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21 Apr

Les seigneurs de la mer

Publié par platinoch  - Catégories :  #Documentaires

« L’animal que nous craignons le plus au monde est aussi celui dont nous avons le plus besoin. Les requins maintiennent l’équilibre sous-marin. Ils sont les architectes qui façonnent le monde »

Depuis son enfance, Rob Stewart se passionne pour les requins. Devenu adulte, il se spécialise en devenant photographe sous-marin et biologiste. Une double activité qui lui permet de s’approcher au plus près et le plus souvent possible des requins. Un animal pourtant mal vu, qui traîne derrière lui une réputation erroné de bête féroce et mangeuse d’homme, définitivement bien ancrée dans l’imaginaire populaire. Pas étonnant du coup que le monde ferme les yeux sur les massacres perpétré à l’encontre des requins dans le cadre du florissant commerce de contrebande de ses ailerons. Un commerce qui menace l’équilibre biologique de la planète et les conditions de survie de toute l’Humanité…

 

« L’homme aura toujours besoin de monstres à détester »

Photographe animalier des fonds marins de formation, le canadien Rob Stewart s’était jusqu’ici illustré dans ce domaine en publiant de nombreuses photos pour des médias aussi prestigieux que Geo, BBC, ou encore Discovery Channel. Passionné par les requins de longue date, il rêvait depuis longtemps de réaliser un documentaire sur eux, avec le handicap de n’avoir aucune expérience en terme de réalisation de film. Finalement, c’est le hasard d’une rencontre avec l’écologiste militant Paul Watson qui amorcera le déclic. Profitant d’une expédition avec Watson et son association Sea Shepherd, soutenue par Greenpeace, Stewart s’est donc lancé dans son ambitieux pari de sensibiliser le public au problème du shark-finning, cette pèche sauvage, clandestine, et barbare, visant à attraper les requins pour les mutiler en leur coupant les ailerons avant de les relâcher agonisant dans la mer. Et ceci à des basses fins commerciales puisque l’aileron de requin est un met très prisé en Chine où il se vent à prix d’or. De quoi, pour certains, justifier le massacre à très grande échelle des requins, menaçant désormais l’espèce et l’écosystème. Un projet de longue haleine qui aura nécessité cinq années de tournage, s’étalant entre les 22 et 27 ans du réalisateur. A noter que le film a été primé à de nombreuses reprises lors des différents festivals où il a été présenté, recevant notamment le Prix Planète Thalassa du Festival de l’image sous-marine.

« Pour la première fois de son histoire, le requin est devenu une proie »

Le genre du documentaire naturaliste s’est largement développé ces dernières années, avec un nombre de films sortis sur nos écrans en augmentation, et de jolis succès publics à la clé (« La marche de l’empereur », « La planète blanche », « Un jour sur Terre »). Avec ses « Seigneurs de la mer », Rob Stewart va un peu plus loin, sortant du simple exercice de documentaire écolo contemplatif, pour proposer au contraire un documentaire militant à la Michael Moore. Et l’entreprise semble assez vite fonctionner, puisqu’on apprend tout d’abord plein de choses, d’abord sur l’image négative et erronée du requin dans l’inconscient collectif, mais aussi de son importance à l’échelle planétaire puisqu’en mangeant quantité de poissons planctophage, il régule la densité de plancton dans les océans, l’un des gros producteurs d’oxygène de la planète. Une introduction parfaite pour nous sensibiliser à une catastrophe écologique majeure : le shark-finning, une pratique barbare, visant à couper les ailerons des requins (met très prisé et très coûteux en Chine) avant de les rejeter agonisants et mutilés dans le fond de l’océan où ils se retrouvent condamnés. Une pratique barbare, purement commerciale, responsable d’un massacre à grande échelle coutant la vie à plus de 150 millions de requins chaque année, et illustrée par des nombreuses images limite insoutenables. De quoi mettre en péril la stabilité de l’écosystème sous-marin et du nôtre par la même occasion. Si la violence de la démonstration et des images fait passer le message efficacement, Stewart atteint cependant les limites de l’exercice un peu trop vite. Tout d’abord, en menant un travail journalistique à l’honnêteté intellectuelle douteuse (absence d’un certain nombre d’informations scientifiques telles que l’estimation de la population mondiale de requins, comparaison avec d’autres types de massacres dangereux pour les écosystèmes comme celui des baleines, ou encore les témoignages d’inconnus qui ne sont pas présentés, comme ce probable négociant chinois, juste présent pour dire des aberrations censés représenter le point de vue chinois du problème). Dans la même lignée on pourra également lui reprocher d’occulter tout un tas d’autres sujets liés, comme par exemple les raisons qui poussent les états pauvres et leurs pêcheurs à se compromettre dans ce trafic. De même, si on est assez vite acquis à la cause, on a du mal à adhérer totalement aux moyens des militants du Sea Shepherd, notamment lorsqu’ils utilisent la force pour soumettre un chalutier de braconniers. Sans être légalement dépositaire d’une quelconque autorité, ils interviennent tels des cow-boys avant de fuir lorsqu’un navire plus gros et plus armé vient défendre le chalutier. Un manque de recul dans la manière de faire et de présenter les faits, qui dessert pas mal la cause défendue, pourtant juste.

« Il ne s’agit pas seulement de sauver les requins, mais de se sauver nous-mêmes »

Côté réalisation, le film, assez court, trouve un rythme de croisière assez efficace, même si le propos est parfois répétitif. La volonté de soigner en permanence l’esthétisme visuel du film est un peu à double-tranchant : les images sublimes des fonds marins ont ainsi un côté trop lisse et un peu carte postale qui sied finalement assez mal au documentaire d’investigation. Mais plus que tout, on reprochera le narcissisme de Rob Stewart, pour le coup assez déplacé. Entre les plans inutiles de son séjour à l’hôpital pour sa jambe et ceux de son infiltration clandestine au Costa Rica, le garçon se détourne trop souvent de son sujet et ce à des fins qui finissent également par le desservir. Reste alors un documentaire qui laisse un avis partagé, entre un sujet passionnant et traitement décevant. Néanmoins, à défaut de rendre sympathique le requin, il à l’avantage de nous ouvrir les yeux sur un massacre méconnu, barbare, atroce et irresponsable, dont l’Humanité ne ressort pas grandie. Rien que pour cela, ce film mérite bien trois étoiles.    

  



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V
Entre le journal de bord et le cri d'alarme, "Sharkwater" dresse en soutane un portrait implacable du capitalisme outrancier. Les images sous l'eau sont si superbes qu'on ne peut laisser faire ça. Bob a raison, il faut que nos politiques interviennent au niveau mondial !
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B
Tu n'as pas tort dans ta critique, et je partage aussi ton point de vu. Cependant, j'en retiens l'information principale concernant l'extermination des reequin à des fins merdiques sous la nez du monde entier sans aucune réaction. Sauf celles des pauvres du costa rica, qui bien que pauvres sont scandalisés par ces massacres. Donc, la vérité est ailleurs. Vers les trafiquants qui s'enrichissent en chine et sans en faire profiter les pauvres péons. Excellent fims avec ses défauts qui devrait interpeller nos politiques.
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