Seuls two
« Ne pas respecter les règles, cest ne pas se respecter soi-même. Ni la vie. »
Gervais, policier à Paris, maladroit et entêté, est la risée de son commissariat. Depuis des années, il file sans relâche, un esthète de la cambriole, drôle et narquois, Curtis qui, chaque fois, lui échappe et le ridiculise. Un beau matin, après une course poursuite manquée, Gervais se réveille dans une capitale vidée de tous ses habitants. Tous ? Pas tout à fait. Un second individu fonce dans les rues désertes au volant d'une Formule 1 : Curtis ! Voilà nos deux héros seuls au monde, peut-être l'occasion d'enterrer la hache de guerre et de profiter de la situation...Mais ce serait sans compter sur la droiture de Gervais et surtout sur son obstination. Pour lui, la place de Curtis est en prison et rien ne saurait le faire dévier de sa mission...
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« Tu vas pas te pourrir la vie pour un petit malfrat que tu arrêteras jamais ! »
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Si le duo de comiques Eric et Ramzy jouit dune vraie reconnaissance populaire, nos deux comédiens nauront pour autant jusquici jamais réussis à sépanouir ni à confirmer cette popularité pleinement au cinéma. Et ce en dépit de projets plus ou moins audacieux centrés sur leur duo et leur humour particulièrement décalé. La faute peut-être à des projets trop médiocres (« Double zéro », « Les Daltons », « La tour Montparnasse infernale »), ou trop ovniesque (« Steak »). Aussi, pour leur cinquième essai, nos deux compères ont décidé de prendre les choses en main, et de passer pour la première fois derrière la caméra pour mettre en scène leurs propres délires. Egalement scénaristes du film, Eric et Ramzy confient avoir ce projet en tête depuis près de sept ans. Un projet titanesque, dans lequel nos deux comédiens, tels des enfants, souhaitaient pouvoir orchestrer leur course poursuite dans un Paris déserté de ses habitants et de sa circulation. Un projet rendu possible par lobtention dune autorisation préfectorale très rarement délivrée. De là à y voir un rapport avec la présence du cadet des fils du Président au générique (Pierre Sarkozy signe plusieurs morceaux sur la bande musicale de son nom de scène, « Mosey ») ? Quoi quil en soit, cette grosse production a permis également aux deux comédiens/réalisateurs dinviter de nombreuses pointures quon a pas lhabitude de voir dans ce registre (Scott-Thomas, Magimel), à leur donner la réplique. Porté par une campagne de promotion intense et prometteuse, « Seuls two » était forcément LA comédie française attendue de lété !
« Quest-ce que tu vas me faire ? Tu vas me bouffer, comme tas bouffé les autres ? »
Nayant que peu apprécié les tentatives précédentes de nos deux compères sur grand écran, je dois reconnaître que ce « Seuls two » ma agréablement surpris. Car pour une fois, Eric et Ramzy ont réussi à trouver le parfait équilibre entre scénario totalement barré et effet visuel impressionnant, chose qui nétait pas le cas par le passé (on se souvient notamment des « Daltons », qui avaient un visuel cartoonesque assez sympa mais qui souffrait dun scénario franchement pas terrible). Ce coup-ci, le scénario tient relativement bien la route. Même si lintrigue demeure franchement cucul (les gens réapparaissent à chaque fois que nos compères se rendent compte de lamitié qui les unit finalement), lensemble totalement régressif et assumé, fait la part belle à lhumour cartoon (la course poursuite interminable rappelle sans mal BipBip et Coyote), très décalé (beaucoup de codes ringard ici comme le curling), absurde, et délicieusement potache (hilarante scène où Eric saute de joie sur un toit avec la Tour Montparnasse en arrière plan). Jouant en permanence de la belle complicité et de la complémentarité qui les unit, Eric et Ramzy se jouent de tout, des situations les plus ridicules et/ou absurde pour nous proposer une comédie franchement efficace. Dautant plus que celle-ci est particulièrement spectaculaire, avec ses incroyables scènes de poursuites se déroulant dans un Paris totalement désert, qui nont finalement pas grand chose à envier à « Je suis une légende ».
« Si a 11 ans tu as perdu une famille darabes, sache que pour autant tu as gagné un Gervais à jamais ! »
Dès lors, pas grand chose à reprocher à leur première réalisation. La mise en scène savère de qualité, bénéficiant surtout dune totale réussite des scènes « impressionnantes » de Paris vidée de ses habitants. Tout juste reprochera-t-on aux réalisateurs une mise en scène parfois trop scolaire et trop appliquée, là où un peu plus de folie aurait été bienvenue. De même, si le montage est plutôt efficace, on regrettera que certains délires, parfois inégaux et pour le coup franchement too much, soient étirés jusquà la corde (le braquage de départ avec Eric déguisé en palmier). Mais ceci est contrebalancé par des passages dune incroyable drôlesse (la garde à vue du gamin, les scènes avec Omar et Fred, les échanges sur le curling, ou sur la vraie identité de Ramzy). La qualité du film doit également beaucoup à la performance des comédiens, en tête desquels on retrouve inévitablement Eric et Ramzy. Absurdes, enfantins, débitant tels des mitraillettes des inepsies pas possibles, ils montrent pour la première fois au cinéma leur parfaite complémentarité et leur sens de la réplique qui tue. On trouvera même une certaine forme de maturité dans le jeu de Ramzy, tandis quEric se révèle être la bombe comique du film. Parmi les très nombreux seconds rôles, il faut souligner également les excellentes performances de Fred Testot (hilarant dans ses deux apparitions), dOmar Sy, et également de François Damiens. Au final, avec ce « Seuls two », Eric et Ramzy réussissent globalement leur baptême du feu de réalisateurs, en nous proposant une comédie réjouissante et franchement déjantée, qui bénéficie de plus de certaines scènes particulièrement spectaculaires. Un gros délire bien régressif assez agréable, qui se révèle être plutôt une bonne surprise. A condition toutefois de ne pas être réfractaire à lhumour dEric et Ramzy, sous peine ne pas trouver son compte dans ce film !
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