Sparrow
« - Vous ne faites que du noir et blanc ?
- Cest plus simple. Les couleurs sont souvent trompeuses »
A Hong Kong, un Sparrow est un pickpocket. Kei est le plus habile de tous. Entre deux vols de portefeuilles avec les membres de son gang, il aime arpenter la ville à vélo, et prendre des photos. Un jour, une femme ravissante, Chun Lei apparaît dans son viseur. Il est ensorcelé.
Chaque membre du gang va tomber sous le charme de cette femme qui ne les a pas croisés par hasard. Elle veut que les pickpockets dérobent pour son compte quelque chose de très précieux...
« Elle sest infiltrée parmi nous, comme mon moineau »
Signifiant littéralement « Moineau », le terme « Sparrow » est communément utilisé pour désigner les pickpockets sévissant à HongKong, en référence à leur habileté et à leur dextérité. Johnnie To joue ici allégrement de cette double image car si son film traite dune petit gang de pickpocket, son long métrage souvre et se termine sur le plan dun moineau. Le réalisateur de polars de HongKong sillustre une nouvelle fois par sa grande productivité, puisque ce « Sparrow » nest ni plus ni moins que son vingt-cinquième long métrage réalisé en dix ans ! Parmi ceux-ci ont lui doit quelques grands films qui ont bénéficié dune sortie sur nos écrans, comme « The mission » (2001), « PTU » et « Breaking news » (2005), ou encore « Election l et 2 » et « Exilé » (2007). Ce « Sparrow » marque sa dixième collaboration avec le comédien Simon Yam. A noter que la musique du film est signée du français Xavier Jamaux, qui avait déjà signé la musique de « Mad Detective », précédent long de To sorti sur nos écrans en mars. A noter que le film a été présenté en Compétition Officielle au Festival de Berlin.
« De mon temps, on attendait davoir le niveau pour passer laudition »
Après toute une série de films plus graves (« Election 1 et 2 », « Exilé » et son massacre final en guise dhommage à « La horde sauvage » de Peckinpah), le très prolifique Johnnie To semble aspirer à des films plus légers, comme le prouvait déjà sa collaboration sur le récent « Triangle » dont il signait lun des trois segments. La tendance se confirme donc avec ce « Sparrow », dont le scénario est davantage un prétexte pour le réalisateur à une récréation quautre chose. En effet, sil base toujours son récit dans le milieux des gangsters, des voleurs, et des mafias, son film nest pour autant un polar au sens où on lentend. Certes, il reprend les codes du polar et du film noir, avec ses anti-héros, la femme fatale qui les conduit à leur perte, ou encore la machination dont ils sont lobjet. Mais finalement, lauteur se dégage vite de toute obligation de suspense, de tension, ou de switch, le final étant finalement assez prévisible. Lintérêt est pour le coup ailleurs, dans lambiance qui se dégage de ce film. Une ambiance dune incroyable légèreté, qui ressort de cette musique jazzy qui accompagne le film et de ses scènes tantôt drôles (le coup des lames de rasoir planquées sous les langues, ou encore de cette hilarante mise en scène pour récupérer le pendentif du méchant de service, qui na rien à envier à la bande de Danny Ocean), tantôt poétique (lapparition récurrente de loiseau, ou encore le combat final avec sa chorégraphie de parapluie). Mélange de nombreuses influences et dhommages (les comédies musicales tant américaines que françaises, le polar noir façon Melville), ce « Sparrow », totalement insaisissable, ne ressemble finalement à aucun autre film.
« Pour ne pas perdre la face, je dois prendre ma revanche »
Evidemment, le film doit sa réussite en grande partie à lextraordinaire talent de metteur en scène de To. Dune incroyable virtuosité, celle-ci se montre totalement aérienne, sans oublier pour autant de laisser libre court à la belle créativité du réalisateur, comme dans cette belle chorégraphie de parapluie, totalement improbable, qui conclue le récit. Omniprésente, la musique savère également être de bonne facture, et contribue pleinement à apporter cette légèreté à lensemble. Côté interprètes, on retrouve quelques habitués du réalisateur, en tête desquels le charismatique Simon Yam, auteur dune formidable prestation en chef de bande rusé et empreint de mélancolie. A ses côtés, Law Wing-Cheong livre également une prestation remarquable, jouant avec beaucoup dautodérision de son physique singulier (son déguisement en masseuse professionnelle vaut le détour) et sassurant par là le statut de second rôle qu'on retient. Habituée des films de To, la belle Kelly Lin incarne pour sa part une redoutable femme fatale, avec à la clé et chose rare chez Johnnie To un rôle féminin développé, à la fois forte et manipulatrice mais emprunte également de fragilité. Certes, ce nouvel opus du maître du cinéma HongKongais négale peut-être pas ses plus gros films, notamment son excellent « Exilé » sorti lannée dernière, pour autant, de par son originalité et la maîtrise totale de sa mise en scène un film formellement intéressant et très réussi. A voir donc.
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