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20 Apr

Sans arme, ni haine, ni violence

Publié par platinoch  - Catégories :  #Biopics

« Mesrine, c’était un violent et un méchant. Rien à voir avec Spaggiari »

1977. Arrêté pour avoir organisé et réussi le plus gros casse de l’histoire nationale sans avoir braqué la moindre arme, Albert Spaggiari parvient à s’évader du bureau du juge d’instruction. Insaisissable, l’homme aura réussit à prendre la fuite et à trouver refuge en Amérique du sud, où la Justice a semble-t-il perdue sa trace. Jusqu’à ce que quelques années plus tard, en 1982, Vincent, un jeune reporter de Paris Match, ne retrouve sa trace. Loin de l’image caricaturale des gangsters, il découvre un homme jovial, généreux, fauché et vantard, souffrant profondément d’un manque de reconnaissance et de gloire. Bourré de contradictions, ce dernier reste méfiant et difficile à apprivoiser car toujours traqué par la police…

 

« Je trouve ça un peu facile de se moquer de la vie des gens quand on vit avec l’argent des autres »

 

Second rôle prolifique et bankable, l’ancien Robin des Bois Jean-Paul Rouve signe avec « Sans arme, ni haine, ni violence » son premier long métrage en tant que réalisateur. Fasciné depuis longtemps par la personnalité flamboyante et ambiguë du célèbre gangster Albert Sparggiari, qui avait réalisé en 1976 le « casse du siècle » en dérobant ingénieusement 50 milliards de francs des coffres de la Société Générale de Nice, Rouve s’était attelé à l’écriture d’un scénario centré sur ce personnage, sans pour autant penser à le réaliser lui-même. Une idée qui lui sera soufflé par son co-scénariste et qui aura donc fait son chemin. Néanmoins, la personnalité complexe de Spaggiari (en fuite en Amérique du sud et soit disant introuvable, l’homme aimait narguer les autorités en publiant régulièrement des livres, en donnant de nombreuses interviews, et en envoyant chaque année ses vœux au Président de la République) aura contraint Jean-Paul Rouve a un énorme travail de documentation, pour dresser un portrait au plus proche de la réalité. A noter que le fameux braquage de la Société Générale de Nice avait déjà donné lieu à un film, « Les égouts du paradis », signé par José Giovanni en 1979.

« On a bossé 50 heures pour un butin de 50 milliards d’anciens francs. Plus tard, je dirais à mes petits enfants que quand je bossais, j’étais payé un milliard de l’heure ! »

Effet de mode ou simple hasard, toujours est-il que les célèbres gangsters français des années 70 inspirent depuis quelques mois nos cinéastes. Pour preuve, les récents ou prochains films consacrés à Mesrine (avec le diptyque « L’instinct de mort » et « L’ennemi public numéro 1 » signé par Jean-François Richet), ou encore au Gang des Postiches (« Le dernier gang » de Zeitoun). En choisissant néanmoins de s’intéresser à un personnage aussi fantasque qu’Albert Spaggiari, à l’opposé de l’image traditionnelle du gangster, Rouve se démarquait des autres projets et trouvait un rôle à sa parfaite démesure. D’ailleurs, on se laisse assez vite prendre au jeu, entre une reconstitution soignée de la fin des années 70, et un scénario à première vue assez malin, où Spaggiari, trahit par pêché d’orgueil, baisse un peu trop sa garde en laissant pénétrer dans sa vie un journaliste qui s’avère en fait être un flic. L’ensemble est ainsi relativement bien mené, avec quelques scènes assez marquantes (le coup de la virée en boîte de nuit qui nous montre toute la complexité du personnage, ou encore celle de la première rencontre) agrémentées de répliques intelligentes et savoureuses. Malgré cela, le film de Rouve souffre quand même d’un vrai manque de rythme, pour ne pas dire d’enjeu (la traque infiltrée est révélée trop tôt, et n’apporte pas grand chose puisqu’on sait que Spaggiari n’a jamais été pris), assez dommageable pour le coup. De même, on regrettera le parti pris de Rouve de réduire le casse et sa préparation au strict minimum d’un flashback, alors que ce dernier a été l’élément central de la vie du personnage. Mais plus que tout, Rouve déçoit en dressant un portrait trop parcellaire du célèbre gangster, qui passe ici pour une grande-gueule fêtarde et égocentrique, finalement généreux et attachant. Un peu léger quand on sait que Spaggiari était quand même assez proche des milieux d’extrême droite, et qu’il était notamment assez raciste et colonialiste (la référence à sa participation à la guerre d’Indochine et son caractère raciste sont à peine soulignés le temps de deux malheureuses petites scènes).

« Tu sais ce que dis le proverbe arabe ? Mieux vaut se faire trahir par un ami que de lui refuser sa confiance »

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 Côté réalisation, il est évident que Jean-Paul Rouve a lorgné du côté du cinéma de gangster des années 70 pour réaliser ce film. Le travail sur la photographie, à dominante un peu jaune, en est le parfait exemple. Pour autant, le réalisateur débutant laisse entrevoir ici de belles promesses, notamment dans sa construction narrative, maîtrisant parfaitement son récit tout en flashbacks. Mais le vrai point fort du film réside dans la qualité de son interprétation, en particulier dans ce face à face impeccable entre le réalisateur lui-même et Gilles Lellouche. Coup double en effet pour Jean-Paul Rouve qui trouve ici à la fois l’un de ses premiers rôles majeurs, et l’une de ses meilleures prestations. Il faut dire que le personnage, extrêmement exubérant et extraverti, colle parfaitement au jeu de Rouve. Face à lui, on retrouve un Gilles Lellouche en grande forme, particulièrement à l’aise dans ce rôle de flic déguisé en journaliste. Leur face à face, fait de séduction pour mieux s’apprivoiser l’un l’autre est à ce titre très réussi. Autour d’eux, les autres personnages sont trop peu développés pour permettre aux comédiens d’exister véritablement. Néanmoins, Alice Taglioni, Anne Marivin, Patrick Bosso, ou encore le trop rare Maxime Leroux (hilarant en fan de Daniel Guichard !) se montrent à la hauteur de leurs petits rôles. Pour autant, malgré ses évidentes qualités, le film déçoit quelque peu par sa vision parcellaire (et angélique ?) du personnage de Spaggiari, ainsi que par son manque de rythme et d’enjeu évident. Si le film se laisse regarder sans déplaisir, il garde cependant un côté trop marqué « cinéma de papa » un peu too much pour totalement convaincre.

  



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P
Ben au contraire, j'ai trouvé ça très intéressant. Je n'ai pas trouvé que ce film manquait de rythme, c'est au contraire un film concis et efficace. et j'ai trouvé le choix de ne traiter qu'un facette de Spaggiari parfaitement justifié et suffisant. Vraiment une bonne surprise
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V
Rien de bien intéressant là-dedans... Rouve peine à transiger dans ses choix de mise en scène, balaçant malencontreusement entre le sérieux et la désinvolture préfabriquée...
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