité de rythme du début à la fin. Tout juste pourra-t-on reprocher une vision un peu simpliste et raciste des indiens (forcément méchants, qui sont assez cons pour se faire massacrer dans arriver à blesser aucun des occupants du radeau), ainsi que des scènes de bataille un peu « cheap », qui ont franchement mal vieillies. L’interprétation est cependant à la hauteur de la mise en scène. Le grand Robert Mitchum, qui avait déjà joué avec Preminger dans « Un si doux visage », trouve ici un rôle sur mesure, à la fois très viril, séducteur un peu froid, et mystérieux, auquel il apporte tout son talent et tout son charme. Mais c’est surtout Marilyn Monroe qui crève ici l’écran. Dans ce qui sera certainement son unique rôle de femme, à la fois amante, vampe, séductrice, et mère, elle brille de mille feu, imposant sa beauté et sa fragilité. De même, elle arrive à faire passer une émotion infinie, pleine de mélancolie, dans chacune des chansons qu’elle interprète. A tous ses détracteurs, je conseille de regarder ce film. Au final, la « Rivière sans retour » s’avère être un western atypique et original, et de très bonne facture. Tour à tour mélancolique, poétique, et sensuel, il restera également pour la beauté de son couple principal, et surtout pour Marilyn Monroe, qui trouvera là un de ses meilleurs rôles, qui lui donnera l’occasion de faire l’étalage de son talent, et se montrer plus belle et sensuelle que jamais.

  



Commenter cet article
B
Voilà un film que j'ai toujours adoré et qui mérite d'être dans ce blog. Marilyn y est resplendissante dans un vrai rôle de femme aux multiples facettes. Oui, sans conteste son meilleur interprétation. Et le grand Robert Mitchum quand même !
Répondre

Archives

À propos

Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!