Slumdog millionaire
« Quand on me pose une question, jy réponds ! »
Jamal Malik, 18 ans, orphelin vivant dans les taudis de Mumbai, est sur le point de remporter la somme colossale de 20 millions de roupies lors de la version indienne de l'émission Qui veut gagner des millions ? Il n'est plus qu'à une question de la victoire lorsque la police l'arrête sur un soupçon de tricherie.
Sommé de justifier ses bonnes réponses, Jamal explique d'où lui viennent ses connaissances et raconte sa vie dans la rue, ses histoires de famille et même celle de cette fille dont il est tombé amoureux et qu'il a perdue. Mais comment ce jeune homme est-il parvenu en finale d'une émission de télévision ? La réponse ne fait pas partie du jeu, mais elle est passionnante.
« Largent et les femmes sont la source de la plupart des problèmes. Et toi tu as un problème avec les deux »
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Pour son dixième long de cinéma, le réalisateur anglais Danny Boyle signe ladaptation du best-seller indien « Les fabuleuses aventures dun indien malchanceux qui devient milliardaire » de Vikas Swarup. Film de commande, « Slumdog millionaire » permet à Boyle de renouer avec une thématique qui lui est chère, à savoir linfluence ambiguë de largent sur ceux qui nen ont jamais eu (comme dans « Petits meurtres entre amis » ou « Transpotting »). « Slumdog millionaire » aura également été loccasion dun tournage difficile pour Boyle, en raison des délicates conditions de tournage en Inde, où les autorisation de filmer au sens où nous lentendons ici nexistent pas. Afin de se fondre dans la foule et dans les rues au milieu des quidams, le tournage sest donc fait grâce à des caméras numériques de petites tailles (comme la SI-2K), discrètes, très maniables et saisissant parfaitement les mouvements. Lautre difficulté du film aura été son casting, composé pour lessentiel damateurs recrutés sur place. Les deux comédiens jouant les deux héros au plus jeune âge sont ainsi de véritables enfants des rues. A leur côté, on retrouve quelques stars du cinéma indien, pour la plupart méconnues du public occidental, ainsi que le jeune Dev Patel, star dune série adolescente de la télévision britannique, qui trouve là son premier grand rôle au cinéma. Présenté dans de nombreux festivals, « Slumdog millionaire » a été largement primé, que ce soit aux British Independant Film Award, aux Boston Society of Film Critics, et surtout aux Golden Globes où il a été récompensé de 4 trophées dont Meilleur Film et Meilleur Réalisateur. Il partira favori aux BAFTA et aux Oscars avec respectivement 11 et 10 nominations.
« - Partir avec toi ? On vivrait de quoi ? - Damour »
Vainqueur surprise des Golden Globes, outsider inattendu des Oscars, il nen fallait pas plus à « Slumdog millionnaire » pour devenir le film évènement de ce début dannée. Pourtant, cette histoire sur fond de « Qui veut gagner des millions? » version indienne avait de quoi à priori rebuter. Dautant que le début du film savère déroutant, tant son intrigue à tiroirs a du mal à se mettre en place et tant celle-ci semble différente du roman original dont on ne reconnaît que peu déléments. Pourtant, on doit reconnaître que Danny Boyle réussit un véritable coup de maître, en parvenant à se détacher suffisamment du roman original pour en extraire la substantifique moelle tout en soctroyant une grande marge de liberté de manuvre. Car finalement, peu importe les évènements vécus par Jamal Malik, ce qui intéresse le réalisateur (à linstar de lauteur du roman), cest de retranscrire cette réalité indienne, faite de misère, de brutalité et de violence (affrontements interreligieux, enfants mendiants et mutilés, maffias, racisme entre castes, violences faites aux femmes) bien loin de limagerie de pacotille de certains réalisateurs un peu bobo (comme Wes Anderson et son « Darjeeling Limited ») pour qui lInde se résume à Bollywood, au Taj Mahal, ou à la figure du Mahatma Gandhi. Une réalité quil transcende à travers la personnalité de son héros, mélange de pureté, de loyauté et daltruisme, qui triomphe par sa détermination et par son amour dune société corrompue où largent (symbolisé par lémission de télévision, véritable miroir aux alouettes pour ceux qui rêvent dascenseur social) devient lunique valeur acceptable et enviable, celle qui conduit à lécrasement et à lhumiliation de lautre, justifiant de ce fait tout cette violence intolérable. Lautre tour de force du film réside à lévidence dans la mise en scène de Boyle. Une réalisation au cordeau, nerveuse, énergique, toujours en mouvements, et totalement inondée par une musique omniprésente, qui crée une ambiance à la fois pleine de vitalité mais aussi étouffante, un peu à limage de ce pays. Contre toute attente, Danny Boyle réalise donc assurément lun des films majeurs de cette année, nous offrant au passage lune des romances les plus échevelées quon ai vu au cinéma depuis longtemps.
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